Introduction°) Nous sommes le Chaos
Pendant une journée, tout un tas de choses pouvait se passer.
Un jeune homme pouvait fuir ses démons en se réfugiant dans l'alcool et les femmes, deux amies pouvaient passer du temps ensemble après avoir bien travaillé pendant le matin, trois amis pouvaient célébrer un événement qui avait failli être gâché par l'arrivée impromptue de visiteurs indésirables, l'un d'entre eux pouvait même se voir rappeler qu'il vivait dans l'ombre de son frère, enfin, un duo de criminels pouvait ignorer être passés à côté du pouvoir de mettre le monde à leurs pieds...
Ténèbres et lumières entamaient leur combat, pendant que tous ces événements se préparaient, quelques semaines avant cette fin de semaine, sous la lumière de la lune, une créature de l'ombre qui observait un étrange animal déclamait les paroles d'une chanson écrite par son bien-aimé, essayant tant bien que mal de marier l'expression théâtrale d'un récit à la musicalité d'un chant. Dans cette forêt tropicale, l'entité de l'obscurité venait d'assister un spectacle qui même pour quelqu'un de son essence n'était pas banal: l'animal venait de remplacer un serpent géant. Elle avait bien compris que la couleuvre titanesque n'était qu'un mirage!
«Ah nous ne sommes que votre souhait,
Indécents mortels, voyez qu'il est exaucé !
Non, vous attisez néanmoins le désir,
C'est sans doute parce qu'il est plaisir!»
Étrange... Perdu. La personne qui écoutait le poème essayait de faire le point, de remettre ses idées en place. Il savait qui il était et ce qu'il était. Un frisson foudroya l'esprit toujours sonné instantanément, l'animal de rendit compte de l'esprit assis sur une branche d'arbre, la créature de l'ombre se présenta :
- Salut, Ninki-Nanka, moi, c'est Mare!
Tout d'abord, le cryptide renonça à sa forme humaine, pendant sa métamorphose, son pouvoir personnel se chargeait de l'entité ténébreuse. Une rafale verte sortit du sol. Ce long tentacule aurait pu broyer la mystérieuse ombre, aidée par de nombreuses ronces et lianes, malheureusement un éclair noir réduisit la verdure offensive en cendres. L'index encore fumant de Mare se dirigea vers son agressif interlocuteur. Il lui conseilla de ne pas la chercher, lui rappelant qu'il avait faim.
Juste avait visé l'entité des ombres, pendant qu'il traversait la forêt tropicale, elle ne savait pas comment annoncer à l'homme-serpent que sa forêt avait grandement diminué et que le Mali avait bien changé depuis sa mort. D'ailleurs, Ninki-Nanka ne semblait pas plus perdu, ne se rendait-il pas compte qu'il revenait de loin? Ne sentait-il pas de venin sur son visage ?
Un peu engourdi, l'animal cherchait des odeurs. Il se rendait compte qu'une puanteur se répandait. Il écarquilla les yeux en découvrant la silhouette blanche ailée qui parcourait le ciel. Mare ne savait pas par où commencer. Le monde avait changé, les mortels le gouvernaient.
S'en remettant au croque-mitaine, l'homme-animal traversa les arbres et les herbes. Qu'était-il arrivé à sa forêt ?
Trop faim pour se servir de son cerveau... Il lui fallait de la viande, une fois repu, l'homme-serpent pourrait réfléchir et écouter l'entité élémentaire qui le poursuivait.
Évitant les immondes effluves de l'inconnu, Ninki-Nanka finit par sentir quelques fragrances d'origine humaine. Il se cacha derrière les fourrés et put observer la clairière.
Un rectangle lumineux portatif ? L'homme-animal ne comprenait pas ce qu'il voyait, un guide local montait un campement avec quelques touristes. Les vêtements de ces mortels étaient plutôt sophistiqués, la dernière fois qu'il avait vu des Européens, ils n'arboraient pas de telles étoffes.
Ne sachant pas qu'ils étaient en danger, les campeurs étaient réunis autour d'une grosse boîte métallique pourvue de roues à la fois flexibles et rigides.
Étirant ses bras, l'entité spirituelle de la nuit réfléchit à tout ce que son nouvel ami devait apprendre. Mare aurait bien voulu expliquer le concept de "mobile-home" à son compagnon de route, mais préférait qu'il se concentre sur la surprise qu'il allait avoir. Ninki-Nanka ne parlait pas la langue des touristes, il se concentrait surtout sur une adolescente et son petit ami.
Aguiché par un besoin hormonal, le couple prétexta aller chercher du bois, l'homme-serpent et l'ombre magique savaient très bien ce que les deux touristes comptaient faire une fois éloignés de leurs amis.
Roi de la végétation, Ninki-Nanka concentra ses pensées autour de lui.
Ne rencontrant aucune difficulté pour dresser la flore de la forêt, il s'arma.
Assez rapidement, le furtif homme-animal se saisit se l'opportunité, reprenant son apparence ophidienne, sortant ses cornes et ses griffes, la bête glissa jusqu'aux deux amoureux qui s'embrassaient, ouvrant sa gueule béante, Ninki-Nanka aurait pu en finir d'un seul coup de crocs quand il réalisa qu'il n'arrivait pas à les mordre...
Quel était ce maléfice ? Le couple s'enfuit en hurlant.
Un ricanement diabolique échappa à l'esprit qui s'était allongé sur la branche d'un arbre:
- Et oui... C'est triste, mais c'est comme ça! Nous ne pouvons pas nous en prendre aux innocents. Tu ne tarderas pas à comprendre pourquoi. Enfin, suis-moi jusqu'à la ville, Ninki-Nanka, je connais un bon restau! jubila Mare.
