Chapitre 5 : Lecture a deux voix, coeurs à contretemps
Les jours suivants ont été… flous.
Elle venait toujours en salle 103. Ponctuelle. Efficace. Froide.
Le genre de froid qui ne brûle pas mais qui glace lentement.
Le genre de silence qu’on n’ose pas briser de peur qu’il soit définitif.
Moi, je faisais semblant. J’étais Leo Carter. Je sortais mes blagues. Je lisais mes lignes. Mais j’étais à côté de moi.
Parce qu’elle, elle était ailleurs.
Un jour, alors qu’on répétait une scène tirée de Jane Eyre, elle a posé son livre brusquement.
« Tu peux faire un effort ? On doit lire ça devant des jurés dans une semaine. Et t’as l’air… absent. »
Je me suis levé d’un bond. Trop brusquement.
« Tu crois que c’est facile pour moi ? De me tenir ici comme si j’étais digne de ce concours ? Comme si j’étais à ton niveau ? »
Elle a cligné des yeux. Surprise.
J’ai ajouté, plus bas :
« Tu crois que ça m’est naturel, d’être face à toi sans me sentir minuscule ? »
Silence.
Et puis, elle a dit quelque chose que je n’oublierai jamais.
« Tu n’as pas besoin d’être moi. Tu dois juste… être honnête. »
Elle se rassit.
Et moi, je suis resté là, debout, figé.
Parce que ce qu’elle venait de dire, ce n’était pas pour la scène.
C’était pour moi.
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