Chapitre 9 - La Rencontre Tant Attendue
* MARTIN *
Ce soir, Martin ne travaille pas. Du moins… Officiellement ! Car cela ne l’empêche pas de planquer une fois de plus dans son véhicule, par une nuit de nouvelle lune, espérant recroiser cette justicière si séduisante. Malgré qu’il continue d’arpenter les rues mal famées et sombres à sa recherche, la radio branchée en permanence sur la fréquence de la police en bruit de fond, il ne l’a malheureusement plus revu jusqu’alors. A son grand désarroi, elle n’a plus donné signe de vie depuis la parution de son article.
Serait-elle vexée ? Ou bien gênée ? Lui aurait-il fait peur en étant un peu trop direct ? A-t-elle seulement lu sa chronique ?
Désespéré, Martin finit par se garer dans une petite ruelle donnant sur des box de stockage pour faire une pause, après plusieurs heures de conduite dans la ville sans grand succès. La vitre ouverte, il allume une cigarette. Il ne sait que penser de son absence et de son silence. Mais ce dont il est certain, c’est qu’il veut la rencontrer et obtenir plus d’informations à son sujet.
Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Quel métier exerce-t-elle en dehors de ses activités nocturnes ? Travaille-t-elle seulement ? Est-ce une habitante de la ville ? Ou des alentours ? Comment se tient-elle au courant des infractions commises ? A-t-elle un récepteur elle aussi ? Ou a-t-elle des contacts chez les flics pour être aussi bien renseignée ?
Toutes ces questions fusent dans sa tête. Et le journaliste qu’il est n’aime pas rester sans réponse. Cela le tracasse, l’énerve, le contrarie, l’obsède…
Perdu dans ses pensées, il décolle de son siège lorsqu’un bruit sourd cogne subitement contre sa carrosserie de voiture. Haletant quelques instants, il reprend rapidement ses esprits et tilte soudain sur ce qu’il vient de se passer. Il sort alors précipitamment pour constater les dégâts. C’est qu’elle a beau être une poubelle, Martin ne peut pas se permettre de gros frais sur sa voiture en ce moment. Aussi il inspecte minutieusement le métal foncé. Ouf ! Elle n’a rien…
Il souffle de soulagement, appuyé les bras tendus sur l’armature du véhicule, sa cigarette entre les doigts. Puis, intrigué, il scrute les alentours à la recherche d’un indice, pour tenter de découvrir ce qui a bien pu tomber aussi brutalement et bruyamment sur sa vieille Polo II. Son regard est attiré par une sorte de boule de fils de tissu, assez grosse, à côté de sa roue avant gauche. Une pelote de laine ??
« - Bonsoir. »
Martin fait un bond monumental et se retourne vivement, le cœur tambourinant dans sa poitrine. D’où provient cette voix douce et délicate qui l’interpelle dans un chuchotement aussi sensuel ?
Légèrement paniqué, ses yeux balayent la pénombre, jusqu’à ce qu’il l’aperçoive enfin. Elle est là, sa fameuse « Catwoman ». Accroupie sur le rebord du toit plat du box en face de lui, les genoux de chaque côté de ses bras, elle le regarde, tel un chat à l’affût de sa proie.
« - Bonsoir, lui répond-il enfin en s’adossant à sa voiture, une main dans la poche, et reprenant une bouffée de sa clope d’un air nonchalant. Enfin on se rencontre.
- C’est ce que vous vouliez, non ?
- En effet, roucoule-t-il dans un sourire mielleux, avant de se baisser pour ramasser la pelote. C’est à vous, ceci ?
- Peut-être bien. »
Sa voix est si soyeuse… Si sexy… Martin est troublé, mais ne laisse rien paraitre.
« - C’est tout ce que vous avez trouvé pour attirer mon attention ?
- C’est tout ce que j’avais sur moi pour vous faire sortir de votre carcasse.
- Vous pourriez avoir un peu plus de respect pour ma fidèle POLO II ! Elle a déjà pas mal de kilomètres au compteur, vous savez ! Il faut en prendre soin. C’est comme une femme…
- Effectivement… Et vous ?
- Quoi, « moi » ?
- Vous en prenez soin ?
- De ma voiture ?
- Des femmes. »
Surpris par sa répartie, Martin reste interloqué quelques secondes, puis ricane jaune avant de reprendre une taffe.
« - Pourquoi cette question ?
- Pourquoi devrais-je faire confiance à un homme qui respecte plus sa voiture qu’une femme ?
- Vous aurais-je manqué de respect ??
- Je n’ai pas beaucoup apprécier la manière dont vous m’avez décrite, en effet.
- Vous avez donc lu mon article…
- Oui. Et j’ai trouvé ça à la limite de l’indécence.
- De l’indécence, carrément ?! Prenez plutôt cela pour de l’admiration.
- Admiration de quoi ?
- Votre physique.
- Est-ce tout ce qui vous intéresse chez une femme ?
- Non… Mais j’avoue que ça joue beaucoup pour moi, habituellement. Mais vous… Vous, vous m’intéressez pour d’autres raisons.