La plus profonde déception emplit l'homme-animal. L'entité obscure jouait avec son appétit.
Elle était diabolique avec Ninki-Nanka. Il accepta donc de suivre l'entité qui traversait les airs.
Prudemment, l'ombre volante mena son nouvel ami jusqu'à un hôtel privé situé à la lisière de la forêt, en bordure d'une ville.
Eh! C'étaient quoi, ces bruits? Ninki-Nanka ne les avait jamais entendus ! Combien de temps était-il passé entre le dernier souvenir de Ninki-Nanka et cette nuit?
Maisons de pierre et panneaux de métal envahissaient la terre et le sable. Comment le Mali avait-il pu changer à ce point ?
Attisé par quelques odeurs de nourritures inconnues, le besoin primaire du serpent cornu lui indiqua qu'il trouverait des mets de choix. La villa semblait très surveillée, ce bâtiment était gardé par des personnes vêtues de noir et armées d'objets métalliques que l'homme-serpent ne reconnaissait pas. Mare lâcha un râle, qui se transforma rapidement en grognement, puis se plaignit :
- Nahhaaargrlfrgfllllrrllgrrrkrrr! Enfin, qu'y puis-je ? Tu le remarqueras rapidement, mais les mortels nous ont complètement oubliés. Bon, toi, tu es humain, donc, tu peux passer inaperçu, mais, moi, comme je suis une monstresse, je suis obligée de rester invisible à leurs yeux... Ah oui, tu le sais pas: nous, les monstres, on doit rester invisibles aux yeux des mortels... Et l'un des trois pouvoirs imaginaires qu'ils ont osé préféré à nous est justement le "dieu" de cette charmante maison.
Instinctivement , Ninki-Nanka attaqua, suivi par les puissantes lances et queues de fouets que représentaient les différents éléments de la flore de cette forêt, l'homme-serpent cornu prit d'assaut ce bâtiment.
Pak! Clak! Clak!
Ussshhh... Shhhh...
Laaerekkk! C'était tellement facile, il pouvait lacérer les gardes sans effort, les lames de ses tentacules botaniques ne leur laissaient pas le moindre temps.
Étant un peu en train de s'ennuyer, les habitants de l'hôtel particulier entendirent rapidement le bruit d'une mitraillette s'activer.
Trop tard!
«Oh! Mon dieu...» Ni les femmes en robes de soirée, ni les hommes en costume ne pouvaient résister.
Une rafale Les éclairs verts, jaunes et noirs se répandaient dans le bâtiment.
Traversant les fenêtres, le serpent humanoïde en prenait possession et engendrait un océan de sang et de morceaux de corps découpés.
Terrassée par l'hilarité, incapable de la contenir, Mare céda et se mit à ricaner.
Observant la performance, elle lévitait pendant que l'envahisseur du salon d'or et d'ébène dégustait les différents morceaux de ses victimes baignant dans leur propre sang.
Une petite minute... Ninki-Nanka ne comprenait pas.
Tres étrange... Il pouvait faire un festin de ce bâtiment, pourtant les mortels de la forêt semblaient protégés...
Ni les mitraillettes, ni les tasses n'avaient eu d'effet ! Le serpent avait réussi à dépecer un homme d'affaires, sa poule et l'un des employés de ce club privé, ça avait été plus que simple!
Embêté, Ninki-Nanka comprit qu'une force invisible avait protégé les campeurs. L'obscurité volante expliqua:
- Sois pas surpris... Tu apprendras rapidement que nous ne pouvons nous en prendre qu'aux gens qui sont au moins aussi mauvais que nous.
Tripotant le bout de ses doigts, se frottant les mains, Mare imagina tout ce que son interlocuteur pouvait faire :
- Quand tu iras te régaler à la cave, tu remarqueras que de nombreuses personnes qui échapperont à tes crocs seront enfermées.
Un fléau s'était abattu sur la villa. Ne prêtant aucune attention aux mortels qu'il "sauvait", Ninki-Nanka suivit le conseil de son accompagnatrice et découvrit le buffet à volonté que représentait le sous-sol de cette maison, on entendait des cris de douleur.
Un mélange d'odeurs parvint au nez du dragon.
Nerveusement, il exprima sa joie. C'était le parfum du dessert !
Mare aurait bien voulu lui expliquer que ce club était un établissement où de puissants personnages échangeaient de grosses sommes d'argent contre le droit de s'en prendre à des personnes enfermées lors de chasses à l'homme ou de célébrations morbides, mais Ninki-Nanka s'en fichait pas mal.
Il ignorait qu'il sauvait une femme en train de se faire torturer quand il égorgea l'homme perché au-dessus d'elle.
Riant de bon cœur, Mare absorba la peur et la souffrance des proies de son nouvel ami.
Après s'être bien rassasié, le maître de la forêt accepta de se renseigner auprès d'autres entités mythologiques.
Gaver Ninki-Nanka était un jeu assez amusant aux yeux de Mare. Pendant que la police trouvait les victimes traumatisés et leurs bourreaux dans un état méconnaissable, ils étaient obligés de croire les prisonniers quand ils déclaraient qu'un "monstre ressemblant à un dragon" avait taillé en pièces les clients de club, jamais un humain normal n'aurait pu empaler une homme sur le javelot en bois qui était planté dans le jardin, ni broyé le torse d'une employée au point de la couper en deux, Ninki-Nanka découvrait pourquoi il ne pouvait pas blesser d'innocents.
Évidemment, l'affaire fut étouffée.
Rien ne protégea celles et ceux qui voulaient faire taire les témoins... Ces derniers purent donc tout révéler.
Inévitablement, la presse fut mise au courant !
