Prologue

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Declan observait les fumeroles qui s'élevaient au loin sous le clair de lune, du haut de sa montagne. Le combat entre les deux armés, aux abords de la cité de Synir, duraient depuis déjà plusieurs heures, et c'était bien trop long pour que chaque camp s'en sortent avec peu de morts et de blessés.

L'horizon, l'espace d'un instant, parut s'embraser lors d'une salve de canon, illuminant les environs d'une lueur orangé. Quelques secondes plus tard, une volée de boulets, projetés à des vitesses phénoménales, s'écrasa contre les remparts dans un vacarme assourdissant qui parcourut toute la vallée.

Declan se sentit alors soulagé de ne pas être sur le champ de batailles. Vingt-ans plus tôt, il aurait été sous le feu des flèches ennemis, défendant désespérément sa muraille quitte à y laisser la vie. Mais aujourd'hui, il n'était plus qu'un simple observateur des engrenages de la guerre. Il avait décidé de raccrocher son épée, lassé de voir des hommes mourir sous le tranchant de sa lame. Aujourd'hui, en compagnie d’une femme, d’un logis et surtout d’un enfant, il vieillissait paisiblement. Sa capacité physique n'était plus que l'ombre de son passé guerrier, et l'arthrose lui rappelait chaque jour que la mort n'était plus très loin. Il avait choisi de se poser entre les montagnes afin de finir sa vie isolée du monde, en pleine nature, avec ceux qu'il aimait. C'était peut-être la seule décision censée qu'il avait fait au cours de sa longue vie.

-Papa, Papa ! s'exclama à plusieurs reprise une voix enfantine, perdu entre les bourrasques.

Declan se retourna, apercevant Isaros, son fils, qui courait dans sa direction parmi les alpages, les cheveux au vent. Il n'avait que douze ans, mais il se montrait déjà très indépendant et impétueux pour son âge. Il était incapable de rester assis sur une chaise au-delà d’une dizaine de minute, au plus grand regret de sa mère qui tentaient désespérément de lui apprendre à lire et écrire. Ses yeux bleus étaient emplis de malices et de ruse, mais également de bonté.

Essoufflé à la suite de cette course, le jeune garçon arriva finalement aux côtés de son père. Après avoir repris son souffle durant une dizaine de secondes, il s'exclama :

-Maman dit que c'est à ton tour de me raconter une histoire, et que ce n'est pas parce que tu es parti dehors qui tu y échapperas !

-Et tu lui répondras que ce n'est pas prudent de t'envoyer me chercher ici alors que la nuit est tombée, rétorqua son père. Tu as dû faire une vingtaine de minutes de marche dans la forêt pour me rejoindre sur le col, et je n'aime pas ça. Une fois que le soleil tombe le danger rôde. L’hiver approche et les meutes de loups chassent abondamment en ces temps-ci, c'est risqué tu comprends ?

-Si j'en vois un, alors je courais à la maison pour prendre ta vieille épée et j'en ferai de la viande ! rétorqua-t-il.

-Je n'en doute pas mon petit, tu es courageux, s'amusa son père.

D'un coup, l’expression de Declan se métamorphosa. Les traits de son visage se durcirent et ses sourcils grisonnant se froncèrent, puis il poursuivit, le ton devenu grave et sérieux :

-Isaros, promets-moi de ne jamais toucher à mon épée quoiqu'il arrive, c'est compris ? Tu te salirais les mains en la tenant comme papa.

-Tu la nettoie pourtant toutes les semaines, elle est toute propre !

-Je ne te parle pas de cette saleté-là, souffla-t-il. Enfin bon, tu es encore jeune, papa t’expliquera plus tard. Allez, rentrons à la maison pour toucher deux mots à ta mère.

Sous ces mots, Isaros attrapa la main de son père. Ensemble, ils rebroussèrent chemin en redescendant dans la vallée, s'éloignant du combat qui sévissait au loin. Le sentier, sinueux et rocailleux, passait par une grande forêt avant de déboucher sur un plateau en contrebas, où était posé le logis de la famille. Les rayons de la lune perçaient au travers des épais feuillages des grands arbres, dont les branche valsaient au gré du vent. Soudain, un hurlement de loup, étouffé par la végétation, se fit entendre au lointain, rompant l'harmonie de la forêt. Isaros, quelque peu apeuré par le cri, serra davantage la main de son père.

Les monts de l'Est avaient conservé leurs natures sauvages : l'Homme n'avait pas osé s'y installer. Des légendes mystiques parsemaient les environs. On racontait, dans les tavernes des environs, qu'un étrange peuple appelé « les Sidéragiens », vivraient au cœur des montagnes. Ces derniers seraient des messagers des Dieux - voir des Dieux eux-mêmes - qui détiendraient une magie ancienne et dangereuse, la magie des cieux. Pour couronner le tout, ils n'appréciaient guère les intrus au sein de leurs terres, punissant chacun d'eux par d'atroces souffrance dès qu'ils franchissaient la lisière de la forêt.

Declan, lui, croyait fermement en ces récits. Les légendes ont toujours une part de vérité, c'est pourquoi il n’avait établi son logis qu’en bordure des montagnes, à cheval entre le monde connu et les mystiques terres de Sidérage.

Mais Declan sortit de ses pensées lorsqu’Isaros lâcha sa main et s'arrêta en plein milieu du chemin, les bras croisés.

-Je t’ai rejoint pour que tu me racontes une histoire, et depuis tout à l'heure tu ne me parles même pas. En plus, je suis sûr que dès qu’on rentrera, t’iras encore te coucher. Et moi, je n’aurai rien eu. Maintenant, raconte-m’en une ou je ne bouge plus.

-Tu boudes ? le taquina son père.

Mais Isaros ne répondit pas, restant toujours statique.

-Bon, tu veux vraiment entendre une histoire ? Laquelle, dis-moi, lâcha finalement Declan.

A l’entente de ces mots, un grand sourire se dessina sur le visage du petit garçon, qui répondit d'un ton enjoué :

-L'histoire de ce que tu as fait avec ton épée, et de la fois où tu as été de l’autre côté de la mer.

-Tu m'étonnes, j'aurai pensé que tu voulais plutôt entendre l'histoire du loup et du renard. Enfin, qu'il en soit ainsi. Mais je te préviens, ce récit n'est pas doux mon fils, et il n'a pas été écrit pour un enfant. C'est la vie elle-même qui l'a rédigé.

-Je m'en fiche, je veux quand même l'entendre, tu ne me dis jamais rien sur ton épée. Puis, je suis plus un enfant ! Je veux connaître ta vie, papa.

-Si tu le dis. Les premières minutes du récit ne sont pas très mouvementées, ça devient plus intéressant par la suite. Il faut être patient. Cependant, tu avances en même temps dans ce cas, tu ne restes pas au milieu du chemin ?

-Promis, juré, craché !

Isaros cracha au sol, tout en prononçant son serment.

-Je ne sais pas si c'était nécessaire ça, fit remarquer Declan, bon, commençons. C'était il y a bien longtemps, dans des terres pas si lointaines, quand papa n'avait pas encore de cheveux gris. A l'époque, la guerre avait fait rage, comme celle que l'on voit quand on est en haut du col.

Le royaume des Oniris, la vaste île d'Ariège, était tombé sous la bannière de la confédération du Nord, et les anciens soldats Aeriégeois avaient trouvé refuge dans le vieux château de Denancourt, sur le continent. C'est ici que Peregrinus étudiait la grande bibliothèque du château, dans la tour blanche du savoir, et c'est ici qu'il allait faire une découverte qui changerait à tout jamais le monde …

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