Chapitre 1°) Renaissance

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Heureusement pour moi, même les monstres étaient incapables de voir ma projection astrale dans cette dimension, par réflexe, elle prenait l'apparence que j'avais quand j'étais encore humain. Plusieurs détails trahissaient cependant que j'étais le "Résurrecteur", notamment mes yeux violets à pupille rouge et mes vêtements, ma veste au col et aux extrémités de manches couvertes de plumes et mon boa fourré me venaient de deux de mes défunts ennemis... Enfin, même si j'avais réussi à faire revenir la propriétaire du boa!

Je ne comptais pas le lui rendre!

Cette veste représentait des écailles de serpent blanc et violet, elle était faite pour moi.

L'invisibilité étant le propre de l'esprit, je flottai au-dessus des mortels incapables d'assister à ma croissance . Plus mon corps astral grossissait et plus je m'éloignais de la Terre.

Plus ma taille se développait et moins l'espace m'apparaissait sombre, dans le plan astral, il prenait cette étonnante teinte orange-blanche. Je dépassai rapidement la taille du soleil et commençai à contempler les merveilles de l'univers.

Par la seule force de ma pensée, je m'amusai à retisser les nébuleuses et à faire voyager les étoiles à travers les torrents d'explosions de quasars quand je remarquai ce qui m'apparaissait un petit animal.

Je voulais dire: "petit à mon échelle".

À ma gauche, nageait une sorte de crocodile qui essayait de dévorer une galaxie.

C'était un Wechuge, une entité cosmique sauvage. Cette maudite bestiole essayait de traverser les dimensions, je la punis en l'attrapant par la queue et en la jetant dans mon gosier.

Ce crocodile géant de l'espace avait un goût de... Quasar! Et de légumes verts.

Je continuai ensuite de grandir pour pouvoir admirer les différents univers qui flottaient au milieu de ce vide de cuivre, d'ivoire et d'ambre. Je fus rapidement dérangé par un loup qui devait faire la moitié de ma taille.

Je dévorai aussi ce Wechuge. J'espérai que c'était le dernier.

Je repris donc la contemplation de cet espace astral, mais fus dérangé une troisième fois.

L'intrus faisait au moins cinquante fois ma taille. C'était un euphémisme. La rencontre entre deux univers à laquelle j'assistais était une sorte de mur les séparant, une vitrine. D'un côté , il y avait la dimension astrale lumineuse, pure et parcourue de merveilles astronomiques, de l'autre, il n'y avait que le néant.

C'était tout ce que je voyais: les ténèbres, le vide, l'oubli...

Je n'aimai pas ça. Je ressentis un frisson parcourir mon échine.

J'avais l'impression qu'une goutte de sueur froide traversait mon front...

Cette dimension n'était que vide, pourtant j'avais l'impression qu'une infinité d'yeux rouges me regardait. Je ressentais de la haine... Je ressentais de la rancune... Je ressentais le mal.

De cette infinité d'idées noires, surgit un cobra.

Le serpent titanesque me bondit dessus, rampant à travers le vide interdimensionnel pour me foncer dessus, tous crochets dehors.

Malheureusement pour lui, le cobra noir ne faisait pas le poids face à un de mes rayons d'énergie, je me contentai donc de le renvoyer d'où il venait.

C'était amusant, si Apophis était probablement l'être le plus grand de tous les univers sur le plan astral qui séparait les univers, il n'était en revanche, sur celui du monde réel, qu'une boule d'énergie obscure de la taille d'un four à micro-ondes...

Pauvre Apophis...

Une fois ces souvenirs effacés, je pus le laisser vaquer à ses occupations.

Il avait autre chose à faire que de me repérer.

Le serpent à lunettes dansait dans le ciel nocturne. Sous la neige et la pluie, il observait sa cible, une plateforme pétrolière clandestine située en plein milieu de l'Océan Antarctique.

Je pus retourner à mes occupations, j'avais quelqu'un d'autre à surveiller.

