Chapitre 3°) L'apprentie sorcière

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Une personne se réveillant dans un corps inconnu pouvait exécuter toutes sortes d'actions, comme hurler, courir, tergiverser, taper sur des objets et se recroqueviller sur elle-même.

En tout cas, quand j'ai vécu la même chose, c'était ce que j'avais fait, moi.

Promis: je ne fais pas en sorte que ça arrive à d'autres personnes pour qu'elles partagent ma douleur... Ou alors inconsciemment !

Manuela, elle, relativisait.

Certes, elle avait entendu cette horrible histoire aux informations, mais elle avait quand même découvert qu'une forme de vie extraterrestre existait.

Elle disposait d'une arme pour en apprendre plus.

Son téléphone portable comprenait plusieurs informations importantes.

Elle apprit notamment que sa mère allait venir pour lui proposer d'aller faire ses courses dans ce qu'elle appelait "le Monde des Ténèbres".

Belladonna, la mère de Manuela, arriva au bureau et prit la main de sa fille.

L'index droit de l'assistante sociale projetait des étincelles or et mimosa. Ces éclairs déformaient l'air.

Une apparition se manifestait dans l'esprit de Manuela. Elle voyait le vide de l'espace, entre quelques étoiles, elle apercevait la danse d'ondes violettes, bleues, vertes, roses, rouges, jaunes et argentées.

Ces rivières d'énergie étaient déformées par le mouvement du doigt de la mère.

Elles formaient à présent un cercle de runes entourant une formation géométrique dont le cœur était un symbole que la jeune femme ne reconnut pas.

La rune magique représentait deux spirales opposées s'enroulant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Ces deux spirales étant reliées par leur queue, elles formaient un "N", elles restaient séparées par deux barres parallèles.

Le symbole du sortilège cracha un feu d'artifice multicolore entourant les deux jeunes femmes.

Il les envoya jusqu'au "Monde des Ténèbres".

Ce dernier avait beau être plongé dans la nuit et les brumes violacées, découvrir des plateformes flottant au-dessus d'un vide évoquant un crépuscule éternel ne pouvait que laisser Manuela bouche bée.

Les gobelins, les farfadets, les croque-mitaines et les feux follets n'avaient pas de marché, la vente se faisait directement sur une île volante, au milieu d'une jungle tropicale.

Une fois les emplettes terminées, Manuela rentra chez elle, si elle avait bien suivi les messages écrits sur son téléphone portable et les conversations avec celle qui était supposée être sa mère, elle s'occupait d'une sororité et l'entretenait pendant que ses amies étudiantes étaient en vacances, la chambre dans laquelle elle avait dormi était celle d'Yassine.

Si elle avait su qu'elle n'avait aucune possibilité de tenir sa promesse.

Une fois dans la chambre de son amie inconnue, Manuela put prendre le temps de réfléchir pour la troisième fois.

Tout était allé trop vite, mais elle ne voyait qu'une chose: Les opportunités !

Manu ne regrettait rien de sa vie antérieure, elle se le disait: elle ne manquait rien.

Les fées et les démons existaient. Et même les fantômes.

Sa mère pouvait se téléporter jusqu'à des mondes remplis de ces créatures.

Il lui fallait se renseigner sur tout ce qui pouvait lui arriver.

Dans ses souvenirs, l'ancienne Manu n'avait rien! Elle vivait une vie banale, dans une ville banale, mais maintenant, elle s'excitait plus qu'une puce.

Si sa mère était pourvue de pouvoirs, elle devait bien l'être elle aussi.

Yassine avait parlé d'un enchantement... "A-Serres-Louis"?

La première chose à laquelle pensa Manu fut de se connecter à Internet, à son époque, les téléphones ne pouvaient pas le faire, mais maintenant son écran rectangulaire lui offrait autant de possibilités que le sortilège de sa mère.

Il allait falloir qu'elle apprenne à le maîtriser.

La vendeuse de produits surfa un moment sur les réseaux sociaux. Si les mortels ignoraient tout ce qui composait la réalité, ils ne pouvaient pas entrevoir ce que le virtuel cachait.

En observant ces "réseaux sociaux" comme les moteurs de recherches les appelaient, Manu découvrit plusieurs groupes de discussion intéressants.

Ses pairs, les autres êtres paranormaux, se moquaient bien des mortels, ces ploucs qui croyaient que la magie se pratiquait en étudiant les astres, en allumant des bougies, en lisant des feuilles de thé ou en appelant le pouvoir d'énergies de la terre.