En écoutant un podcast sur l'affaire, Mare expliqua à l'homme-animal que quelqu'un l'avait ramené à la vie.
Ninki-Nanka apprit qu'on avait une idée de l'identité du coupable. Tous les témoignages récoltes convergeaient.
Nimbée d'éclairs d'énergie, une couleuvre blanche géante apparaissait dans le ciel prenait forme humaine en descendant sur le sol et en disparaissant, laissait derrière elle un mort, revenu à la vie. Le "Résurrecteur" pratiquait son jeu pervers depuis bientôt deux ans, personne ne pouvait l'arrêter !
Et une grosse migraine attendait celui qui essaierait de compter le nombre de vie perdues à cause des créatures revenues du Styx ou des Limbes, le "Résurrecteur" semblait agir à la manière d'un justicier bien violent, pour ne pas dire tyrannique, si monsieur et madame Tout-le-monde ne craignaient généralement pas de voir un esprit ou une fée débarquer dans leur vie, les personnes qui connaissaient l'existence des êtres paranormaux savaient à quoi s'en tenir...
Si vous vous ennuyez, essayez de vous en prendre à une pauvre femme qui répétait qu'elle ne voulait pas coucher avec vous et qu'elle vous rejetait et vous pouviez être certain de vous faire dévorer par un dragon.
Trois étudiants qui avaient brûlé une synagogue et failli tuer les invités d'un mariage n'avaient pas pu assister à la réunion de leur groupuscule néo-nazi, Mare avait envoyé les momies déshydratées qu'il restait de leurs corps à leurs amis.
Réputé pour sa violence, le voleur qui avait menacé de tuer un couple de retraités pendant qu'il les cambriolait s'était fait vidé de son sang par un mystérieux cadavre qui avait disparu derrière une volée de chauves-souris.
Estelle Wara, la jeune mariée qui avait versé un poison dans le champagne du vieil homme avec lequel elle devait passer la nuit de noces s'était fait broyer entre les ronces et les fougères que Ninki-Nanka domptait.
Éviscérés... Carbonisées... Gelés... Foudroyés... Pressés... Dévorés..
Lapidés...
Sept hommes d'affaires avaient été retrouvés pendus, suicidés alors qu'ils étaient au sommet de leur succès...
Trois prisonniers avaient été retrouvés à moitié dévorés dans leur cellule.
Riant des révolutionnaires qui voulaient le renverser, un certain chef d'état avait été décapité par une flèche de glace.
Espérant ne pas se faire prendre alors qu'il abusait de sa famille, un homme avait été trouvé à la frontière des États-Unis vidé de toute sa graisse...
Niant tous les chefs d'accusation, le principal suspect d'un procès eut un infarctus en plein témoignage.
Une autopsie suffit pour qu'on découvre qu'il avait été grignoté de l'intérieur.
Aucune force ne pouvait abattre le "Résurrecteur"!
Malheureusement pour chacun, ses pions étaient partout, chacun les redoutait.
Or, gloire et puissance sociale ne protégeaient personne! Ni les harceleurs, ni les assassins, ni les agresseurs ne leur échappaient.
Divinement, si le "Résurrecteur" considérait que vous n'étiez pas pardonnables, vous finissiez dans l'assiette de ses petites merveilles.
Indépendamment de la volonté des créatures, la couleuvre blanche avait bien compris que sa solution n'était que temporaire, il savait qu'il ne pourrait pas éternellement empêcher ses serviteurs d'épargner les innocents...
Finalement uniquement motivé par la faim et sa propre survie, Ninki-Nanka finit par ne plus se soucier de ces histoires de mort et de résurrection.
Il ne pensait pas que la solitude lui pesait. Mare venait parfois à sa rencontre.
Elle lui expliquait avoir formé une alliance avec plusieurs autres creatures du "Résurrecteur", leur objectif était de renverser cette mystérieuse couleuvre.
Le serpent se fichait de sa présence. Si l'homme-animal avait accepté de prêter la moindre oreille aux propositions de recrutement de l'esprit des ténèbres, il aurait connu la raison de ce regroupement.
Agacée par l'insolence du maître de la forêt, l'esprit des ténèbres choisit de le punir en ne le prévenant pas du danger qui pesait sur lui.
Râlant, Mare savait de toute façon que tôt ou tard, Ninki-Nanka aurait à se renseigner sur ce que le "Résurrecteur" allait mettre sur son chemin. La bête reptilienne ne pouvait pas continuer de chercher du gibier. Pour certains, c'était un crime qui ne pouvait pas rester impuni!
Évidemment arrivé à cette semaine, l'homme-ophidien cornu traînait comme à son habitude dans la forêt.
Ayant son estomac pour cerveau, ne voyageant que pour se nourrir, Ninki-Nanka avait quitté le Mali. Il souhaitait tout de même rester dans les bois.
L'homme-animal venait donc de dévorer quelques appétissants contrebandiers. Il trembla. Sursautant, le maître des plantes, dérangé en plein repas, réagit, réalisant qu'il avait perçu une étrange énergie. Ninki-Nanka regarda en direction de sa gauche, tournant son long cou vers la source de cette mystérieuse énergie.
Il n'eut pas le temps de se défendre...
Tremblements et ombragés agitaient le champ de vision du serpent du Mali... Ninki-Nanka eut à peine le temps de remarquer la silhouette rose aux ailes de papillon qu'elle fit exploser les ombres et les rayons de soleil qui parcouraient son corps. L'entité spectrale étendit son bras, allongeant la queue d'un fouet.