Je me dirigeai donc vers les montagnes enneigées. Ma projection astrale posait son regard sur un grand bureau arborant un symbole en forme de flèche. À l'intérieur de l'immeuble, dans un couloir sombre, un jeune homme sortait de son travail.

         Dans les vestiaires, il se passait un peu de déodorant, certes une douche aurait été appréciable après le spectacle, mais il fallait réveiller son amie.

     Yassine ne prit donc même pas la peine de se changer.

Le jeune homme se dirigea donc vers la chambre de son amie.

Manuela était complètement décoiffée, un de ses bras était plié d'une manière si grotesque qu'on aurait imaginé une cadavre.

Yassine secoua son amie et tenta de prendre une voix douce:

- Manu... C'est important... Il s'est passé un truc grave.

La jeune femme grogna.

- Ça fait au moins neuf heures que tu dors, tu vas pas m'sortir que t'es pas reposée, se plaignit Yassine.

   La jeune femme finit par se réveiller.

    Elle ouvrit les yeux, puis les écarquilla.

Le jeune homme recula, partit ouvrir les stores et provoqua involontairement l'ouverture complète de ses yeux.

       Manuela était trop occupée à l'admirer pour écouter ce qu'il disait.

       Yassine était d'origine Hawaïenne, il était un peu plus grand que Manuela. Le jeune homme étant torse nu, ce qui permettait d'afficher un torse bien taillé, il était difficile de détourner le regard.

     Le ventre bosselé du danseur et la large poitrine de l'apparition confirmaient néanmoins qu'il entrait dans la catégorie "robuste".

Tout ce qu'Yassine portait, c'était une sorte de toge blanche.

    La jeune femme aux longs cheveux finit par remarquer les étranges énergies rouges et noires qui émanaient de lui.


- Ah oui, pardon... J'ai oublié de désactiver l'enchantement. comprit Yassine en appuyant sur le joyau en forme de losange qu'il portait à sa ceinture.

Les éclairs de magie de sang et d'ombre disparurent.

- Dès que j'ai reçu le message de Jake, je suis sorti, j'ai pas eu le l'temps d'me changer !

Le jeune homme retira aussi ses lentilles de contact rouges. Il les plaça dans sa toge.

- Faut absolument que tu ailles dans le hall, il s'est passé un truc de dingue. Moi, ben... J'vais m'changer.

La jeune femme laissa le danseur partir.

    Elle tourna la tête.

    Peut-être que si Yassine n'avait pas été aussi pressé, il aurait remarqué que quelque-chose clochait chez Manu.

     La jeune femme observait son pull:

- Depuis quand je porte des trucs comme ça? Et c'est quoi, c't'endroit? pensa-t-elle.

Manuela vit que quelque-chose brillait sur la table de chevet.

   C'était un petit objet rectangulaire, protégé par une couverture de plastique que l'on pouvait refermer, à la manière d'un livre. Cet objet était branché à une prise.

    L'objet donnait l'heure et la date.

- HEIN? réagit intérieurement Manuela.

C'était impossible : Il y avait au moins vingt ans de trop dans cette date ...

    Manuela trouva un miroir placé sur la porte d'un placard.

- Ça, c'est définitivement pas mon visage!

La jeune femme fouilla la chambre et trouva le sac à main accroché au lit, et donc un portefeuille.

Une carte d'identité portait la photo du visage qu'elle avait vu dans le miroir: depuis quand son nom de famille était-il Tobias?

Pendant trente bonnes minutes, la jeune femme s'isola dans ses pensées.

   Les questions se bousculaient. Son cerveau lui imposait une sensation d'incendie.

Elle commença à essayer d'additionner les indices.

   Les derniers souvenirs de Manuela concernaient le travail.

    Elle se souvenait avoir terminé la mise en rayon des produits, avoir fait un peu de facing, ou pour les profanes, avoir mis en valeur les produits sur les rayons...

     Elle s'était même fait une réflexion concernant cette routine. C'était toujours la même chose, les jours étaient toujours les mêmes.

     Ayant terminé son service, Manuela avait l'après-midi libre, elle comptait bien en profiter pour prendre le bus et faire le tour des lieux populaires.

