Chapitre 13 - Maman trop Curieuse

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* MARTIN *

Ce soir, pas de planque, Martin dine chez sa mère.

Dans la petite cuisine de l’appartement miteux et insalubre d’un quartier de banlieue, qui sert de logement à sa daronne depuis que son géniteur l’a gentiment foutu à la porte à l’annonce de sa grossesse, Martin découpe les légumes pour la soupe du soir. Pendant que Maman Aileen s’active au-dessus de ses fourneaux, ils discutent ensemble de la pluie et du beau temps.

***

Aileen aime avoir son fils chez elle. Il vient régulièrement lui tenir compagnie et refaire le monde avec elle, le temps d’un repas. Mais aujourd’hui, Martin n’est pas très loquace. Lorsqu’elle s’énerve sur les voisins du dessus qui l’empêchent un peu trop souvent de dormir, Martin s’offusque lui aussi d’ordinaire. Pourtant… Perdu dans ses pensées, il semble ailleurs ce soir, tracassé. Ce qui est assez étrange venant de lui. Elle ne l’avait jamais vu comme ça auparavant. D’un naturel plutôt enjoué, taquin même, il n’a pas pour habitude de se murer dans un silence aussi pesant. C’est inquiétant.

***

Martin entend sa mère déblatérer sur son voisinage bruyant, comme à son habitude, sans vraiment l’écouter. Il n’est pas vraiment là, ce soir. Au lieu de ça, il ne pense qu’à une chose : sa belle Catwoman. Il ne l’a pas revu depuis cette folle nuit de baise improbable. Il repense sans cesse au goût de ses lèvres, si douces et pulpeuses. A son corps si divinement bien sculpté, à sa peau légèrement halée et sucrée. Il en rêve encore, et il lui arrive même de se réveiller avec une gaule du diable à cause d’elle ! Parfois, dans ces moments, en émergeant de son sommeil en sursaut, il espère qu’elle sera de nouveau à califourchon sur son bassin, et qu’il pourra revoir sa silhouette qui oscille en contre-jour au-dessus de lui. Mais ce n’est évidemment jamais le cas. Elle est pourtant devenue la seule à lui faire autant d’effets. Il n’a plus envie des autres nanas, plus aucune autre ne trouve grâce à ses yeux. Sa justicière a pris possession de lui, de son esprit, de ses pensées les plus subjectives et les plus perverses. Seul son corps aux formes parfaites et voluptueuses lui donne des envies. Il revoit ses tétons qui pointaient vers lui, ne demandant qu’à être engloutis, sa toison qui se dessinait derrière la dentelle noire de son string…

« - Oh hé ! Tuw m’écoutes, Marty ? »

La voix aigüe aux forts accents écossais de sa mère le tire subitement de ses rêveries. Il s’aperçoit alors qu’il tient encore son couteau mais ne coupe plus rien, appuyé sur son coude, la joue enfoncée sur son poing, le regard dans le vide d’un air songeur.

« - Hein ?! Ah, oui oui, bien sûr, M’man ! dit-il en reprenant sa besogne.

- Hmmm… Of course. Tuw te fiche de moi, Marty ?! Jay le vois bien que tuw ne m’écoutes pas ! Never !

- Mais si…

- Tuw es ailleurs… Y ya-t-il quelque chosse qui te trwacasse, babe ?

- Non, non…

- Tuw es surw ?

- Ça va, j’te dis ! Je suis simplement fatigué… Rien de bien méchant, j’t’assure.

- Jay té trwouve bizarwe en ce moment… Tuw sais que tuw peux tout me dire, darling.

- Mais oui, M’man, t’inquiètes pas… C’est cette enquête, là ! Ça m’prend l’choux !

- Ta jousticièrwe ??

- Oui… Je passe des heures à planquer comme un con…

- Marty !! Your language ! s’offusque sa mère en le coupant vivement.

- ‘Scuse… Ouais, j’disais, je passe des heures dehors, à veiller toute la nuit, et rien… Pas de quoi alimenter un nouvel article, que d’al ! Et mon boss s’impatiente… Il m’fout la pression.

- Hmmm… Tuw es surw qu’il n’y a rwien d’autrwe ?

- Mais oui ! Que veux-tu qu’il m’arrive d’autre ?! Je fais que ça, de bosser ! commence à s’agacer Martin.

- Oh come on, darling !! Jay ne suis pas née de la derwnièrwe plouie, tuw sais ! Il y a autrwe chosse, jay le sens !

- Mais non, enfin !