Éclairs et obscurité furent les dernières choses que Ninki-Nanka virent sur cette terre... Terrassé par le coup de fouet qui fit gicler son sang, l'homme-serpent tomba dans les pommes, découvrant l'objet cubique dans lequel son assaillante l'enfermait... Une voix résonna alors dans les pensées du dragon, lui indiquant qu'il avait une nouvelle maîtresse...
À suivre...
Pendant une journée, tout un tas de choses pouvait se passer.
Un jeune homme pouvait fuir ses démons en se réfugiant dans l'alcool et les femmes, deux amies pouvaient passer du temps ensemble après avoir bien travaillé pendant le matin, trois amis pouvaient célébrer un événement qui avait failli être gâché par l'arrivée impromptue de visiteurs indésirables, l'un d'entre eux pouvait même se voir rappeler qu'il vivait dans l'ombre de son frère, enfin, un duo de criminels pouvait ignorer être passés à côté du pouvoir de mettre le monde à leurs pieds...
Ténèbres et lumières entamaient leur combat, pendant que tous ces événements se préparaient, quelques semaines avant cette fin de semaine, sous la lumière de la lune, une créature de l'ombre qui observait un étrange animal déclamait les paroles d'une chanson écrite par son bien-aimé, essayant tant bien que mal de marier l'expression théâtrale d'un récit à la musicalité d'un chant. Dans cette forêt tropicale, l'entité de l'obscurité venait d'assister un spectacle qui même pour quelqu'un de son essence n'était pas banal: l'animal venait de remplacer un serpent géant. Elle avait bien compris que la couleuvre titanesque n'était qu'un mirage!
«Ah nous ne sommes que votre souhait,
Indécents mortels, voyez qu'il est exaucé !
Non, vous attisez néanmoins le désir,
C'est sans doute parce qu'il est plaisir!»
Étrange... Perdu. La personne qui écoutait le poème essayait de faire le point, de remettre ses idées en place. Il savait qui il était et ce qu'il était. Un frisson foudroya l'esprit toujours sonné instantanément, l'animal de rendit compte de l'esprit assis sur une branche d'arbre, la créature de l'ombre se présenta :
- Salut, Ninki-Nanka, moi, c'est Mare!
Tout d'abord, le cryptide renonça à sa forme humaine, pendant sa métamorphose, son pouvoir personnel se chargeait de l'entité ténébreuse. Une rafale verte sortit du sol. Ce long tentacule aurait pu broyer la mystérieuse ombre, aidée par de nombreuses ronces et lianes, malheureusement un éclair noir réduisit la verdure offensive en cendres. L'index encore fumant de Mare se dirigea vers son agressif interlocuteur. Il lui conseilla de ne pas la chercher, lui rappelant qu'il avait faim.
Juste avait visé l'entité des ombres, pendant qu'il traversait la forêt tropicale, elle ne savait pas comment annoncer à l'homme-serpent que sa forêt avait grandement diminué et que le Mali avait bien changé depuis sa mort. D'ailleurs, Ninki-Nanka ne semblait pas plus perdu, ne se rendait-il pas compte qu'il revenait de loin? Ne sentait-il pas de venin sur son visage ?
Un peu engourdi, l'animal cherchait des odeurs. Il se rendait compte qu'une puanteur se répandait. Il écarquilla les yeux en découvrant la silhouette blanche ailée qui parcourait le ciel. Mare ne savait pas par où commencer. Le monde avait changé, les mortels le gouvernaient.
S'en remettant au croque-mitaine, l'homme-animal traversa les arbres et les herbes. Qu'était-il arrivé à sa forêt ?
Trop faim pour se servir de son cerveau... Il lui fallait de la viande, une fois repu, l'homme-serpent pourrait réfléchir et écouter l'entité élémentaire qui le poursuivait.
Évitant les immondes effluves de l'inconnu, Ninki-Nanka finit par sentir quelques fragrances d'origine humaine. Il se cacha derrière les fourrés et put observer la clairière.
Un rectangle lumineux portatif ? L'homme-animal ne comprenait pas ce qu'il voyait, un guide local montait un campement avec quelques touristes. Les vêtements de ces mortels étaient plutôt sophistiqués, la dernière fois qu'il avait vu des Européens, ils n'arboraient pas de telles étoffes.
Ne sachant pas qu'ils étaient en danger, les campeurs étaient réunis autour d'une grosse boîte métallique pourvue de roues à la fois flexibles et rigides.
Étirant ses bras, l'entité spirituelle de la nuit réfléchit à tout ce que son nouvel ami devait apprendre. Mare aurait bien voulu expliquer le concept de "mobile-home" à son compagnon de route, mais préférait qu'il se concentre sur la surprise qu'il allait avoir. Ninki-Nanka ne parlait pas la langue des touristes, il se concentrait surtout sur une adolescente et son petit ami.
Aguiché par un besoin hormonal, le couple prétexta aller chercher du bois, l'homme-serpent et l'ombre magique savaient très bien ce que les deux touristes comptaient faire une fois éloignés de leurs amis.
Roi de la végétation, Ninki-Nanka concentra ses pensées autour de lui.
Ne rencontrant aucune difficulté pour dresser la flore de la forêt, il s'arma.
Assez rapidement, le furtif homme-animal se saisit se l'opportunité, reprenant son apparence ophidienne, sortant ses cornes et ses griffes, la bête glissa jusqu'aux deux amoureux qui s'embrassaient, ouvrant sa gueule béante, Ninki-Nanka aurait pu en finir d'un seul coup de crocs quand il réalisa qu'il n'arrivait pas à les mordre...
Quel était ce maléfice ? Le couple s'enfuit en hurlant.