    Malheureusement pour elle, au moment où elle traversa la route... Un camion était arrivé...

Était-elle morte? Était-elle au paradis ? Était-ce une hallucination provoquée par son cerveau pour ne pas affronter la réalité de la mort imminente ?

En commençant par relativiser, un sourire digne de Satan se dessina sur le visage de la jeune femme.

Au fond, pourquoi pas?

Quelqu'un toqua.

- Manu, t'es prête ?

C'était la voix du jeune homme de tout à l'heure.

Malheureusement pour Manuela, Yassine avait enfilé un short et un débardeur.

Le jeune homme ne réagissait même pas en voyant son amie manipuler son téléphone portable.

    Elle se contenta donc de le suivre en fouillant cet objet. Elle trouva des messages adressés à ce mystérieux Hawaïen, elle apprit donc son prénom.

- Y... Yassine ? tenta la jeune femme.

- Oui? réagit l'ami de notre aventurière néophyte.

- Pourquoi... Pourquoi tu m'as réveillée aussi tôt? demanda-t-elle dans l'espoir que ça passe.

- Alors... Il vaut mieux que tu le vois par toi-même.

Manuela en profita pour jeter un œil à ce couloir blanc, à sa gauche, les vitres donnaient sur une montagne blanche.

À sa droite, les portes étaient plutôt aseptisées, c'était clairement un bureau.

Avant d'ouvrir la porte du hall, le jeune danseur se tourna vers son accompagnatrice.

- Ah... Tu me le rappelleras, s'teuplaît... Il faut que quelqu'un recharge mon Asarluhi.

- Euh d'accord, répondit la jeune femme, gênée.

- Fais pas cette tête, je vais pas t'obliger à jeter un sort que tu maîtrises pas. la rassura Yassine en souriant.

- Ah... pensa la jeune femme.

Asarluhi ? Sort?

Les globes oculaires de Manu auraient pu sortir de leurs orbites.

La jeune femme restait bouche bée.

   Le hall de ce bureau aurait pu être très commun, il occupait trois étages à lui seul, ça se voyait aux passerelles qui les reliaient et aux différentes allées.

     Quatre grands arbres avaient été plantés au centre, ils étaient bien vivants pour ce mois de janvier. Ils n'étaient pas seulement verts, ils portaient des fruits.

        Entre les quatre colosses de bois, pendait un quadruple écran de télévision, comme celui des gares ou des aéroports.

       La décoration de cette salle d'ivoire et de blé n'était pas ce qui intéressait Manuela.

      Tout ce qu'elle voyait ne pouvait pas exister.

      Quand Yassine avait parlé de magie, elle avait cru à une erreur d'interprétation, mais le doute n'était plus permis!

      Tout ce qu'elle voyait lui évoquait la folie.

Dans ce hall et sur le parking, avait été improvisé un marché. Les échoppes et les tentes étaient occupées par des créatures que Manuela n'avait jamais vues auparavant.

La majeure partie des vendeurs ressemblaient à des êtres humains nus, leur véritable nature était trahie par un certain nombre de détails, notamment leurs longues oreilles pointues, leurs cheveux, leur peau et leurs yeux de toutes les couleurs, leurs ailes de papillon et leur beauté.

Il y avait même une vendeuse portant des lunettes de soleil, ses cheveux étaient remplacés par des serpents.

Ce qu'elle avait vu aujourd'hui resterait gravé dans la mémoire de Manuela.

Elle jeta un coup d'œil sur la montagne, les murs de cette pièce n'étant que des vitres, c'était facile.

Toutes les créatures qui traversaient ces plaines blanches et ces bois enneigés fascinaient la jeune femme.

Manuela vit le mêmes entités en regardant la télévision.

Elle avait vu des chevaux au front serti d'une corne de diamant parcourir les landes, de longs serpents à gueule de loup boisée traverser le ciel et poisson à buste humanoïde faire la fête sur les récifs d'un fleuve.

Les licornes, les dragons Est-Asiatiques et les sirènes étaient déjà impressionnants, mais le reste des fées et des elfes étaient apparus comme une tornade d'aurores boréales et d'arcs-en-ciel.