- C’est oune fille, c’est ça ? »

Martin trésaille et blêmit. Décidément sa daronne le connait vraiment trop bien… Mais comment lui expliquer ? « Maman, j’ai baisé ma fameuse justicière pour obtenir des infos supplémentaires à son sujet, que je n’ai pas eu pour autant ? » Non… Un peu trop direct… Et ça fait un peu gigolo, dit comme ça…

« Maman, je suis raide dingue d’une nana dont je ne connais pas l’identité, et avec qui j’ai baisé comme jamais ? » Non plus…

Bon sang, il faut que je me sorte de ce traquenard !

« - Heum… C’est euh…

- HA ! J’en étais surw ! Tuw t’es enfin fait rattrwapé par l’amourw mon fils !

- NON ! Certainement pas !! Je t’ai dit que c’était le boulot, c’est tout !

- Arrwêtes de te foutrwe de moi ! Il y a oune fille dans l’histoirwe, jay le sens !

- Mam’s, t’es pénible là…

- Et twoi, tuw me caches quelqué chosse ! »

- Et qu’est-ce qui te fais dire ça ? demande-t-il pour gagner du temps. Après tout, des meufs, j’en ai régulièrement dans mon lit, mais jamais tu ne m’as posé de questions sur mes relations.

- Jay me douwte, que tuw as des filles auwtant que tuw veux. Tuw es beau garwçon, my son, c’est logique. But… Tuw n’as jamais eu l’airw si perwturwbé, never. Il y a quelque chosse de différwent cette fois. Là, tuw es dans la loune, tuw rwêvasses… Tuw es amourweux ?

- Je… »

Aileen lève ses sourcils blonds, quasiment blancs maintenant, et le fixe avec une moue pincée, ses yeux bleus presque translucides le transperçant. Il n’a plus le choix. Il va devoir lui dire quelque chose, n’importe quoi… Sinon elle va le tanner pendant des heures jusqu’à ce qu’il avoue !

« - Bon… OK. Avoue-t-il finalement. C’est vrai, j’ai une nana en tête en ce moment.

- AAAH ! Jay le savais !! C’est qui ? Comment elle s’appelle ? Tuw l’a connu comment ? Jay veux tout savoirw !

- Ola ! Tout doux ! J’ai pas dit que j’allais me marier pour autant, hein !! Mais… Elle me plait bien, oui… En tout cas, avec elle, c’est différent, c’est vrai… J’ai envie de la revoir. Et pas que pour…

- Oui, oui, bon… Jay comprwis. Tuw l’aimes ou pas ?

- Je sais pas… C’est quoi aimer, d’abord ? J’ai jamais été amoureux moi…

- Tuw ne pense qu’à elle ?

- Oui…

- Tuw te rwappelle de chaque détail la concerwnant ? Tuw la trwouve belle ?

- Oui.

- Elle t’obsède, jourw et nouit ?

- …Oui.

- Tuw n’as plou envie de voirw d’autrwe femme ?

- Eh bien… Ça me tue de le dire, mais… Non.

- Alors tuw es amourweux !

- Tu crois ?

- Marty… soupire-t-elle. Laisse parwler ton cœurw pourw oune fois. Écoutes ta pauvrwe mèrwe.

- Avec tout le respect que je te dois, M’man, on n’peut pas dire que ça t’ait beaucoup servi, à toi…

- Marty !!! s’offusque-t-elle.

- Bah quoi ?! C’est vrai, merde ! Regarde ce que ça a donné avec mon connard de père !

- J’étais amourweuse et jay pensais que loui aussi ! Tout le monde peut se trwomper. Mais jay ne rwegrwtte rwien, carw j’ai tout de même connu l’amourw grwâce à loui, malgrwé tout. Et pouis, jay t’ai eu, twoi ! Mais twoi, tuw ne saurwas jamais ce que c’est que cette sensation merwveilleuse si tuw n’essayes pas d’ouvrwir ton cœur un peuw.

- Hmm… »

Martin fait mine de ne pas s’intéresser à ce qu’elle raconte, n’ayant jamais été convaincu par l’amour véritable autre que celui de sa mère. Mais inconsciemment, il l’écoute tout de même avec attention.

« - Comment elle s’appelle ? » reprend Aileen.

Pris au piège, Martin va bien devoir lui répondre, et donner un nom. Sauf qu’il ne le connait pas, et ça, il ne peut pas lui avouer.

« - Emilie… crache-t-il, sans trop savoir pourquoi.

- C’est trwès joli ! lui dit sa daronne, son sourire s’élargissant jusqu’aux oreilles après un bref instant de stupeur, elle-même surprise qu’il lui réponde tout de même.

- Oui… Comme elle… »

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