Les sorciers et les monstres qui se réunissaient entre eux s'échangeaient de véritables sortilèges.

Parmi ses contacts, Manu trouva deux prénoms importants : Jake et Yassine.

- WAOUH! Les beaux gosses! se dit-elle.

Elle avait remarqué que le second était un sacré Adonis, mais elle n'avait pas vu l'étendue des costumes de ses spectacles. Elle n'avait pas non plus vu la vidéo où il dansait à moitié nu en manipulant des flammes allumées au bout de bâtons... La légende de la vidéo disait: Juste parce que je suis Hawaïen, les organisateurs croyaient que j'savais déjà faire ça, il m'a fallu une semaine pour maîtriser cette danse!

Ces derniers semblaient souvent discuter avec elle d'enchantements, de formules et de filtres. Yassine se plaignait souvent de n'être qu'un mortel sans pouvoir !

Tout en cherchant comment fonctionnait la magie, Manuela remarqua que quelqu'un l'appelait.

C'était Jake. Elle appuya sur la photo clignotante de son écran. Ce dernier fit alors apparaître un jeune homme à l'improbable coiffure.

Comment Jake pouvait-il entendre quoi que ce soit avec autant de cheveux sur ses oreilles?

Et ce n'était pas le pire: pourquoi ses mèches évoquaient-elles un trident?

Le jeune homme aux yeux de jade soupirait:

- Manu... Manu... Va quand même falloir que tu t'trouves une boule de cristal ou des cartes de tarot. Si tu veux, je connais des Nains qui en fabriquent.

- Ah oui, s'teuplaît ! réagit la jeune femme.

- Ah tu veux vraiment... Je croyais qu't'aimais pas les interfaces holographiques. fit le roux en haussant un sourcil.

- Oh les gens changent.

- En parlant de ça... Tada!

Jake venait de reculer la caméra, il se trouvait en face d'une université, en tournant ce qui lui servait de téléphone, Jake révéla un lac marécageux.

- Ça te fait pas plaisir que j'vienne à l'université ? s'étonna Jake.

- Euh... Bien sûr que si! fit Manuela.

- Manu... Tu t'sens bien ? demanda Jake.

La jeune femme sentit une goutte de sueur froide couler le long de son cou.

Elle s'était bien débrouillée avec sa mère. Que devait-elle faire? Révéler ce qu'un certain maléfice lui avait fait alors qu'elle ne savait même pas ce qui lui était réellement arrivé ?

Cet homme était son ami. Il valait peut-être mieux trouver un prétexte. Non! Il fallait qu'elle lui avoue la vérité.

Manuela aurait pu ouvrir la bouche, mais préféra jouer le jeu. Encore.

D'après sa conversation écrite avec Yassine, elle avait compris que le jeune homme lui avait prêté sa chambre après une éreintante journée au magasin.

- Désolé, le travail, hier, m'a épuisée et puis avec ma mère, on a fait le tour des marchés... Magiques. On est allé chez les fées et après chez les farfadets.

- Ah... Si tu veux, je peux en parler avec ton patron et te faire avoir des vacances. Je peux même te fabriquer un golem pour te remplacer, comme ça tu profites de ton congé, tout en gagnant du fric sur le dos d'un robot zombie.

La jeune femme entendit son ventre gargouiller, elle avait repéré la cuisine en arrivant.

Tout en discutant avec son ami, Manu descendit les escaliers et se fit un sandwich.

- À part ça, je suis venu recruter des étudiants pour notre association.

- Bon courage, du coup. répondit la jeune femme qui n'avait aucune idée de la nature de l'association.

- Enfin, j'ai pas trop le temps, malheureusement je dois aller rendre visite à une employée de Hammond. À plus.

- Qui? se demanda Manuela.

La jeune femme passa un peu de temps dans la cuisine.

Même si des méchants supermagiques massacraient les pas magiques encore plus méchants, le monde continuait de tourner. Les étudiantes partaient en vacances, les brocanteurs troquaient leurs ingrédients, les chaînes d'informations alimentaient l'anxiété.

Après avoir admiré les photos d'Yassine, le déjeuner était terminé.

Manu se dirigea vers l'entrée, elle avait vu des pommes dans le jardin. Elle se demandait vraiment comment les arbres pouvaient avoir des fruits en janvier.

Boum!

Manu se raidit en entendant la cuisine se faire traverser par un gigantesque objet.

Le bruit de respiration qui parvint à ses oreilles était encore moins rassurant.

Le décor de l'université de Zorya plaisait à Manuela.

Tout ce vert et ce bleu, c'était quelque chose !