Un ricanement diabolique échappa à l'esprit qui s'était allongé sur la branche d'un arbre:
- Et oui... C'est triste, mais c'est comme ça! Nous ne pouvons pas nous en prendre aux innocents. Tu ne tarderas pas à comprendre pourquoi. Enfin, suis-moi jusqu'à la ville, Ninki-Nanka, je connais un bon restau! jubila Mare.
La plus profonde déception emplit l'homme-animal. L'entité obscure jouait avec son appétit.
Elle était diabolique avec Ninki-Nanka. Il accepta donc de suivre l'entité qui traversait les airs.
Prudemment, l'ombre volante mena son nouvel ami jusqu'à un hôtel privé situé à la lisière de la forêt, en bordure d'une ville.
Eh! C'étaient quoi, ces bruits? Ninki-Nanka ne les avait jamais entendus ! Combien de temps était-il passé entre le dernier souvenir de Ninki-Nanka et cette nuit?
Maisons de pierre et panneaux de métal envahissaient la terre et le sable. Comment le Mali avait-il pu changer à ce point ?
Attisé par quelques odeurs de nourritures inconnues, le besoin primaire du serpent cornu lui indiqua qu'il trouverait des mets de choix. La villa semblait très surveillée, ce bâtiment était gardé par des personnes vêtues de noir et armées d'objets métalliques que l'homme-serpent ne reconnaissait pas. Mare lâcha un râle, qui se transforma rapidement en grognement, puis se plaignit :
- Nahhaaargrlfrgfllllrrllgrrrkrrr! Enfin, qu'y puis-je ? Tu le remarqueras rapidement, mais les mortels nous ont complètement oubliés. Bon, toi, tu es humain, donc, tu peux passer inaperçu, mais, moi, comme je suis une monstresse, je suis obligée de rester invisible à leurs yeux... Ah oui, tu le sais pas: nous, les monstres, on doit rester invisibles aux yeux des mortels... Et l'un des trois pouvoirs imaginaires qu'ils ont osé préféré à nous est justement le "dieu" de cette charmante maison.
Instinctivement , Ninki-Nanka attaqua, suivi par les puissantes lances et queues de fouets que représentaient les différents éléments de la flore de cette forêt, l'homme-serpent cornu prit d'assaut ce bâtiment.
Pak! Clak! Clak!
Ussshhh... Shhhh...
Laaerekkk! C'était tellement facile, il pouvait lacérer les gardes sans effort, les lames de ses tentacules botaniques ne leur laissaient pas le moindre temps.
Étant un peu en train de s'ennuyer, les habitants de l'hôtel particulier entendirent rapidement le bruit d'une mitraillette s'activer.
Trop tard!
«Oh! Mon dieu...» Ni les femmes en robes de soirée, ni les hommes en costume ne pouvaient résister.
Une rafale Les éclairs verts, jaunes et noirs se répandaient dans le bâtiment.
Traversant les fenêtres, le serpent humanoïde en prenait possession et engendrait un océan de sang et de morceaux de corps découpés.
Terrassée par l'hilarité, incapable de la contenir, Mare céda et se mit à ricaner.
Observant la performance, elle lévitait pendant que l'envahisseur du salon d'or et d'ébène dégustait les différents morceaux de ses victimes baignant dans leur propre sang.
Une petite minute... Ninki-Nanka ne comprenait pas.
Tres étrange... Il pouvait faire un festin de ce bâtiment, pourtant les mortels de la forêt semblaient protégés...
Ni les mitraillettes, ni les tasses n'avaient eu d'effet ! Le serpent avait réussi à dépecer un homme d'affaires, sa poule et l'un des employés de ce club privé, ça avait été plus que simple!
Embêté, Ninki-Nanka comprit qu'une force invisible avait protégé les campeurs. L'obscurité volante expliqua:
- Sois pas surpris... Tu apprendras rapidement que nous ne pouvons nous en prendre qu'aux gens qui sont au moins aussi mauvais que nous.
Tripotant le bout de ses doigts, se frottant les mains, Mare imagina tout ce que son interlocuteur pouvait faire :
- Quand tu iras te régaler à la cave, tu remarqueras que de nombreuses personnes qui échapperont à tes crocs seront enfermées.
Un fléau s'était abattu sur la villa. Ne prêtant aucune attention aux mortels qu'il "sauvait", Ninki-Nanka suivit le conseil de son accompagnatrice et découvrit le buffet à volonté que représentait le sous-sol de cette maison, on entendait des cris de douleur.
Un mélange d'odeurs parvint au nez du dragon.
Nerveusement, il exprima sa joie. C'était le parfum du dessert !
Mare aurait bien voulu lui expliquer que ce club était un établissement où de puissants personnages échangeaient de grosses sommes d'argent contre le droit de s'en prendre à des personnes enfermées lors de chasses à l'homme ou de célébrations morbides, mais Ninki-Nanka s'en fichait pas mal.
Il ignorait qu'il sauvait une femme en train de se faire torturer quand il égorgea l'homme perché au-dessus d'elle.
Riant de bon cœur, Mare absorba la peur et la souffrance des proies de son nouvel ami.
Après s'être bien rassasié, le maître de la forêt accepta de se renseigner auprès d'autres entités mythologiques.
Gaver Ninki-Nanka était un jeu assez amusant aux yeux de Mare. Pendant que la police trouvait les victimes traumatisés et leurs bourreaux dans un état méconnaissable, ils étaient obligés de croire les prisonniers quand ils déclaraient qu'un "monstre ressemblant à un dragon" avait taillé en pièces les clients de club, jamais un humain normal n'aurait pu empaler une homme sur le javelot en bois qui était planté dans le jardin, ni broyé le torse d'une employée au point de la couper en deux, Ninki-Nanka découvrait pourquoi il ne pouvait pas blesser d'innocents.
