Chapitre Final : Green Bird

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Charles Clarens ne réplique pas tout de suite. Il avance tranquillement et prend place dans un fauteuil. Ses yeux bleus transpercent ceux de Laëtitia, attendant le moindre acquiescement de sa part.

— Je vous savais déterminée. Mais à ce point, cela en devient terrifiant. C’est même une démence à mon goût.

Elle ne s’attendait pas à avoir ce retour de sa part.

— Dites-moi, pour une journaliste vous avez oublié une question essentielle. Comment suis-je capable d’éliminer des Nidders ? Exploit que seul Captain Atomik réussit avec ses rayons d’énergie.

— Je suppose avec cette arme, répond Laëtitia en pointant du doigt l’épée cachée dans son fourreau.

— En effet, je la surnomme Cinetik. Ainsi qu’avec ma dague Ventis. Leurs lames sont composées d’un matériau rare couleur émeraude. J’ai fait de nombreuses recherches sur ces voraces. J’ai pu constater dans les mines, désaffectées par ses créatures, qu’il ne restait uniquement de la terre et des fragments de ce métal. Jamais entamé, jamais abimé. Après plusieurs expéditions, j’ai fait le constat que les Nidders ne le consomment pas, y étant vulnérables. Une sorte d’allergie ou de kryptonite. J’en ai fait moi-même des armes et j’ai pu remarquer leur efficacité. Le seul métal à pouvoir anéantir ces monstres.

— Où voulez-vous en venir ?

— Je ne suis qu’un homme avec de l’entraînement. Je manie en effet mon arme à la perfection. Mais je reste loin d’être un surhomme comme le Captain. Combien de Nidders pensez-vous que je sois capable de tuer ? La vérité, c’est que même en pleine forme, je ne pourrais pas en abattre plus de cinquante. Captain Atomik peut en détruire des milliers en un instant.

— Vous pouvez le remplacer, j’en suis sûr !

— Vous me surestimez trop, alors que vous ne m’avez vu à l’œuvre qu’une seule fois. Ou bien souhaitez-vous aussi m’envoyer à la mort ? La vérité est que je suis incapable seul de contenir un assaut de Nidders. Votre plan est donc voué à l’échec depuis le départ. Le Captain est aujourd’hui notre seul salut.

— Mais c’est un assassin, s’énerve Laëtitia. Avez-vous conscience du nombre de vies qu’il a ôté pour réaliser ses exploits ?

— Et vous, vous n’êtes aveuglée que par votre colère depuis qu’il a tué votre frère ! rétorque sur le coup Charles.

Laëtitia s’arrête nette, choquée par ce qu’elle vient d’entendre de la bouche de cet inconnu.

— Comment savez-vous pour mon petit frère ?

— Vous n’êtes pas la seule à savoir faire des recherches. Et vous n’êtes pas la seule à avoir perdu quelqu’un. Il y a quatre ans, ma nièce a été choisie comme sacrifice. Moi aussi, j’ai été en colère. Mais si je suis devenu ce que je suis, ce n’est pas pour me venger du Captain Atomik. À votre avis, pensez-vous vraiment qu’il prend plaisir à tuer ces enfants ? Pensez-vous vraiment qu’un héros apprécie sa mission tout en sachant qu’il enlève la vie de ses admirateurs ? Mais a-t-il le choix ? Au tout départ, quand les invasions étaient rares, il n’avait pas besoin de cette ressource. C’est depuis ce surmenage qu’il est obligé de consommer la vie d’enfants. Continuerait-il s’il y avait une autre solution ? Ses pouvoirs ne sont pas une bénédiction des dieux, mais un fardeau que lui seul est en train de porter sur ses épaules. Avant de le blâmer, réfléchissez un peu à sa condition !

— Mais on ne peut pas continuer comme ça !

— Je suis entièrement d’accord avec vous. Nous ne pouvons pas être passifs. Et j’ai une solution à vous proposer si vous souhaitez l’écouter.

Laëtitia se tait, attendant la suite. Une sensation étrange parcourt son corps. Sans s’en rendre compte, elle est en train d’être persuadée par quelqu’un d’autre qu’elle-même.

— Je vous ai expliqué les attributs de ce métal vert. Mais les gouvernements refusent de m’écouter et d’investir dans des recherches sur le sujet. Trop paresseux ? Trop risqué ? Peur du changement ? Ou trop inquiet de se séparer du Captain Atomik. Imaginez perdre son symbole mondial. Dans tous les cas, comme vous l’avez bien remarqué, les politiques sont aveugles face aux décès des enfants.

