"Un nouveau départ" (Partie II)

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Anis saupoudra une poudre grise, humidifiée au préalable, sur une des pages du précieux livre, avant de déposer, à l'aide d'une fiole, deux gouttes d'une huile bleu aux senteurs florales sur le papier jauni.

-Voilà, il n'y a plus qu'à attendre, lui assura l'herboriste.

-Bon, je suppose que je ne peux que te remercier ?

Elle acquiesça d'un hochement de tête. Peregrinus resta interdit, les yeux fixés sur l'ouvrage, afin d'éviter le regard d'Anis. Il préférait le fuir que de l'affronter.

Le visage de l'herboriste était celui d'une jeune femme, aux traits assez doux et empathique. Son iris, d'un bleu vert envoutant, rayonnait d'intelligence. Elle avait été, en des temps révolus, son compagnon au cours d'aventure.

L'homme au masque de fer observa alors les environs. La maison de bois était assez petite, mais étrangement accueillante et chaleureuse. Un foyer, se consumant dans l'âtre, éclairait la pièce principale d’une douce lueur orangée, se reflétant sur les murs en chênes recouverts de lierres et de végétation en tout genre.

Son bureau, quant à lui, était rempli d'un brique et braque de fioles, de racines, d'huiles et d'outils en tout genre, permettant d'accomplir de nombreuse tâche. A l'extérieur, elle avait aménagé des jardinières où poussaient divers plantes exotiques, nécessaires à son activité. Ce cadre de vie n'était à vrai dire pas étonnant, venant d'une herboriste.

-Je suppose que tu as dû rencontrer des difficultés quant à ta quête pour venir me voir. Jamais tu n'aurais pensé à moi en premier, tu m'évites du regard, s'attrista la jeune femme.

Peregrinus n'émit qu'un grognement en guise de réponse, alors elle insista, tout en se baissant afin de raviver le foyer, posant une bûche sur le tapis incandescent de braise :

-Tu n'oses même pas me répondre en face.

-Je te jure que si j'aurais une torche et de l'huile sous la main, ta cabane flamberait déjà rétorqua-t-il, d'un ton froid. Je sais d'avance que tu vas me dire, et je n’en ai nullement l'envie.

-Jamais tu n'oserais, pas après ce que tu m'as fait. À cause de toi, j'ai tout perdu, mes amis, ma famille, ma vie.

-Et voilà, on est reparti pour un tour. Écoute, c'est le jeu de l'aventure, et c'est ainsi. On y perd ou un y gagne. De plus, je t'avais averti du danger, tu en étais pleinement consciente, rétorqua Peregrinus.

-Bien sûr, et tu avais seulement omis le fait que l'artéfact que nous avions transporté sous ordre du roi, au compte de son pauvre druide, l'autre vieux, comportait une malédiction pouvant t'effacer de la mémoire de tes proches.

-Dis-toi que s'il serait tombé entre de mauvaises mains, l'équilibre du royaume aurait pu être rompu, tenta de se défendre Peregrinus, en vain.

-En attendant, durant le voyage, on a eu aucun accro. Autant dire qu'on était inutile. Oh, si, il y a juste eu cet accident condamnant ma vie entière ! dit sarcastiquement Anis.

Un long silence s'en suivit. Puis, un crépitement se fit soudain entendre au niveau du livre, la poudre grise s'était presque instantanément transformée en une mousse blanche crépitante.

-Oh, la mousse est blanche, c'est assez surprenant. Ton livre date d'aux moins une dizaine de milliers d'années. Ce ne doit pas être du papier ordinaire pour être si bien conservé, examina l'herboriste.

-Alors c'est donc vrai, répondit l'homme au masque de fer, la voix pleine d'ambition. Ce manuscrit fera de grandes choses, tu en entendras parler, croit-moi.

-Tant mieux pour toi. Dans tous les cas, tu as gagné le droit de partir, rétorqua-t-elle sèchement en ignorant ses dires.

Peregrinus passa sa main sur la poudre afin de l'enlever de la page, puis il referma délicatement l'ouvrage, avant de le remettre dans son coffre. Il traversa la pièce et ouvrit la porte, mais avant de la refermer, il s'exclama :

-Au fait, les filtres de jeunesses te vont à ravir. Puis, si un jour tu décidais d'aller de l'avant, contacte-moi, je serais là.

-Je n'y manquerais pas, adieux Peregrinus.

Puis il referma doucement la porte. Il plaça le coffre, au côté de ses vivres, dans le sac de cuir qui pendait à droite de sa selle. En tirant sur les rennes, Peregrinus s'éloigna de la maison de bois, perdu au milieu de la forêt, dans un rapide trot. La nuit allait tomber, et les derniers rayons de soleil perçait au travers les épais feuillages, éclairant les larges troncs d'arbres couvert de lichen d'un rouge sanguinaire.

Peregrinus avait traversé la moitié du continent en zeppelin afin de rejoindre Anis dans sa maison, situé sur les terres abandonnées d'un seigneur local en terres frontalière d'Itran. Ici, la jeune femme avait trouvé la paix. Au Nord, les montagnes d'Aspis la protégeraient, à l'Est, les vastes marécages également.

La ville la plus proche était Synir, situé à plusieurs jours de marche, vers le Sud-Ouest. C'était la capitale du pays d'Itran, un petit royaume qui faisait partit des empires centraux. La cité avait été construite aux abords du fleuve des veuves, et prospérait tranquillement, même si elle portait les stigmates de la chute de son pays, il y a plusieurs siècles, alors qu'il était à son apogée et considéré comme le nouvel empire d'Hillions.

Des oiseaux grouillaient et piaillaient tout autour de l'homme au masque de fer. Le vent faisait bruisser les feuilles et craquer les longues branches des chênes centenaires. L'air paraissait vivifiant et pur, il était t empli d'une odeur de mousse humide. Peregrinus profita de ce moment d'apaisement, chargeant à bloc ses poumons d'oxygène, avant d'expirer lentement l'air, savourant sa pureté naturelle. Ici, la nature dominait, et l'homme se pliait aux contraintes de son environnement. Ce devrait être la norme, pensa-t-il tristement.

Le chemin passait au travers de l'épaisse végétation, et à plusieurs reprises, sa monture se griffa sur des branches d'arbres morts obstruant le passage. À chaque fois que cela arrivait, son gris hennissait à cause de la petite douleur provoqué, et à chaque fois, Peregrinus le réconfortait en lui caressant la crinière.

Mais soudainement, un son ferreux, celui d'un mécanisme enclenché, rompît l'harmonie qui régnait jusqu'alors en ces lieux. Moins d'une seconde après, un carreau d'arbalète sortit par surprise de l'ombre en perçant air et feuilles sur son passage, avant de venir se planter tout droit dans le ventre de la monture aux couleurs charbons. Celle-ci se cabra, sous le poids de la douleur, et notre héros tomba de sa selle, frappant le sol dans un lourd vacarme, sous les cris de son cheval fuyant au triple galop.

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