Chapitre 5 - Au Grand Palais

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* EMILIE *

 La cérémonie au Grand Palais se profile enfin. Emilie trépigne, dans sa robe de soirée rose poudré, élégante et scintillante. Elle s’est faite belle pour l’occasion car elle doit absolument se fondre dans la masse pour ne pas risquer de se faire démasquée. Elle se souvient parfaitement des mots du préfet : « Vous n’avez pas intérêt à vous faire remarquer en tant que journaliste, sinon… Vous tomberez avec moi ! »


En arrivant devant le grand portail de fer forgé, elle montre son invitation au gorille qui sert de vigil pour l’occasion. Celui-ci la regarde avec attention, la dévisage même, peu convaincu de sa légitimité, mais la laisse tout de même entrer.

Dans un style Versaillais, moulures et décors peints à la main sur un plafond à la hauteur vertigineuse, entourée de magnifiques baies vitrées aux tailles démesurées et encadrées de grands rideaux de velours bordeaux, éclairée par de majestueux lustres en cristal scintillants, la salle de réception est immense.

Toute la grande bourgeoisie est présente, sur son trente-et-un. Les plus grands chefs d’entreprises vont être récompensé pour leur travail et leur contribution à l’activité soi-disant florissante de la ville par le gratin mondain, bien loin de la réalité du terrain. Aussi, tout est fait pour les satisfaire et leur montrer la gratitude de Monsieur le Maire : Petits fours et amuse-gueules de mets fins et délicats, champagne hors de prix à volonté, et une ribambelle de sous-fifres présents pour s’occuper de femmes et enfants. Evidemment, les serveuses sont en mini-jupe et talons aiguille, et les jeunes hommes en chemise blanche moulante et nœud papillon. Tous aux formes avantageuses, il va sans dire.

C’est écœurant de clichés…

Emilie déambule incognito parmi la foule compacte de grosses têtes richissimes. Il ne faut surtout pas se faire repérer, ni être reconnue en tant que journaliste, sans quoi elle risque d’être congédiée fissa. C’est donc en tant qu’invitée qu’elle se présente lorsque cela devient nécessaire. Toutefois, elle garde en tête son but principal qui relève, lui, de son métier. Aussi, elle reste à l’affût du moindre indice, imprime dans sa mémoire chaque visage, chaque geste et chaque conversation qu’elle arrive à capter, et qui pourrait lui servir par la suite pour ses petites enquêtes en haute sphères.


Pendant qu’elle se promène l’air de rien, un verre à la main, dans la salle bondée, elle aperçoit alors, tapis dans un coin, un jeune homme blond aux yeux bleus qui lui est vaguement familier. Un ancien amant ? … Non. Elle s’en souviendrait tout de même. Un indic’ alors ? … Non plus. On dirait plutôt… Mais oui ! Il ressemble étrangement au mec du café Bernard !

Elégamment engoncé dans un costume noir à queue de pie, les mains derrière le dos, il n’a plus rien à voir avec le garçon au style rebelle qui la reluquait sans vergogne. Il ne porte pas de bonnet docker ce soir, et ses cheveux blonds sont bien peignés et lissés en arrière, dans un style un peu guindé qui ne lui va pas si mal, finalement. Ainsi vêtu, il parait beaucoup moins canaille ou sorti de la rue. Elle dirait même qu’il est plutôt beau-gosse.

Alors qu’elle le mate furtivement, tentant de rassemblait ses souvenirs, il la repère à son tour. Et son regard insistant dans sa direction confirme l’impression d’Emilie : Il s’agit bien de l’homme qui a discuté avec Maurice en sortant du café. Elle fait mine de ne pas le reconnaitre cependant, craignant qu’il ne la fasse démasquée. Dans une vaine tentative d’esquive, elle feint l’indifférence en s’éloignant dans la direction opposée, perdant ainsi le contact visuel. Mais c’est peine perdu, et il finit tout de même par la retrouver pour l’aborder.

« - Bonsoir, mademoiselle.

- Bonsoir… lui répond-elle froidement.

- On ne se serait pas déjà vu quelque part, vous et moi ?

- Je ne crois pas, non, lui répond-elle en scrutant la salle, tentant de lui signifier son manque d’intérêt pour cette conversation.

- Vraiment ?! Tiens… Étonnant… Votre visage me dit pourtant quelque chose…

- Il est quelconque et passe-partout, vous devez me confondre avec quelqu’un d’autre…

- Ha ! Je ne pense pas, non ! Et vous êtes loin d’être « quelconque », charmante demoiselle. Je n’oublie pas un joli visage, en général… Votre nom, c’est… ?