Le marché de ce bureau était un véritable vivier pour l'émerveillement de Manuela.

Les lutins troquaient leurs légumes, les harpies proposaient des fioles de venin, les nymphes vendaient leurs parchemins.

La jeune femme était donc trop occupée à admirer les esprits élémentaires et les dragons écailleux pour écouter les conversations, même celles qui se faisaient dans des langues qu'elles comprenaient.

Eh oui! Les elfes et les fées s'inquiétaient concernant ce qu'ils appelaient le "Résurrecteur", tout comme mes créatures, les monstres qui peuplaient ce monde avaient entendu parler de mes sorcières et m'en voulaient.

- Tiens, regarde... fit Yassine en pointant du doigt l'écran.

   Une chaîne d'information en continu montrait un chanteur blond à la peau de bronze. Les présentateurs, un minotaure et une femme pourvue de flammes à la place des cheveux venaient de terminer la présentation de l'article sur l'artiste. Ils laissaient la parole à une journaliste aux yeux bleus.

Ce n'était pas paranormal, mais il fallait reconnaître que la nuance de bleu foudroyait la jeune femme. Elle savait qu'elle ne devait pas juger quelqu'un pour son physique, mais quand on lui parlait d'yeux bleu persan, elle ne pensait pas à des yeux perçants.

Oui, ce détail était pour elle aussi important que le sujet du reportage...

L'article concernait deux créatures.

   La première ressemblait à un squelette de cerf, la seconde à une tortue géante pourvue de six pattes:

- C'est quoi, ces machins? demanda la jeune femme.

- Ben... Le Manaha et la Tarasque... réagit Yassine.

- Tu sais... Les deux tueurs en série qui ont sévi au Canada et en France.

L'article étant assez long, Yassine était aspiré par ces faits divers, Manuela demanda à haute voix:

- Non, mais c'est qui, le Manaha et la Tarasque?

Fort heureusement pour elle, son portable répondit.

Le smartphone montra un moteur de recherches, la jeune femme n'avait jamais vraiment utilisé d'ordinateur dans sa vie, mais connaissait cette fonction pour l'avoir vue chez une amie.

     C'était assez facile à utiliser.

    Les articles de journaux parlaient de cette chose squelettique et du dragon Français.

Ça avait défrayé la communauté surnaturelle.

Tous les monstres et toutes les créatures fantastiques en avaient entendu parler...

Le Manaha était un Wendigo qui semait la terreur au Canada. Sa série de meurtres avait cessé le jour où une photographe l'avait surpris dans une cabane. La créature eut à peine le temps de se jeter sur elle qu'une boule de feu rouge était sortie de des frêles mains qui avaient laissé tomber leur appareil et avait transpercé son cœur...

Les témoins disaient que le monstre de glace s'était divisé en une infinité de petites cendres rouges et noires et que depuis, le Wendigo n'était plus qu'une carte de tarot.

Au même moment, à Tarascon, en France, le dragon de la ville avait été repéré.

Une jeune femme avait foudroyé la Tarasque et l'avait elle aussi transformée en carte à jouer.

Depuis plus de deux ans, les gens avaient compris comment je fonctionnais.

Mes créatures pouvaient prendre toutes les formes.

Mes fées traquaient les vi*leurs. Mes dragons dévoraient les meurtriers. Mes vampires vidaient les tyrans de leur sang. Mes anges carbonisaient les pédophiles. Mes fantômes broyaient les abuseurs.

Mes créatures n'avaient pas accepté ce changement.

En voyant la réaction de son amie, Yassine sursauta. Il n'avait pas besoin d'être un expert pour décoder l'expression et les tremblements de Manu:

- Ah pardon... Je savais pas que ça te mettrait dans cet état... Tu sais quoi, je vais te ramener à la sororité de tes amies et si jamais, tu as besoin de moi, tu m'appelles.

Ce n'était pas le paradis, ça ...

C'était quoi, cette histoire ?

Pourquoi y avait-il des monstres qui tuaient des gens?

Yassine ne savait même pas ce que son amie traversait...

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