* EMILIE *

Eh bé ! Contrairement à son fiston, Aileen est une femme vraiment très agréable !

Emilie passe un très bon moment en compagnie de la mère de Martin, malgré la contrariété non dissimulée de ce dernier. Elle jubile à l’idée de l’avoir mis en mauvaise posture, et s’amuse énormément à le taquiner du regard.

Après avoir papoter de longues minutes avec l’épicier avant de tous trois se diriger enfin vers l’immeuble maternel, Emilie et Martin remontent les derniers cagots de légumes jusqu’à l’appartement minuscule de Aileen, pendant que celle-ci s’affaire à tout faire rentrer dans sa toute petite cuisine.

« - Je vous pose le dernier où ? demande Emilie, essoufflée.

- Oh, euh… Posez ça là, jay vais m’en occoupé aprwès…

- Très bien… Pfffiou ! Voilà une bonne chose de faite !

- Merwci beaucu Emilie, vous êtes oune perwle !

- Je vous en prie !

- Jay peux vous prwoposer un verre pour vous rwafraichirw ?

- Ah oui, tiens ! Avec plaisir !

- C’est gentil, M’man, mais je pense qu’Emilie a d’autre chose à faire maintenant ! intervient Martin, qui fulmine déjà depuis quelques temps.

- Hein ? Mais… tente de rétorquer Emilie, incrédule.

- N’est-ce pas ?? la coupe-t-il aussitôt, d’un œil mauvais.

- Euh… Oui… Oui, oui, en effet ! finit-elle par admettre à contre-cœur, sentant qu’elle ne devrait pas trop insister face au regard inquisiteur de Martin.

- Oooh… soupire Aileen, visiblement déçue. Bien ! Dans ce cas… Jay vous rwemerwcie encorwe oune fois ! Et j’espèrwe vous rwevoirw bientôt !

- Oui, je l’espère également ! j’ai été ravie de faire votre connaissance, et…

- Bon, allez ! s’impatiente Martin, en l’attrapant par le bras pour la tirer vers la sortie. Je te raccompagne. A plus, M’man. »

En arrivant dans le hall de l’immeuble, en bas des escaliers, Martin s’arrête brutalement et tire Emilie par le bras pour la retenir, avant qu’elle ne pousse la grande porte d’entrée.

« - Aïe !

- A quoi vous jouez ? siffle-t-il entre ses dents, ses yeux plongés dans les siens d’un air mauvais.

- Je vous demande pardon ?

- Ça suffit ! Ma mère n’est plus là pour vous croire, vous pouvez arrêter votre petit manège et cessez de jouer le rôle de la petite amie parfaite, maintenant !

- Bah quoi ?! Ce n’est pas ce que vous vouliez ? Ce n’est pas moi qui lui aie dit que nous étions ensemble, je vous signale ! ironise Emilie, un petit sourire narquois se dessinant au coin des lèvres. C’est bien vous qui lui avez fait croire que vous êtes amoureux de moi, non ?? Alors, en sachant que vous avez effectivement essayé de m’embrasser l’autre jour, pourquoi aurais-je démenti vos propos, au risque de vous mettre dans une posture délicate devant votre propre mère ? Vous voyez, je ne suis pas aussi garce que vous le pensez. »

Martin la fusille littéralement du regard. Il est visiblement en colère, et semble retenir sa rage. Ses fossettes se forment alors à nouveau sur ses joues à mesure que sa mâchoire se crispe, et Emilie les trouve subitement irrésistibles.

« - Je ne sais pas à quoi tend votre soudaine envie d’entretenir l’illusion d’une quelconque histoire entre nous, mais je vous préviens… lui crache-t-il en la plaquant contre le mur derrière elle. Ne me cherchez pas trop, OK ? Je pourrais vous prendre au mot et faire de vous ma prochaine victime. »

Il se rapproche de plus en plus d’elle, et Emilie se sent bizarrement toute chose. La tension est palpable, elle sent son parfum, son souffle sur son visage, et elle a alors une envie irrépressible de l’embrasser.

« - Eh bien, soit… » murmure-t-elle.

Elle rapproche doucement ses lèvres des siennes, sentant déjà leur chaleur avant même de les toucher, attendant qu’il fasse le dernier pas. Mais brusquement, alors qu’elle l’aperçoit regarder furtivement vers sa bouche, Martin la relâche et se recule, comme ébranler.

Il la fixe quelques instants, interminables, puis s’enfuit sans un mot, la laissant seule dans le hall.

* MARTIN *

Mais qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?!

Martin ne sait pas pourquoi il n’a pas profité de l’occasion pour concrétiser enfin avec la belle Emilie. Il marche à pas cadencés dans la rue pour tenter de remettre ses idées en ordre, le regard dans le vide, les mains dans les poches et la tête rentrée dans les épaules, sans but réel. Il n’a même pas envie d’allumer une clope.

Elle était pourtant à deux doigts de lui manger dans la main ! On aurait même dit qu’elle le provoquait exprès ! Il a bien vu qu’elle avait tenté un rapprochement, qu’elle lui avait tendu ses lèvres pulpeuses, attendant son baiser sans opposer de résistance. Et il en avait follement envie, lui aussi !

Alors pourquoi je n'y suis pas allé ?? Est-ce parce qu’elle me provoque, justement ?

Ou bien, est-ce parce que je pense trop à ma sublime Catwoman ? Non… Si c’était le cas, cela m’aurait empêché de me taper la p’tite Jessica aussi… Ce n’est donc pas le problème.

Alors qu’est-ce qui cloche avec Emilie ?? Pourquoi je n’avance pas avec elle, alors qu’elle me tend carrément des perches ces derniers temps ? Pourquoi je n’ose pas ? Pourquoi suis-je aussi hésitant ? Est-ce sa fuite inopinée de la dernière fois qui me retient ? Serais-je en train de le lui faire payer inconsciemment ?

C’est bien la première fois que Martin se sent aussi troublée par une femme, et qu’il n’arrive pas à conclure malgré les avances de plus en plus présentes de celle-ci. D’autant qu’on ne peut pas dire qu’elle ne soit pas attirante ! Il dirait même qu’elle a une anatomie avantageuse qu’il aimerait bien mettre dans son lit, malgré qu’elle ne corresponde pas tout à fait à ses critères physiques habituels. Pourquoi bloque-t-il alors ?

Cela dit... Maintenant qu’Emilie en a rajouté une couche avec sa daronne, et qu’elle a fortement sous-entendu qu’ils avaient une liaison, au moins d’ordre sexuelle, il va bien falloir qu’il se la fasse, ne serait-ce que pour être plus crédible et éviter de mentir totalement à sa mère...