- Lesquelles ?
- Vous êtes une femme intrigante, mystérieuse…
- C’est vrai. Et j’aimerai le rester.
- Que voulez-vous dire ??
- Que je n’ai pas l’intention de dévoiler mon identité. Ne vous en déplaise. »
Martin se raidit, contrarié, sa mâchoire contractée creusant ces deux fossettes qui lui donne ce charme si particulier de Bad Boy.
« - Pourquoi ? insiste-t-il.
- Parce que je n’attends rien en retour de mes actions. Je souhaite simplement aider la police, et je n’ai pas besoin de me faire mousser pour ça.
- Mais tout le monde ne parle que de vous !! s’exclame Martin, agacé par son altruisme qu’il juge exagéré.
- Et ?
- Tout le monde veut en savoir plus sur vous ! Sur votre nom, vos intentions, les raisons qui vous poussent à agir ainsi…
- Grand bien leur fasse.
- Mais vous n’avez pas envie que les gens vous admirent ? Ou qu’ils vous reconnaissent et vous remercient dans la rue ?
- Absolument pas, non.
- Roooh ! Allez quoi !! Avouez que si vous agissez la nuit, vêtu comme ça et masquée qui plus est, c’est aussi pour le côté super-héros, non ??
- A ce que je sache, les super-héros ne dévoilent jamais leur identité secrète, il me semble. Pourquoi le devrais-je ?
- Parce que les gens veulent savoir ! Et que c’est mon métier, d’informer les gens. Et… parce que mon boss aussi, aimerait savoir… Et qu’il me fout la pression, du coup.
- En quoi cela me concerne ?
- Vous ne souhaitez pas que je me fasse viré, tout de même ! Si ?
- Ça, ce n’est pas mon problème.
- Vous êtes toujours aussi mesquine avec ceux qui s’intéressent à vous ?
- Je ne veux pas que l’on s’intéresse à moi. Quand allez-vous le comprendre ? »
Martin sent qu’elle commence à s’agacer. Il faut qu’il retourne la situation à son avantage.
« - OK… OK, temporise-t-il en levant les mains en signe d’abdication. On peut peut-être s’arranger alors ?
- C’est-à-dire ?
- Eh bien… Si je vous promets de ne pas trop en dire à votre sujet dans mes articles… Peut-être pourriez-vous… Me donner quelque chose en retour ?
- Du genre ?
- Genre… Quelques clichés éventuellement ? Ou quelques infos confidentielles sur vous ?
- Que vous publierez ensuite ?? Hors de question.
- Non ! Non, je vous promets de garder ça pour moi ! Mais… Au moins, je serai le seul à vous avoir rencontré en chair et en os, et à vous connaitre en personne. Je pourrais même indiquer être le seul à qui vous acceptez de vous confier. J’attirerai l’attention sur moi, et non sur vous. Et j’aurais l’exclusivité ! Un peu comme Peter Parker avec Spider-Man, vous voyez ? Ce serait comme si nous étions… Intimes ? »
A travers son masque, Martin peut apercevoir ses yeux noirs se plisser.
« - En gros… Vous voulez vous faire mousser grâce à moi ? lui rétorque-t-elle sèchement.
- Non… souffle-t-il. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire… Alors disons… Que je pense pouvoir être votre allié en devenant votre reporter attitré. »
Ses yeux sombres plongés dans ceux de Martin, elle semble hésiter.
« - Vous pourriez juste laisser croire que vous avez des infos, sans pour autant que cela soit vrai, propose-t-elle alors.
- Oui, mais je risquerai de me faire facilement démasquer si l’on commence à me poser des questions !
- Donc si l’on vous pose des questions, vous cracherez le morceau ?? s’insurge-t-elle.
- Non, bien sûr que non !! se défend Martin.
- Dans ce cas, quel avantage pour moi ?? »
Il expire un grand coup, d’un air las. Puis il laisse un instant planer le suspense, le temps d’écraser son mégot par terre en faisant mine de réfléchir. Il fourre les mains dans les poches. Il l’a ferré, il en est persuadé.
« - Je vous piste depuis quelques temps maintenant. Je commence à connaitre vos méthodes. Réfléchissez : Si vous faites de moi votre allié, je pourrais… Faire trainer l’enquête à votre sujet, par exemple ? Ou envoyer les autres journalistes et les flics sur de fausses pistes pendant vos interventions ? Ils finiront par se décourager et ils vous lâcheront la grappe. Et en échange, vous me donnez réellement quelques infos plus… intimes sur vous, histoire que chacun y trouve son compte, vous voyez ? »
Nouvelle hésitation. Elle penche légèrement la tête de côté, tout en gardant son regard plongé dans le sien.
« - Très bien, lâche-t-elle finalement. Je vais y réfléchir. »
Sur ce, et avant même que Martin n’ait pu réagir, elle disparait, le laissant seul au milieu de la ruelle, totalement en émoi devant cette déesse de l’ombre qui le fascine désormais.
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