Chapitre 6 - Cache-Cache dans les Jardins

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 La nuit est déjà bien avancée. Le ciel est voilé et les nuages cachent la lune, plongeant les jardins dans la pénombre la plus totale. Au milieu des parterres de fleurs et des buissons, la fillette tourne en rond, complètement perdue. Elle tâtonne à l’aveuglette, s’érafle sur les branchages, trébuche dans les allées verdoyantes et finit par se tordre la cheville dans la rigole d’une plate-bande, avant de se caler en pleurs contre une petite haie, en se tenant l’articulation.

Soudain, un craquement de brindille à sa droite. Pétrifiée de peur, la petite sursaute puis se fige, la respiration coupée, scrutant la nuit noire avec angoisse. Il fait tellement sombre qu’elle ne voit même pas le bout de ses chaussures cirées hors de prix. Elle n’aperçoit donc pas la silhouette mystérieuse qui s’approche d’elle lentement dans l’obscurité.

« - Hey ! lui susurre une voix féminine, douce et rassurante. Célestine ?

Interloquée, la fillette en reste sans voix quelques instants, ses yeux scrutant la pénombre pour essayer de distinguer son interlocutrice. Qui est cette personne qui connait apparemment son prénom ?

« - O-Oui ? lui répond-elle finalement en sanglotant. Qu-Qui êtes-vous ?

- Ne t’inquiète pas, je ne te veux aucun mal. Tout le monde te cherche ! Comme moi, d’ailleurs. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Est-ce que ça va ?

- J-Je jouais à courir après un papillon et… J’ai pas vu qu’il commençait à faire nuit et… Je me suis perdue dans les jardins parce que j’y vois plus rien et… Je me suis tordu la cheville et… Ça fait mal ! Snif ! Et j’ai peur !

- Ah… Oui, je vois… Ne t’inquiète pas, tout va bien, je suis là maintenant. Je t’ai retrouvé et on va te soigner. Mais d’abord, il faut que je te ramène auprès de ta maman. Tu veux bien que je t’aide ?

- O-Oui… Mais il fait noir et on n’voit rien du tout !

- Ne t’inquiète pas pour ça, moi je vois très bien. Je peux te ramener près du château et tu pourras ensuite retrouver ta maman, d’accord ?

- Euh… O-Oui…

- Tu permets que je te porte ?

- Oui. »

D’une main délicate et apparemment gantée, l’ombre glisse ses doigts dans les petites mains potelées de la fillette pour l’aider à se relever, puis se faufile sous ses bras avant de la soulever et de la ramener à elle avec beaucoup de tendresse et une habilité déconcertante. Célestine respire son parfum, une odeur agréablement fleurie, sur le vêtement lisse et ajusté près du corps qu’elle devine être celui d’une femme, et qu’elle encercle alors fermement de ses jambes et de ses bras. Bizarrement, elle n’a pas peur. Elle se sent parfaitement à l’aise et en sécurité dans les bras de cette inconnue qui la rassure. Une fois la petite bien installée et maintenue solidement contre sa poitrine, la femme mystérieuse se faufile à travers les jardins avec une assurance et une aisance presque féline. Tout parait fluide dans ses mouvements. Elle ne trébuche pas, ne tâtonne pas, ne se prend pas les pied dans les branchages.

Lorsqu’elle arrive près du château, la sauveuse s’arrête juste avant le halo de lumière éclairant les graviers depuis la salle de réception, en contre-bas d’un large balcon de pierre, et dépose délicatement la fillette au sol, avant de se mettre à l’abri des regards derrière un haut buisson. Célestine distingue cependant sa silhouette toute de noire vêtue, svelte mais athlétique, et visiblement masquée.

« - Voilà, lui dit-elle. Tu es en sécurité maintenant. Tu vas pouvoir rejoindre ta maman par toi-même. Mais promets-moi de faire attention la prochaine fois, hein ! »

Et sur ce, elle disparait rapidement dans la nuit noire.


Célestine s’avance lentement et difficilement jusqu’en bas du balcon de pierre, où un jeune homme blond est en train de scruter l’horizon avec sa lampe torche. Lorsqu’il aperçoit la petite, il interpelle aussitôt le reste de l’assemblée, et se précipite alors vers elle. Voyant qu’elle boitte, il l’attrape délicatement sous les genoux pour la ramener sur le balcon.

Sa mère arrive au moment où Martin pose doucement Célestine sur la terre ferme, tombe à genoux et l’enlace alors vivement dans ses bras, tandis que la foule s’amasse de nouveau autour d’eux.

« - Oh merci ! Merci, jeune homme ! s’exclame-t-elle alors, des larmes de joie coulant sur son visage trop maquillé.

- Euh… bégaye Martin, pris au dépourvu.

- Vous êtes mon héro ! Vous m’avez ramené ma fille ! Comment puis-je vous remercier ?

- Mais…

- C’est pas lui, maman ! intervient la petite.

- Quoi ?! s’étonne sa maman.

- Non, c’est pas lui qui m’a retrouvé. Lui, il m’a juste remonté en haut des marches parce que j’ai mal à la cheville.

- Tu es blessée ?? s’inquiète aussitôt la femme.

- Oui, je me suis tordu la cheville en cherchant mon chemin dans le noir.

- Mon Dieu !! Ma petite chérie…

- Qui t’a ramené alors ? l’interpelle un homme grand et sec, droit comme un « i », avec un monocle à chainette sur l’œil droit.

- Une femme, répond la fillette. Elle m’a retrouvé au milieu du jardin, et elle m’a ramené jusque devant le balcon, où le monsieur là m’a trouvé.

- Dans la nuit noire ??

- Oui, monsieur.

- Jeune homme, ajoute-t-il à l’intention de Martin. Avez-vous vu de la lumière près de cette jeune fille lorsque vous l’avez trouvé ?

- Euh… Non, monsieur.

- Alors comment une femme aurait-elle pu te trouver sans éclairage au beau milieu des jardins par une pareille nuit, sombre et sans lune ?! rétorque-t-il sèchement à Célestine d’un air sévère.

- Je n’en sais rien, moi ! Mais elle m’a dit qu’elle voyait très bien, elle ! commence à s’agacer la petite, sentant le scepticisme de l’homme vis-à-vis de son récit.

- Bon, peu importe, les coupe sa mère, qui s’aperçoit de la tournure des évènements. Ce n’est pas grave, ce doit sûrement être la peur ou la fatigue qui t’a fait divaguer et inventer cette histoire improbable…

- Mais… proteste la fillette, en vain.

- Mais tu es revenue, saine et sauve, et c’est tout ce qui compte pour moi ! Allons soigner cette cheville, maintenant ! »

Et tout le monde reprend le chemin de la salle de réception, au chaud. Sauf Martin, qui reste prostré sur le balcon, le regard hagard.

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