Évidemment, l'affaire fut étouffée.
Rien ne protégea celles et ceux qui voulaient faire taire les témoins... Ces derniers purent donc tout révéler.
Inévitablement, la presse fut mise au courant !
En écoutant un podcast sur l'affaire, Mare expliqua à l'homme-animal que quelqu'un l'avait ramené à la vie.
Ninki-Nanka apprit qu'on avait une idée de l'identité du coupable. Tous les témoignages récoltes convergeaient.
Nimbée d'éclairs d'énergie, une couleuvre blanche géante apparaissait dans le ciel prenait forme humaine en descendant sur le sol et en disparaissant, laissait derrière elle un mort, revenu à la vie. Le "Résurrecteur" pratiquait son jeu pervers depuis bientôt deux ans, personne ne pouvait l'arrêter !
Et une grosse migraine attendait celui qui essaierait de compter le nombre de vie perdues à cause des créatures revenues du Styx ou des Limbes, le "Résurrecteur" semblait agir à la manière d'un justicier bien violent, pour ne pas dire tyrannique, si monsieur et madame Tout-le-monde ne craignaient généralement pas de voir un esprit ou une fée débarquer dans leur vie, les personnes qui connaissaient l'existence des êtres paranormaux savaient à quoi s'en tenir...
Si vous vous ennuyez, essayez de vous en prendre à une pauvre femme qui répétait qu'elle ne voulait pas coucher avec vous et qu'elle vous rejetait et vous pouviez être certain de vous faire dévorer par un dragon.
Trois étudiants qui avaient brûlé une synagogue et failli tuer les invités d'un mariage n'avaient pas pu assister à la réunion de leur groupuscule néo-nazi, Mare avait envoyé les momies déshydratées qu'il restait de leurs corps à leurs amis.
Réputé pour sa violence, le voleur qui avait menacé de tuer un couple de retraités pendant qu'il les cambriolait s'était fait vidé de son sang par un mystérieux cadavre qui avait disparu derrière une volée de chauves-souris.
Estelle Wara, la jeune mariée qui avait versé un poison dans le champagne du vieil homme avec lequel elle devait passer la nuit de noces s'était fait broyer entre les ronces et les fougères que Ninki-Nanka domptait.
Éviscérés... Carbonisées... Gelés... Foudroyés... Pressés... Dévorés..
Lapidés...
Sept hommes d'affaires avaient été retrouvés pendus, suicidés alors qu'ils étaient au sommet de leur succès...
Trois prisonniers avaient été retrouvés à moitié dévorés dans leur cellule.
Riant des révolutionnaires qui voulaient le renverser, un certain chef d'état avait été décapité par une flèche de glace.
Espérant ne pas se faire prendre alors qu'il abusait de sa famille, un homme avait été trouvé à la frontière des États-Unis vidé de toute sa graisse...
Niant tous les chefs d'accusation, le principal suspect d'un procès eut un infarctus en plein témoignage.
Une autopsie suffit pour qu'on découvre qu'il avait été grignoté de l'intérieur.
Aucune force ne pouvait abattre le "Résurrecteur"!
Malheureusement pour chacun, ses pions étaient partout, chacun les redoutait.
Or, gloire et puissance sociale ne protégeaient personne! Ni les harceleurs, ni les assassins, ni les agresseurs ne leur échappaient.
Divinement, si le "Résurrecteur" considérait que vous n'étiez pas pardonnables, vous finissiez dans l'assiette de ses petites merveilles.
Indépendamment de la volonté des créatures, la couleuvre blanche avait bien compris que sa solution n'était que temporaire, il savait qu'il ne pourrait pas éternellement empêcher ses serviteurs d'épargner les innocents...
Finalement uniquement motivé par la faim et sa propre survie, Ninki-Nanka finit par ne plus se soucier de ces histoires de mort et de résurrection.
Il ne pensait pas que la solitude lui pesait. Mare venait parfois à sa rencontre.
Elle lui expliquait avoir formé une alliance avec plusieurs autres creatures du "Résurrecteur", leur objectif était de renverser cette mystérieuse couleuvre.
Le serpent se fichait de sa présence. Si l'homme-animal avait accepté de prêter la moindre oreille aux propositions de recrutement de l'esprit des ténèbres, il aurait connu la raison de ce regroupement.
Agacée par l'insolence du maître de la forêt, l'esprit des ténèbres choisit de le punir en ne le prévenant pas du danger qui pesait sur lui.
Râlant, Mare savait de toute façon que tôt ou tard, Ninki-Nanka aurait à se renseigner sur ce que le "Résurrecteur" allait mettre sur son chemin. La bête reptilienne ne pouvait pas continuer de chercher du gibier. Pour certains, c'était un crime qui ne pouvait pas rester impuni!
Évidemment arrivé à cette semaine, l'homme-ophidien cornu traînait comme à son habitude dans la forêt.
Ayant son estomac pour cerveau, ne voyageant que pour se nourrir, Ninki-Nanka avait quitté le Mali. Il souhaitait tout de même rester dans les bois.
L'homme-animal venait donc de dévorer quelques appétissants contrebandiers. Il trembla. Sursautant, le maître des plantes, dérangé en plein repas, réagit, réalisant qu'il avait perçu une étrange énergie. Ninki-Nanka regarda en direction de sa gauche, tournant son long cou vers la source de cette mystérieuse énergie.
Il n'eut pas le temps de se défendre...
Tremblements et ombragés agitaient le champ de vision du serpent du Mali... Ninki-Nanka eut à peine le temps de remarquer la silhouette rose aux ailes de papillon qu'elle fit exploser les ombres et les rayons de soleil qui parcouraient son corps. L'entité spectrale étendit son bras, allongeant la queue d'un fouet.