D'après ce qu'elle avait compris, l'université avait été installée juste à côté d'un bassin très populaire dans la région, celui d'un éleveur de carpes, ainsi la sororité avait été installée dans la maison de sa fondatrice, une sorcière maligne qui avait choisi le juste milieu: sa maison était à égale distance des deux.

Manuela aurait aimé visiter ce parc de pêcheurs, ou voir la plage que les étudiants aimaient.

Pour le moment, elle devait fuir.

C'était la réaction logique quand une créature ressemblant à un homme nu vert-grisâtre très costaud sortait du mur en le traversant.

La créature aux yeux rouges observait la sorcière, cette dernière n'avait pas envie de se faire saisir par l'unique bras, à savoir le gauche, de ce monstre.

Elle esquiva donc.

Manuela ne savait même pas comment elle avait fait pour éviter la charge dans un couloir aussi étroit. Elle ignora l'explosion de la porte et monta les escaliers.

La jeune femme se réfugia donc dans la chambre de son amie et passa par la fenêtre qui donnait sur le toit.

Boum!

La créature venait de traverser la porte.

Alors qu'elle sautait par la fenêtre, Manuela ignora la distance qu'elle prenait par rapport aux tuiles ocre et sang.

Sous ses pieds, elle voyait le petit chemin et la cabane du jardin de la sororité, elle voyait aussi la bête humanoïde qui traversait un mur.

- JE VOLE ? réalisa la sorcière néophyte.

Maîtriser un sort, c'était très bien... Il y avait néanmoins une différence entre le fait d'enchanter et la maîtrise de l'enchantement.

La créature sans expression tenta d'attraper la jeune femme qui flottait dans les airs.

Ça aurait été plus facile si son bras droit avait été autre chose que les muscles de son épaule et un reste d'os...

La jeune femme se dit que la chose n'allait probablement pas la suivre sur l'eau.

La sorcière sans balai lévita donc jusqu'au lac, au niveau de l'université.

Il allait moins rire, le monstre, une fois en face de plusieurs étudiants capables d'incanter des sorts.

Pendant que la créature verdâtre se dirigeait vers l'université, un jeune homme roux la visait avec ses mains. Le monstre ne semblait pas aimer les arcs électriques dorés et oranges en forme de losanges.

L'humanoïde fonça donc dans sa direction, le chemin qui menait aux escaliers du hall d'accueil était déjà en train de se dépeupler, parmi les élèves qui restaient, certains et certaines avaient déjà lancé un sort.

Woosh!

Zwoom!

Zwoom!

Une infinité d'arcs électriques était sortie des élèves, leur offrant un champ de force.

La jeune femme à la mèche qui accompagnait Jake se souvint au dernier moment que contrairement à lui, elle ne pouvait pas arrêter, ce monstre avec un coup de pied, Ania râla en esquivant le coup.

Bam!

La tête du bulldozer grisâtre venait de percuter la chaussure de Jake. Les deux combattants n'avaient pas réalisé la portée de l'onde de choc engendrée par la collision de leurs deux charges. Le sol se fissurait.

- JAKE PEUT ARRÊTER CE TRUC AVEC SON PIED?! pensa Manu.

Pendant que Manuela observait le combat, remerciant ce corps d'être l'amie d'un homme aussi costaud, Ania se demandait qui elle devait maudire, son ancienne force lui manquait, autrefois, elle aurait pu envoyer valdinguer l'agresseur d'un seul coup de poing.

La sorcière flottante ressentit un froid l'assaillir.

Elle tremblait.

Manuela observa l'arbre.

Elle ne savait pas pourquoi elle savait, mais elle le savait.

Une fumée de ténèbres en sortait. Ces tentacules ondulés n'étaient pas réels !

Ce qui pendait dans ces feuilles et ces branches était pire que la créature qui se faisait repousser par les décharges d'électricité statique que les doigts du sorcier roux mitraillaient. Les éclairs ne pénétraient pas la chair pourrie.

Ce n'était pas un épouvantail, on aurait dit un cadavre.

Jake tressaillit en entendant son amie hurler de terreur.

Ania s'occupait du monstre. Ses mains soufflaient quelques vagues de neige.

Pendant que le blizzard étouffait ce colosse virtuellement indestructible, Jake pouvait aller porter secours à la sorcière volante.

Ce qui était sorti des arbres ne respirait pas.

On aurait dit un cadavre déguisé en épouvantail pour Halloween.

Cette chose était reliée à plusieurs arbres grâce à des fils, il empêchait la jeune femme de prendre de la hauteur en formant une toile d'araignée couvrant le lac.

