Chapitre 30 - Suhua

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14 octobre – 12 heures 26

Kyoto

J’ai cuisiné des nouilles avec du porc au caramel et des poivrons, sous l’œil attentif de Felix qui vérifiait que je ne foirais pas le repas, et je suis plutôt fière de moi. J’aurais aimé mettre la table, mais mon petit ami est arrivé derrière moi, m’a littéralement plaquée contre le plan de travail et ça fait environ cinq minutes qu’on s’embrasse.

Karina nous tuerait si elle le savait.

Les mains de Felix glissent sur mes hanches, et il se rapproche encore plus de moi, ses doigts caressant lentement ma peau nue étant donné qu’il les a glissés sous mon pull.

Merde, c’est pas le moment.

Je me décale un peu et l’observe, les pupilles dilatées. Je fais semblant de subir ses câlins constants, mais je pense aimer ça autant que lui. Sauf que là, c’est vraiment pas le moment.

- Felix…

- Je te jure que je voulais juste te faire un câlin, se défend-il. Mais mes mains ont pris des initiatives…

Je m’apprête à répondre, mais Karina et Robin débarquent dans la cuisine. Tandis que le dernier se passe une main sur le visage, la sœur de Felix souffle bruyamment.

Bon, en même temps, je suis un peu compressée entre le plan de travail et un Felix très motivé, qui a une main sur mes hanches et l’autre sous mon pull, avec son visage très proche du mien. En plus, je sens mes joues qui brûlent.

- Ils commencent déjà, râle Karina. Vous êtes littéralement incapables de passer plus de dix minutes sans vous coller et vous chauffer. En fait, vous êtes un duo de dévergondés. On disait de moi avant, mais…

Felix se recule lentement, un air à la fois gêné et exaspéré peint sur le visage. Karina pose son sac à main en cuir sur le plan de travail et s’avance pour donner une petite claque sur la joue de son frère.

- Ta punition. Bon, sinon, comment ça va, otōto ?

- Bien, et vous ?

Robin opine du chef et s’avance aussi, passant une main dans ses cheveux blé un peu décoiffés, puis sur son visage cerné.

- C’était comment, le Royaume-Uni ? demandé-je en mettant les nouilles dans des bols.

- Il a tellement plu que j’ai cru qu’on allait se noyer, se plaint Karina en s’adossant au plan de travail.

Son mari sourit et lève les yeux au ciel, avant de tapoter affectueusement la joue de sa femme, ce qui lui vaut un regard assassin de la part de l’intéressée.

- On va manger, indiqué-je.

Felix m’aide à porter les quatre bols jusqu’à la salle à manger, et sa sœur et son beau-frère nous suivent. Ils s’installent à côté sur les coussins, et mon petit ami et moi nous asseyons face à eux.

Je n’ai quasiment rien mis dans le bol de Felix pour éviter de gaspiller, étant donné que je le vois déjà fixer le repas comme si le simple fait de manger aller lui faire rendre le contenu de son estomac.

Il a peut-être la gastro ? Si ça se trouve, il faut l’emmener voir un médecin.

- Comment va Judith ? demande Robin entre deux bouchées.

- Oh, ça fait longtemps que je ne l’ai pas vue, réponds-je.

Enfin, si on oublie la fois où le père de Felix m’a emmenée chez Masami Hoshimori.

- Elle allait bien, la dernière fois que je lui ai parlé, affirme mon petit ami.

Il fronce un peu les sourcils.

- Elle était en flirt avec Akira Kokami, et je lui ai dit de se méfier voire d’arrêter. Je ne sais pas trop si elle a pris en compte mes conseils, mais j’espère.

Karina se fige à la mention de son ex, mais Robin attrape sa main et entreprend de tracer des petits cercles avec son pouce sur la paume de son épouse.

- Eh, nous on a pas le droit de se toucher, mais vous oui ? lance Felix.

Sa sœur lève les yeux au ciel.

- Vous, si vous vous effleurez ne serait-ce qu’une milliseconde, ça va se terminer en film interdit aux enfants.

- Je te permets pas ! hurle mon petit ami, un peu trop dramatique pour la situation.

- Moi non plus, soufflé-je. C’est pas poli de parler de ça.

- Qu’est-ce qu’on s’en fout, de la politesse. On est en famille, raille Karina.

- Je plussoie, renchérit Robin.

- Non, mais mes dires ne sont pas injustifiés ! Il faut que je vous rappelle qu’on a passés deux mois ensemble, pendant votre road-trip ?

- Ouais, sauf que quand c’était pas nous, c’était vous, donc ferme-la, oneechan.

Faussement vexée, Karina attrape ses baguettes pour manger les nouilles. J’échange un regard exaspéré avec Robin, qui lève les yeux au ciel en désignant sa femme et mon petit ami.

- On vous voit, grince la première.

- Ce sont des traîtres, ajoute Felix.

- Même moi ? demandé-je en battant des cils, approchant mon visage du sien.

Il plisse les yeux et se recule, mais je vois bien qu’il lutte contre la tentation de déposer un baiser sur mes lèvres, trop proches des siennes.

- Arrête avec ta tête de tarsier, souffle-t-il.

- Ton seul moyen de résister c’est de te moquer de moi ?

Felix sourit, un air coupable peint sur le visage.

- Je pense, oui.

- Non, mais vous voyez ! s’écrie Karina.

- Je trouve que vous abusez un peu, ajoute Robin en se retenant de rire.

Felix pose ses mains sur mes épaules et m’éloigne un peu.

- Pour des raisons de sécurité, croit-il bon de préciser.

- Ben ouais, après ça va finir en orgie, lance Karina.

- Mais arrête de rajouter de l’huile sur le feu ! s’exclame son mari.

Je recommence à manger, en écoutant d’une oreille distraite les disputes entre mon petit ami et sa sœur. Un coup d’œil au premier me permet de voir qu’il n’a pas touché à son repas, qu’il a d’ailleurs gentiment repoussé.

- Sinon, comment va le bébé ? demande soudain Felix.

- Bien… Enfin, on ne peut pas encore savoir si c’est un garçon ou une fille.

- On le saura au milieu du troisième mois, normalement, ajoute Robin.

Nous opinons du chef avant de commencer des discussions un peu basiques, sur le quotidien, les études. Le sujet d’Asahi ne vient pas, mais ça me rassure ; je ne voulais pas voir Felix en colère.

Nous passons notre après-midi à parler, même si la plupart du temps mon petit ami et Karina se chamaillent sur tout et sur rien. Puis, vers dix-huit heures, le couple repart, laissant Felix et moi seuls, pour que, je cite « on puisse reprendre là où on en était avant qu’ils n’arrivent. ».

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