Éclairs et obscurité furent les dernières choses que Ninki-Nanka virent sur cette terre... Terrassé par le coup de fouet qui fit gicler son sang, l'homme-serpent tomba dans les pommes, découvrant l'objet cubique dans lequel son assaillante l'enfermait... Une voix résonna alors dans les pensées du dragon, lui indiquant qu'il avait une nouvelle maîtresse...
À suivre...
- Oh! Allez, Lampos! Vois le côté positif des choses: Ta mort sera hautement profitable à l'humanité !
En regardant la traînée de sang que l'homme laissait derrière lui, "Apollon" ajouta:
- En plus de commettre des crimes, tu dégueulasses la maison!
- Tonton... S'il saigne, c'est parce que tu lui as tiré dessus... grogna une voix féminine.
- Méritait-il que je l'épargne ? rétorqua l'oncle.
"Apollon" regardait sa nièce en affichant un sourire empli de fierté et de raillerie. L'expression de l'homme blond changea du tout au tout en regardant la jeune femme qu'elle tenait entre ses bras.
Cette dernière ne quittait pas des yeux l'homme qui essayait de ramper vers la sortie. Certes, il ne risquait plus de lui faire du mal, mais elle ne pouvait s'empêcher de trembler.
"Apollon" se mordit la lèvre inférieure, puis observa le criminel avec un regard qui lui glaça le sang. Lampos voyait tout simplement un "Dieu" prendre son visage en main.
Même sans ça, l'apparence même du tireur faisait hurler les pensées de l'agresseur :
- JE SUIS DANS LA M*RDE!
Les iris dorés du "Dieu" vengeur consumaient Lampos.
Manto, elle, se noyait dans la vision.
Un corps entièrement blanc, grand et athlétique prenait toute son attention. Tout ce qui composait son sauveur lui apparaissait divin.
La création blanche s'exprimait avec malice et supériorité :
- Comme je le disais, au vu de ton crime, ta mort débarrassera l'humanité d'un parasite que personne ne regrettera. On va plutôt laisser quelques monstres te bouffer, au moins tu leur rendras service.
"Apollon" leva ses poings en l'air, pliant ses biceps, un éclair violet apparut sur sa main droite.
La boule de foudre noire et violette que la divinité projeta sur Lampos le fit totalement disparaître. Ne restait-il plus que la flaque de sang qu'il avait laissée.
Une fois, l'agresseur disparu, l'être fabuleux sursauta. Les mots qui étaient sortis de la bouche de sa nièce le choquèrent:
- T'aurais pas pu lui lancer un sort, toi?
"Apollon" se demandait ce qu'était le pire, ce qu'Ania avait dit ou ce son intonation dépourvue de la moindre compassion.
- Ania! jugea l'oncle.
- Ben quoi? C'est une sorcière, lui, c'était un mortel...
L'avatar de la lumière et de la vérité se pinça l'arête du nez, il soupira. "Apollon" se baissa auprès de la jeune femme, Ania l'avait couverte avec le premier tissu brodé trouvé, celui sur lequel elle avait été poussée. Même si ses sourcils étaient toujours froncés, "Apollon" essayait de sourire.
- J'ai besoin de savoir précisément ce qu'elle ressent, pensa celui que Manto voyait comme un "Dieu".
Finalement, la fille de Tirésias put lâcher :
- Merci, ô Apollon...
- Usil, la corrigea le sauveur.
Le "Dieu" chuchota à l'oreille de son interlocutrice :
- Les tiens m'appellent "Apollon", mais mon véritable prénom, c'est Usil!
Après avoir transmis à son oncle les informations qu'il désirait, Ania se retira. Un éclair bleu apparut devant la nièce du vengeur. Elle le traversa.
À la sortie de ce blizzard, Ania se retrouvait dans une chambre entourée de colonnes, deux femmes identiques à la personnification de la douleur étaient étendues sur des couches au rebord surélevés. La troisième sœur prit place sur sa couche tout en se saisissant d'une pomme.
- Où étais-tu ? demanda la sœur qui lisait un livre.
- Tonton Usil et moi étions chez les mortels répondit Ania. Un porc vient d'essayer d'abuser de la fille de Tirésias.
- Les mortels... grogna Achos.
Achos et Lypé étaient en train de se détendre, malheureusement pour elles, leur sœur en décida autrement.
- J'y ai justement réfléchi, annonça Ania.
- À quoi ? demanda Lypé.
- Aux humains ! Si nous nous occupions d'eux, ils n'auraient probablement plus de problème. De toute façon, nous avons tout le temps qu'il nous faut! répondit Ania.
- Je te rappelle qu'il y a un problème : la loi! rétorqua Achos.
- La loi nous interdit de nous révéler aux mortels, la corrigea sa sœur, c'est tout.
Si Achos et Lypé devaient décrire leur sœur, "impassible" serait le premier mot qui leur viendrait à l'esprit. D'aucuns préféraient "apathique"...
Aucune émotion ne pouvait être lue sur le visage de la jeune femme. On pouvait essayer d'y déceler de l'agacement, voire de l'analyse, peut-être de la consternation, mais ses traits ne bougeaient pas, même quand elle ouvrait la bouche.
Ania se dirigea vers la table et se saisit d'un objet circulaire.
La boule de cristal brilla au contact de sa propriétaire. La divinité Grecque de l'Ennui et du Chagrin manipula l'artefact jusqu'à ce qu'il projette sa lumière.
Les différents écrans holographiques qui s'étaient étendus rediffusaient les images capturées. Les deux sœurs d'Ania pouvaient voir une ville transformée en mer flammes, des soldats s'affrontaient à l'aide de canons tirant des rayons d'énergie et même des scènes de pillage.