Le deuxième monstre possédait non seulement ses deux bras, mais en plus des griffes bien plus acérées que celles de son complice.

Ce monstre était rapide, il ne pouvait pas voler, mais ses fils lui offraient une grande agilité.

Slash!

Slash!

La jeune femme devait fuir les coups portés par cette entité volante.

Une boule de foudre sortit de la main de Jake, le Pantin se tourna alors vers le sol, sa main gauche, pourvue de cinq longues lames en guise de griffes, propulsa un objet noir qui la fit disparaître.

Le projectile de Jake ayant échoué, ce fut au bras droit de l'épouvantail de prendre le relais.

Ce dernier propulsa sa main, c'était un lance-grappin!

La paire de ciseaux géante allait atteindre la sorcière aérienne.

Malheureusement pour lui, le Pantin n'avait pas vu l'attaque d'Ania.

Son complice venait d'être propulsé dans sa direction.

Un objet échappa alors au Pantin, ce dernier, une sorte de pendentif doré bondit hors des vêtements de l'épouvantail pour s'accrocher au T-shirt de Manu.

Il n'avait pas non plus vu ce qui l'empêcha de tomber à l'eau.

Qui aurait pu le voir venir?

Alors que les deux monstres se heurtaient, une prodigieuse lumière jaune et blanche émanait des mains de Manu.

Le public admira les étoiles filantes scintillantes et argentées qui dansaient autour de la jeune femme.
Ces éclairs de diamants, de paillette et de miroirs convergeaient et tourbillonnaient à l'intérieur des mains de la sorcière néophyte.

Flash!

Le boulet de canon argenté foudroya les deux créatures qui prirent feu.

Ne restait-il plus des deux agresseurs qu'un tas de cendres noires et rouges tombant dans l'eau.

- Des créatures du Résurrecteur... réagit Jake.

Manuela restait choquée.

Depuis quand pouvait-elle lancer des boules de lasers?

Et surtout pourquoi ces créatures l'avaient-elles attaquée?

Elle manqua de tomber à l'eau.

Même si son sort de lévitation avait été rompu, elle ne savait pas comment, une force invisible l'avait fait revenir sur le rivage.

- Hmmm... fit Ania en finissant de faire atterrir Manu.

La sorcière Grecque claqua des doigts.

Manu sursauta, elle ne ressentait plus de problème. Elle n'avait pas peur. Aucun traumatisme !

Elle ne se sentait pas en danger.

- Comment t'as fait? demanda Jake.

- Je suis un peu supposée être "La Douleur"! Je la fais disparaître quand je veux.

- Manu, tu vas bien? demanda le roux.

- Un ogre de trois mètres vient de me poursuivre et une marionnette zombie vient d'essayer de me tailler en rondelles !

- À question c*n, réponse c*n... Bon, dégage, toi. Laisse-moi réconforter ta pote! grogna Ania.

L'ancienne divinité païenne poussa le jeune homme et se pencha vers la jeune femme pour lui chuchoter à l'oreille :

- Je sais que tu es comme moi.

- Pardon? s'exclama Manu.

- Tu peux cacher ton état à Jacob, mais pas à moi. Je connais tout ce qui t'ennuie... Tout ce qui te fait souffrir... Tout ce qui t'angoisse.

Jake n'eut pas le temps de parler:

- Viens avec moi! Il faut qu'on parle! ordonna l'avatar des souffrances.

Ania tira donc le bras de Manu pour lancer son sort de téléportation.

Manu venait de se faire téléporter chez sa nouvelle amie:

- Je te prierai de te taire et de m'écouter.

Ania avait décidément le don de forcer les gens à avaler leur salive.

- Si tu veux, dans le... Placard électrique frigorifique, là, y a du chocolat, des jus de fruits et même une bière.

- Je n'ai pas faim... lâcha timidement Manu.

- Voyons voir. J'ai en face de moi une jeune femme perdue qui vient de se faire agresser par un butor et un machin plus proche du squelette que de l'être vivant pour une raison inconnue... Moi, je suis une ancienne divinité païenne bloquée dans le corps d'une humaine. Qu'est-ce qui nous rassemble ? Ni toi, ni moi ne savons comment nous nous sommes retrouvées à cette époque. Qu'est-ce qui nous oppose ? Je connais le monde magique, tu connais celui humain. Je te propose donc de faire équipe !

Tout ne se déroula pas comme Ania l'aurait souhaité.

Les deux femmes se mirent à parler tellement vite qu'elles ne réussirent pas à s'ordonner pendant dix minutes.

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