La journaliste l’écoute avec attention. C’est comme si sa vision du monde est en train de changer sous ses yeux. Emerald Knight continue ses explications.

— Le nombre de Nidders ne cesse d’augmenter sans aucune explication. Même si j’ai personnellement une théorie qui lierait la peur des hommes à la reproduction de ces monstres. En tout cas, le Captain est de plus en plus sollicité. J’ai donc décidé moi-même de faire avancer les choses à ma manière. Je m’entraîne tous les jours au maniement de l’épée. Je combats des Nidders. Même si j’en élimine très peu comparé à lui, c’est toujours quelques voraces en moins. Je souhaite qu’à terme, il y en ait de moins en moins à anéantir. Et donc, moins d’énergie à utiliser. Ce qui signifie moins d’enfants sacrifiés. C’est pour ça que j’ai commencé à enseigner cet art du combat à des élèves. Nous fabriquons des armes à base de métal verdoyant. Et un jour, mon dojo grandira. Nous serons de plus en plus face aux Nidders. Une armée si grande pour moins dépendre du Captain. Le rêve serait qu’il puisse prendre un jour sa retraite, mais j’en doute fortement… Nous devrons donc toujours combattre à ses côtés. Mais, espérons-le un jour, sans enfant tué. En plus, si ma théorie est avérée sur l’origine de ces créatures, une armée ne craignant pas cette menace ne peut être que bénéfique pour nous. Voilà mon objectif Laëtitia. Ma façon de me débarrasser de votre ennemi.

Laëtitia est est perturbée par ce discours. Elle comprend le point de vue de ce nouveau héros mais ne peut s'empêcher de haïr le Captain. Pourtant, elle décide de revenir voir Charles plusieurs fois par semaine afin de discuter avec lui de sa vision du monde et de la menace des Nidders. Au fur et à mesure, elle décide de commencer à l'aider en utilisant ses talents de journaliste. Un nouveau site est alors créé mettant en lumière dans différents articles la cause de Emerald Knight afin de sensibiliser le monde. Il faut que le peuple réagisse pour faire bouger ces politiques. Un nouveau pseudonyme en signature : Green Bird.

Deux mois après la rencontre avec Charles, celui-ci lui fait une autre proposition.

— Votre aide nous est précieuse. Mais vous pouvez en faire bien plus… Venez avec moi.

Laëtitia, étonnée, suit le héros à travers sa demeure. Il ouvre la porte battante menant sur un grand jardin. Sur le terrain vague, un jeune homme et une adolescente sont en train de s’affronter.

— Je vous présente mes deux seuls disciples. Nous sommes encore loin d’être une armée, s’éclaffe Charles. La jeune femme aux deux katanas se surnomme Solurai. Et le garçon à l’épée lui s’est choisi le nom de Hydrarrior. Tous les deux veulent contrer la menace des Nidders. Nous avons donc forgé ensemble leurs armes avec du métal vert. Et depuis plusieurs semaines, ils s’entraînent jusqu’à être prêts pour faire face réellement aux affamés.

— Et qu’attendez-vous de moi ?

— Je souhaite que vous soyez ma troisième disciple. Rejoingnez nos rangs ! Et translatez votre colère vers le véritable ennemi. Nous avons besoin de gens comme vous. Seuls, nous ne nous pourrons rien. Mais comme le raconte ce fameux roman des trois frères épéistes, l’union fait la véritable force. Ce n’est qu’une fois cette fratrie, anciennement fâchée, réunie qu’elle réussira à se débarrasser du monstre ténébreux.

À son regard, Charles comprend instantanément qu’elle est convaincue et déterminée. Elle a pris sa décision. Il s’approche d’une porte et en dévoile son contenu. Une salle entière dans laquelle y sont entreposées des armes en tout genre : épée, sabre, masse, hache… Les parties pointues brillant telles des émeraudes.

— Il te faut en choisir une. Elle sera ta partenaire durant tes futurs combats, déclare le héros.

Laëtitia n’hésite pas très longtemps et se dirige vers un arc et son cargo de flèches à l’embout verdâtre. Elle prépare son équipement et commence à viser vers l’extérieur. Son objectif : la cible du terrain d’entraînement. Au centre, le visage du Captain Atomik commence à se dissiper et laisse place à celui d’une saleté de Nidder.

— D’ailleurs mon surnom à moi est Héloïde et non pas Emerald Knight. La presse n’a pas vraiment de goût, précise le guerrier. Il te faudra aussi un nouveau nom.

  • Mmmmhça sera Green Bird, répond-elle en décochant sa flèche.

La pointe verdâtre atteint en plein centre la cible. Finallement, le visage du Captain est à nouveau apparu.

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