- Ys... Comment les mortels l'appelaient déjà ? demanda Ania.
- "L'Atlantide", répondit Lypé. Ils disent aussi que papi et tonton Popo ont tout rasé là-bas. En même temps, pour une fois, je leur en aurais pas voulu!
- Aujourd'hui que reste-t-il d'Ys? Des ruines! Ces images... Et peut-être les souvenirs de nos congénères... Ys n'est qu'un exemple parmi tant d'autres : j'ai donc décidé de dresser ces animaux ! affirma Ania.
La plus ambitieuse des triplées n'obtenait même pas l'attention voulue. Lypé et Achos levaient les yeux en l'air. Leur sœur déblatérait sur les crimes, les guerres incessantes, leurs royaumes et empires finissant toujours par s'effondrer, leur égoïsme et leur incapacité à apprécier la beauté quand on la leur mettait sous le nez.
Lypé tenta de montrer qu'elle avait au moins compris quelque-chose dans ce laïus :
- Tu comptes faire quoi? Chercher un maléfice pour envoûter les mortels afin qu'ils se comportent mieux et pratiquer une forme d'eugénisme qui les emepchera d'être c*ns?
- C'est une possibilité, je penchais plutôt à infiltrer les sphères les plus importants de leurs gouvernements et réécrire toutes leurs lois par des manipulations opérées en secret, répondit Ania.
- Bof, conseilla Achos, je préfère que tu utilises la magie. Ça prendra moins de temps et tu auras juste à enchanter les mortels pour qu'ils fassent tout eux-mêmes.
- Pas convaincue! Il va falloir que je réfléchisse à comment les contrôler et les guider! objecta l'ambitieuse.
- Et tu as prévu comment tu allais faire tout ça? lâcha une Lypé amère.
- Ben non... Justement, je voulais juste vous prévenir que je vais être pas mal occupée les jours qui viendront... Et j'espérais votre aide! avoua Ania.
- Euh... Pour reprendre tes mots: "Pas convaincue"! avoua Achos.
- Pareil!
- C'est sympa! se plaignit Ania.
Les deux sœurs se regardèrent. Lypé avoua:
- Ania... Nous ne préférons pas nous frotter à ces... Gens...
Les deux divinités Grecques sursautèrent. Ania n'avait pas affiché une telle expression depuis leur enfance. Était-ce du caprice? De la déception.
La moue d'Ania fut la dernière chose qu'Achos et Lypé virent avant d'assister au pilier d'eau qui la remplaça.
Quelques minutes plus tard, Ania était assise dans l'herbe, au bord d'une falaise, elle admirait la mer et le vent. Serrant ses genoux, les jambes repliées sur elle-même, la divinité païenne de la Douleur envoyait des cailloux sur la plage située plus bas.
Les bruits d'explosions des rochers apprirent à Usil pourquoi sa nièce avait choisi une île déserte.
- Qu'est-ce tu veux? grogna Ania.
- Juste constater qu'en près de mille ans, rien n'a changé... dit le vengeur, en s'asseyant aux côtés de l'adolescente.
- Pardon? réagit Ania, perdue.
- Quand t'avais 5 ans, tes sœurs et toi vous disputiez de la même façon... Bon, c'était pas pour les mêmes raisons, mais d'après ce qu'Achos m'a dit, c'est la même histoire. L'une d'entre vous dit un truc et l'autre se casse direct alors que vous avez à peine échangé dix phrases!
- C'est la troisième fois cette semaine qu'Achos et Lypé snobent l'humanité.
- Ania, la sermonna son oncle, je sais qu'on a déjà dû te le dire, mais tu es jeune. Quand tu auras atteint mon âge, tu finiras par oublier les Trois Grands Crimes.
- Dixit celui qui vient juste de réconforter une femme qui a failli se faire vi*ler!
- Ma chérie... Et si tu essayais ma méthode ? proposa Usil.
- Quoi? Séduire et inspirer les mortels, mais ne réagir qu'en cas de danger? Tonton, tu as vu aussi bien que moi, ce que les mortels font de leur "pouvoir"! Pendant que nous savions Manto, combien de villes se faisaient attaquer? Combien de rois laissaient leur peuple crever de faim à cause d'un monopole dont ils sont la seule cause.
Ania et Usil avaient beau avoir une apparence jeune, ils avaient vu ce que l'humanité avait à offrir.
Elle, elle, avait vu...
- Toi, plus qu'un autre, tu devrais savoir pourquoi j'ai envie d'agir... Pourquoi ils ont BESOIN de moi...
Ania pointait du doigt la couronne de laurier que son oncle portait sur sa tête.
- Je sais ce que j'ai fait, mais pour le moment, j'essaie de me rattraper comme je peux et si ma méthode échoue, j'utiliserais la tienne, voilà ! En attendant, je suis juste passé voir si tu avais besoin d'en parler, Manto m'attend.
- Manto? Sérieux.
L'oncle partir.
Usil aurait dû le comprendre depuis longtemps, la communication et sa famille, ça faisait deux! Ils n'étaient pas des héritiers de Zeus pour rien!
En prenant la fuite, celui que les mortels appelaient "Apollon" fut traversé par deux pensées.
La première concernait les ambitions d'Ania. La pauvre enfant ne se rendait pas compte de tout ce qu'elle allait devoir faire. Comment allait-elle réagir que le cancer qu'elle voulait soigner risquait de laisser quelques tumeurs qui pourraient à tout moment le ressusciter ?
La deuxième fut tout simplement une phrase qu'elle voulait dire, mais qu'elle n'avait pas osé dire, il le savait:
«Elle ne le remplacera pas!»
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