Chapitre 2 : La salle 103

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Il y avait une odeur de poussière et de vieux livres dans la salle 103. Pas désagréable, juste… figée dans le temps. Comme si les murs eux-mêmes avaient absorbé des années de phrases oubliées et de paragraphes soulignés.

Quand je suis entré, Maya était déjà là.

Évidemment.

Assise à la table du fond, droite comme une flèche, ses affaires parfaitement alignées. Un cahier. Un stylo plume. Une pile de livres à sa gauche. Elle cochait toutes les cases du cliché de la "bonne élève", sauf qu’elle n’avait rien d’un cliché. Elle dégageait quelque chose de précis. Tranchant. Comme si chaque détail autour d’elle avait été pensé, choisi.

Et moi ? J’avais oublié mon stylo.

« Tu es en retard. » Sa voix était calme, mais tranchante.

Je regardai l’horloge. « Deux minutes. C’est un retard acceptable dans certaines cultures. »

Aucune réaction.

Elle pointa du doigt une feuille de route posée sur la table entre nous. « J’ai déjà fait une proposition de planning. Tu peux faire des ajustements. Si tu en es capable. »

Je souris. « Tu sais que t’es adorable, dans le genre hostile ? »

Elle ne répondit pas. Mais je vis, je te jure, le coin de sa bouche qui tremblait. Juste un peu.

Et ce minuscule signe de vie, ce détail minuscule, m’a donné envie de rester. De m’appliquer. D’essayer, pour une fois.

On s’est mis au travail. On devait choisir un extrait à lire ensemble. Elle avait sélectionné des passages de classiques — Dickens, Hugo, Zola… Le genre de noms qui me faisaient transpirer au collège. Mais elle en parlait comme si elle les connaissait personnellement.

Elle ouvrit un exemplaire usé de Les Misérables.

« Tu prendras le rôle de Valjean. Je lirai celui de Cosette. »

« Pourquoi pas l’inverse ? Je serais une Cosette formidable. »

Elle leva les yeux vers moi, agacée.

Mais elle ne disait rien de cruel. Elle voulait que je prenne ça au sérieux. Elle voulait que je respecte les mots. Et ça, c’était nouveau.

Alors j’ai lu. Mal. Trop vite. Trop haut. Comme si j’essayais de faire rire une salle pleine.

Elle m’interrompit. « Arrête. Tu récites. Tu ne ressens rien. »

Je me suis arrêté. Touché. Vexé, un peu.

Mais surtout intrigué.

« Et toi, t’as l’impression de ressentir quoi quand tu lis ? »

Elle me regarda, cette fois avec une expression différente. Plus douce. Presque fragile.

« Je ressens… » Elle chercha ses mots. « Comme si je n’étais plus dans mon corps. Comme si les mots prenaient toute la place à l’intérieur. »

Elle marqua une pause, et ajouta, presque à voix basse :
« Comme si j’étais ailleurs. Et mieux. »

Et là, j’ai compris : Maya ne lisait pas parce que c’était son truc. Elle lisait parce que ça la sauvait. Tous les jours. Un peu plus.

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