Lettre à Anna, amie Témoins de Jéhovah

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Nous nous sommes rencontrées en 1995. J’arrivais à peine dans la congrégation. Nous sommes devenues très vite amies. Toi Antillaise, moi Française, j’aimais dire que nous ressemblions à la publicité pour Benetton.

Nous allions ensemble aux réunions, en prédication, presque toujours inséparables. Quand tu as eu ta voiture, nous faisions la route ensemble pour aller aux assemblées, à Creil. J’aimais beaucoup ces moments passés avec toi. On organisait des soirées pour manger un bout et danser avec nos ami(e)s. On faisait les courses ensemble, on préparait le repas et la table, on installait les chaises… et on zoukait ! Que de magnifiques moments !
Quatre ans plus tard, suite à ma dépression, nous sommes allées en vacances dans les Deux-Sèvres, et nous avons fait la connaissance de ma future belle famille. Tu es restée une semaine, moi trois.

J’ai ainsi rencontré mon futur mari. Tu ne comprenais pas son désir pour moi, malgré notre trop grand écart d’âge. Moi, j’étais sur un nuage et toi, régulièrement, tu m’en faisais descendre en me mettant en garde. Je ne comprenais pas à l’époque la raison.

Tu es devenue très amie avec Martine, la mère d’Aurélien, mon futur époux. Votre passé commun, la perte d’un jumeau vous ont rapprochées et vous avez fusionnés, comme si vous étiez vous-même jumelles. Je ne t’ai jamais jugée sur cette relation. Si vous étiez heureuses ainsi, ça m’allait. Ainsi, tu venais régulièrement chez Martine et Philippe, les parents d’Aurélien.


Je suis restée un mois et demi chez Martine, en convalescence pour mon état dépressif, de fin août à mi-octobre. Je ne voulais plus retourner chez moi. Là-bas, j’étais choyée et soutenue. À Cergy, toi, les autres amies et la congrégation, vous ne compreniez pas mon état. « Avance, oublie tout ça, c’est du passé ! » « Si tu es dépressive, c’est que tu n’aimes pas assez Jéhovah. Tu n’as pas assez de foi ! »

Comment voulais-tu que j’aie envie de revenir quand j’entendais ça ?

Lors d’un séjour chez Martine et Philippe, tu m’as convaincue de remonter avec toi, fin septembre. J’ai accepté, même si je n’étais pas prête. Ce fut un fiasco, je suis restée chez toi, au lit, effrayée, stressée, en larmes chaque jour. Puis, tu as compris que ce n’était pas la bonne solution, et tu m’as autorisée à repartir. En écrivant ces mots, je m’aperçois que je n’avais pas pu exprimer mes choix, mes désirs. Comme toujours, j’avais « obéi » à un ordre qu’on me disait « bon pour moi ».


Je suis retournée à Cergy, mi-octobre, par ma propre décision, et aussi pour préparer mon déménagement, donner ma démission et préparer ma nouvelle vie.

Mon déménagement s’est réalisé début janvier 2000. Ce fut le plus beau jour de ma vie, dire au revoir à ma vie seule, pour une vie à deux.

Quelques semaines avant le mariage, tu m’as reproché d’abandonner mes amies, et donc toi, pour mon mari. Tu n’arrivais pas à comprendre que, pour moi, Cergy, c’était mon passé, et Thouars mon avenir. Puis, j’ai compris, en discutant avec Martine, que tu étais jalouse. Je partais, je t’abandonnais, et, pour toi, ce n’était pas juste. Aurais-je dû dire non, à ce que Jéhovah me donnait comme chance de m’en sortir, à être heureuse, enfin, une fois dans ma vie ?


J’ai appris, plus tard, que tu me critiquais très souvent, que, tout compte fait, je n’avais jamais été une vraie amie. Tu as inventé des situations, où je t’aurais délibérément fait du tort. Mais quand ? J’ai toujours tout fait pour toi. T’attendre à la gare chaque fois que tu revenais d’un voyage. M’occuper de toi quand tu étais malade, aller faire tes courses en cas de besoin. T’accompagner à des rendez-vous, car tu ne voulais pas y aller toute seule. Et surtout, là où tu as certainement raison de me faire des reproches, c’est avoir préféré Jackotte à toi.

Tu te souviens de Jackotte, ma copie conforme, mais en noire… (Elle est arrivée dans la congrégation, et ce fut un coup de foudre. Je ne pourrais pas l’expliquer, mais elle était mon miroir, en fait ma jumelle !! On avait toujours les mêmes pensées, les mêmes fous rires pour un rien.) Que du jour au lendemain, je n’aie eu que ma Jackotte en tête, c’est cela qui t’agaçait Anna.


Mais tu vois, Jackotte, c’est une vraie amie. Elle voyait ce que tu faisais avec moi, comment tu m’utilisais. Cependant, elle ne t’a jamais critiquée devant moi.

Pendant ma dépression, ton comportement a un peu changé, tu essayais d’être présente, mais plus le mariage approchait et plus je te retrouvais comme avant. Je me projetais vers l’avenir, et tu n’en faisais plus partie, donc je n’écoutais plus tes médisances. Mais ce que tu as dit à ma belle-mère m’a profondément fait du mal, car tu incluais une personne qui allait faire partie de ma vie future et que j’aime profondément.

C’est beaucoup plus tard, quand j’ai été mariée, que Jackotte m’a dit qui tu étais réellement et les mensonges que tu lui avais dits sur moi.

Avec les années, nous nous sommes éloignées et je n’en souffre plus. Tu fais partie réellement de mon passé.

Les différentes thérapies et mon désir de me battre pour m’en sortir m’ont permis de m’entourer uniquement de personnes qui m’aiment, sans arrière-pensées. Je me suis libérée des chaînes qui m’empêchaient d’être autonome et d’avoir confiance en moi. Je ne suis plus celle que tu as connue, et j’en suis fière. Je me suis construit une vie pleine de bonheur, de joie, d’amour, et même si parfois il y a encore des larmes, comme maintenant, parce que je réalise le mal que tu m’as fait, cette vie c’est la mienne. Et le combat continue pour la Guerrière que je suis…


Mais qui étais-tu pour agir ainsi, qu’est-ce que je t’ai fait ? Je ne comprends pas !

Toi que j’aimais tant, aujourd'hui, je te déteste. Je ne pense même presque plus à toi.

C’est fini l’époque où je m’inquiétais pour toi. Je t’appelais pour prendre de tes nouvelles, je t’encourageais quand tu n’avais pas le moral, je te faisais plein de petits cadeaux chaque fois que tu revenais de voyage. Vois-tu, je ne regrette pas tout l’amour que j’ai eu pour toi. Tous les cadeaux que je t’ai faits. Mon amitié était sincère. C’est du passé !!


Alors, ici et maintenant, je te dis adieu, Anna.

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