Sylvain

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Pour le plus jeune des enfants, Sylvain, les médecins avaient détecté une leucémie quand il était encore bébé. Il était régulièrement hospitalisé pour des examens. Parfois, il y restait la semaine. Tout tournait autour de son état de santé. Il a été surprotégé par ses parents, car les spécialistes ne pensaient pas qu'il dépasserait l'âge de sept ans.

***

Vers ses quatre ans, il a pris des suppositoires Optalidon, que sa mère prenait pour ses migraines. Les suppositoires étaient rangés dans la porte du frigidaire. Il a été supposé qu'il les aurait sucés. Voyant sa mère en prendre régulièrement, a-t-il pensé se soigner d'une quelconque douleur ? A-t-il pensé que c’étaient des bonbons, étant donné qu'ils étaient roses ? Autant de questions restées sans réponse.

Quelques jours plus tôt, il avait été hospitalisé pour des examens sur sa leucémie. Il était souvent très fatigué, lorsqu'il rentrait, et restait au lit quelques jours. Cette journée-là, il avait eu mal au ventre, et le soir il dormait dans le lit de sa sœur. Sa mère, très inquiète, avait demandé à son mari, qui travaillait l'après-midi, de rentrer plus tôt, pour l'emmener à l’hôpital. Quand il a commencé à vomir, tout en ayant les yeux fermés, elle a appelé le médecin de garde. Il voulait l'hospitaliser, car il avait diagnostiqué un début de coma. La maman, sachant que son mari, arrivait, avait refusé l'ambulance en disant que son mari était là, et qu'il irait plus vite, que l'ambulance. L'enfant fut emmené à l'hôpital de Beauvais. En arrivant, il était violet et commençait à suffoquer. Pris en charge aux urgences, il a pu être sauvé. Lorsque l’examen à montrer que l'enfant avait été empoisonné, on a accusé la mère, sous-entendant qu'après neuf enfants, sachant que le dernier était malade, la solution était de le tuer. Le médecin de garde affirma que si la mère avait refusé l'ambulance, c'était qu'elle voulait sa mort. Une enquête a été lancée et la juge chargée de l'affaire a fait placer le petit garçon dans une pouponnière, dirigée par la DDASS. Il y restera onze mois.

Cette pouponnière était en fait un lieu de souffrance pour tous ces enfants, une maison des horreurs. Ce fut elle, la grande sœur, qui accompagnait son père pour aller le voir dans ce lieu sordide. Elle devait se faire passer pour une adulte, alors qu'elle n'avait que quatorze ans. Elle se maquillait, mettait des talons. Ces visites ont été épouvantables pour elle : tous ces enfants, de tout âge se jetant sur elle, l'appelant « maman » dans l'espoir, qu'elle puisse les sauver. Voir son petit frère, ce fils qu'elle élevait depuis sa naissance, qui dormait avec elle, qui riait et pleurait dans ses bras. Elle devait le laisser là-bas chaque fois, avec les larmes aux retours, le sentiment d'être impuissante face au soi-disant Service de Protection à l'Enfance. Que des mensonges ! Elle le savait, mais quoi faire ? Rien ! Attendre que cet avocat fasse les démarches…

Les parents, dévastés par la douleur, l'incompréhension, se battaient pour récupérer leur fils. Mais comment faire ? Les cris retentissaient pour essayer de comprendre comment il avait pu toucher à ces médicaments, chacun reportant la culpabilité sur l'autre. La maman ne supportait plus cette situation et restait souvent dans son lit à dormir, assommée par les anxiolytiques et les somnifères. Le papa s'enfermait dans son travail à l'usine et dans son jardin. Tous les mercredis et dimanches, c’était la visite à la pouponnière avec sa fille.

Quand la tension s'apaisa, la mère reprit sa place dans la famille et se battit pour que son fils revienne, et surtout pour que cette famille reprenne vie. Chaque enfant ressentait la tristesse et la colère des parents. Eux n'arrivaient plus à trouver de la joie. Les absences de la mère obligèrent la fille à s'occuper de ses petits frères, ainsi que des repas et du ménage. Malheureusement, cela n'améliora pas les relations avec ses grands frères. Ils étaient même plus durs avec elle. Pourquoi ? Peut-être parce que la maman accusait sa fille de ne pas l'avoir surveillé ? Il dormait dans sa chambre, elle en était donc responsable, non ?

Les parents ont pris un avocat, qui arriva à permettre aux parents d'accueillir leur fils un week-end de trois jours tous les deux mois. Les visites à la juge, toujours convaincue de leur culpabilité, détruisirent cette mère de famille. Les médicaments, l'alcool la plongeaient souvent dans l'inconscience. Quand elle se relevait, c’était une guerrière prête à tout pour récupérer son fils. Elle était fragile, et la moindre remarque ou blessure verbale la replongeait dans son état de prostration. Un cercle vicieux. Le côté positif était qu'elle se relevait toujours. Elle croyait en cet avocat, qui lui promettait qu'elle reverrait son fils, qu'il ne laisserait pas l'impensable arriver. Il croyait en elle. Les rendez-vous avec la juge étaient souvent les mêmes. La mère pleurait, en suppliant de lui rendre son fils, et le père tapait du pied, prêt à frapper cette femme qui lui refusait cette demande, alors que l'avocat essayait de calmer tout ce petit monde. Le jour où la juge, ayant confondu le père avec son frère divorcé, lui signifia qu'il était un habitué des tribunaux, qu'il avait déjà trois enfants et qu’ils les avaient abandonnés pour en faire dix ailleurs, ce fut l'avocat, ce jour-là, qui s'est interposé pour éviter le pire.

Au dernier rendez-vous, la juge a présenté aux parents la future famille d'accueil pour leur fils. Comprenons bien que, pour cette mère, c'était la deuxième fois, que quelqu'un lui prenait ses enfants. Lors de sa dépression, sa fille encore bébé, cela avait été les quatre premiers qui avaient été placés. Là, tout recommençait !

Ce jour-là, l'avocat a demandé aux parents de prendre leur fils le week-end suivant, au lieu de la date prévue, et de ne pas le rendre. Un combat a commencé, entre les parents, la juge et les services sociaux. Ils ont tenu bon et l'avocat a fait son travail. Ils ont pu garder leur fils, sous contrainte d'une visite régulière de l'assistante sociale, toutes les semaines, puis tous les mois. La mère a vécu dans la peur que son fils soit repris et demandait à sa fille de toujours veiller sur lui. Elle voyait le mal partout. Son fils ne pouvait pas jouer dans la rue sans surveillance, il avait interdiction de faire du vélo, de sortir de la maison. Cette mère voyait les services sociaux comme des personnes sans cœur, qui voulait nuire à sa famille. Elle se sentait menacée par tout ce qui l'entourait. La plus grande peur était que sa maladie s’aggrave, car, disait-elle, ils nous accuseront encore.

Cet enfant qui, très jeune, avait connu les hôpitaux, puis la souffrance dans cette pouponnière et maintenant la surprotection de cette mère et de sa sœur avait l'image pour ses frères de l'enfant gâté, de l'enfant roi, ce qui a déclenché la jalousie de ses grands frères. S'il ne pouvait pas manger de chocolat, personne n'en avait. Il avait droit au Dany, et eux à un simple yaourt sucré. Un sentiment malsain s'est installé.

Puis à ses sept ans, les médecins ont annoncé qu'il n'était plus condamné. Alors, erreur des parents, il a perdu tous ses avantages ! Malheureusement, ses frères n'avaient pas oublié. Ils le rejetèrent, ne voulant jamais jouer avec lui.

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