- Emilie, lui répond-elle sèchement en détournant le regard, espérant ainsi que cet entretien ne s’éternise pas.

- Enchanté ! Et que nous vaut l’honneur de votre présence ce soir, Mademoiselle Emilie ?

- Et vous ? Qui êtes-vous et que faites-vous ici ??

- Moi ?! Oh ! Mais oui ! Pardonnez-moi, quel goujat je fais ! Je ne me suis même pas présenté ! Martin MacCulling, jeune homme fringuant, athlétique, et aux multiples talents ! »

Pitié…


Alors que le fameux Martin devient un peu trop entreprenant, un cri apeuré retenti dans la pièce. Le silence s’installe subitement, et tous les regards se tournent vers une femme en robe de soirée qui se précipite au milieu de la salle, complètement paniquée, inspectant la foule avec vivacité.

« - Célestine ? Célestine, où es-tu ma chérie ? CELESTINE ?? »

Un des éminents invité intervient, une coupe de champagne à la main :

« - Que se passe-t-il, chère madame ?

- Ma fille ! Ma fille a disparue !! »

Un vent d’horreur s’abat sur la foule massée autour d’elle. Les femmes se couvrent la bouche de leurs mains manucurées, les hommes se regardent, un peu décontenancés. Puis, l’homme reprend :

« - Disparue, vous dites ? Comment ça ?

- Oui, je ne la trouve plus ! pleurniche la femme, tremblante. Elle n’est pas avec les autres enfants, ni avec le personnel dédié… »

De nouveau, un brouhaha d’indignation plane sur l’attroupement, et les hommes s’insurgent contre le personnel sensé s’occuper des gamins. Alors, son interlocuteur ordonne haut et fort que l’on parte immédiatement à la recherche de la fillette dans tout le château. Et bizarrement, la totalité de l’assemblée suit le mouvement et commence aussitôt la fouille du domaine.


* MARTIN *

Martin et Emilie se regardent, l’air un peu perdus, puis tous deux s’activent à leur tour. Pendant qu’il se penche pour vérifier sous les tables, Emilie inspecte derrière le buffet. En soulevant la nappes d’un blanc immaculé, il aperçoit furtivement les chevilles nues de la belle Emilie de l’autre côté du meuble, et un léger frisson le parcourt brièvement. Il devine un instant des jambes fines mais fermes, plus athlétiques qu’il ne l’aurait imaginé, et a subitement l’envie folle de se faufiler sous la table pour aller caresser sa peau et remonter sa robe plus haut encore. Evitant une érection soudaine à cette idée subjective, il se relève d’un bond. Mais la vue qu’il a alors sur son arrière-train penché est encore pire.

Putain quel cul !

Impossible pour lui de détourner le regard de cette femme à la chute de rein aguicheuse. Et lorsqu’elle se redresse et déplie son corps gracieux, dans un geste somme toute fortement affriolant malgré elle, il ne peut s’empêcher de la dévorer des yeux d’un air vorace, un léger sourire mielleux aux lèvres.


* EMILIE *

Lorsqu’elle relève la tête de derrière le buffet, Martin la fixe avec avidité, le regard affamé et le sourire insatiable. Elle a surpris ses yeux sur ses fesses.

Bah vas-y, ne te gêne pas, surtout ! Espèce de pervers, va !

« - Heum… Un problème ? lui assène-t-elle sèchement, une main sur la hanche.

- Non, non, aucun… Je profite de la vue, c’est tout. » lui répond-il alors avec une arrogance presque déroutante, se mordillant la lèvre inférieure d’un geste sans équivoque en la déshabillant littéralement du regard.

Emilie lève les yeux au ciel d’un air dépité avant de continuer ses investigations comme si de rien n’était, tentant de ne pas lui donner plus ample satisfaction.

Non mais qu’est-ce qu’il croit, celui-là ?! Je ne suis pas une de ses midinettes ridicules qui papillonnent devant le premier mâle venu, moi ! Tout ça parce qu’il est mignon… Et bien bâti… Bref ! De toute manière, je déteste les mecs prétentieux comme lui !

Son regard est soudain attiré par un des rideaux qui semble poussé par le vent, et elle s’aperçoit alors qu’une des baies vitrées donnant sur les jardins du château est entrebâillée. Elle devine instantanément le scénario qui vient de se produire. Ni une, ni deux, elle s’y glisse discrètement, pendant que Martin lui tourne le dos.

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