Chapitre 20 - Information Préoccupante
* MARTIN *
Et voilà, je m’en doutais !
Jessica refuse désormais tout contact et toute communication avec lui. A la limite de l’impolitesse, elle l’envoie bouler sans ménagement dès qu’il se pointe à l’accueil du commissariat, ses yeux marrons lui lançant littéralement des éclairs. Perdant une aide précieuse, le voilà donc revenu au point de départ, avec pour seule taupe Maurice. Mais il n’oublie pas que son officier favori aide également la belle Emilie. Il ne lui donne donc peut-être pas la totalité de ses informations, au profit de celle-ci. En parlant d’Emilie... Elle non plus, il ne l’a pas revu d’ailleurs... En a-t-il seulement envie, après leur dernier échange ? Bref ! Il faut qu’il reste tout de même au plus proche de l’enquête sur la justicière de la nuit.
Martin décide ainsi de donner rendez-vous à Maurice au café Bernard. En fin d’après-midi, c’est attablé dans un coin du bistrot pour plus de discrétion qu’il l’attend donc tranquillement, espérant peut-être y croiser la belle Emilie sans trop se l’avouer. L’air de rien, il a quand même envie de la revoir, même si elle a à priori la faculté de le troubler, à son grand désarroi.
Lorsque Maurice se pointe enfin, il semble complétement euphorique.
« - Ah ! Martin ! Salut vieux ! clame-t-il en posant son couvre-chef.
- Euh... Salut Maurice. Tu vas bien ?
- Oh oui ! Super bien, même !!
- Je vois ça !
- Martin, tu n’vas jamais me croire, et tu dois absolument garder ça pour toi, mais... – il se penche pour rentrer dans la confidence – Je crois avoir trouver un moyen pour démasquer la justicière mystère.
- Ah ? L'interroge doucement Martin, intrigué, en lui tendant un croissant.
- Ouais ! Répond Maurice en enfournant un morceau de sa viennoiserie dans la bouche. Hmm ! Chuper bon, merchi !
- Alors ?! s’impatiente Martin.
- Ouais, je disais… reprend Maurice après avoir dégluti. On va lui tendre un piège !!
- Un piège ?? S'inquiète subitement Martin.
- Oui, exactement : un piège ! Et je t’offre l’exclusivité du scoop, si tu veux, même !
- Ah ! C’est gentil. Mais... euh... Qu’est-ce que tu entends par “piège” ?
- Eh bien, c’est très simple, reprend-il en se frottant les mains pour retirer les miettes collées à ses doigts avant de boire une gorgée de son café. On va organiser un faux braquage de bijouterie, avec des flics infiltrés à la place des cambrioleurs, et on va la prendre en tenaille. Il y aura des patrouilles partout, des flics en faction à chaque coin de rue. On a même eu l’autorisation de positionner des équipes sur les toits de la ville ! Et au pire, les faux braqueurs pourront l’interpeler si besoin. Elle n’pourra pas nous échapper, j’te dis !
- Ah... soupire Martin.
- Quoi ? Tu penses que ça n’va pas marcher ?? S'indigne Maurice, légèrement vexé par le manque d’exaltation du jeune homme.
- Hein ?! Ah si si ! Si, c’est un super plan, j’avoue !
- HA ! J’te l’fais pas dire ! Une idée de génie, même !!
- Mais euh... Tu sais qu’elle est douée, niveau discrétion, et euh... Ça ne serait pas la première fois qu’elle vous glisse entre les doigts...
- Mais cette fois, elle n’aura nulle part où se volatiliser ! On va quadriller toute la ville, du sol au plafond ! Aucune échappatoire ! Nada ! Un véritable coup de filet !!
- Oui... Oui, je vois, répond Martin en se passant la main dans les cheveux. Effectivement, c’est un plan qui pourrait fonctionner, c’est vrai. Enfin... Espérons-le, hein ! » Feinte-t-il de s’enthousiasmer.
#
C’est une catastrophe !!!
Il faut absolument qu’il prévienne sa justicière préférée ! Mais comment ? Il n’a aucun moyen de la contacter... Habituellement, c’est elle qui le trouve, pas le contraire. Pourtant... Il doit trouver un moyen, n’importe lequel, pour lui raconter ce qui l’attend. Il ne faut pas qu’elle tombe dans ce piège, il le lui a promis, il doit l’aider à ne pas se faire prendre.
En pleine réflexion, Martin tourne en rond dans son appartement, en jouant machinalement avec une balle de tennis. Soudain, en rattrapant la petite boule jaune dans sa paume, il lui vient une idée.
* CATWOMAN *
Alors qu’elle déambule patiemment sur la toiture plate du commissariat, comme chaque nuit de nouvelle lune, à l’affût de la moindre alerte captée grâce à son petit boitier récepteur relié à son oreillette, son œil aguerri est attiré par un objet insolite. Intriguée, elle saute aussitôt sur le toit d’à côté pour se rapprocher, et constate avec stupéfaction qu’il s’agit d’une pelote de laine, accrochée par le bout du fil à l’antenne râteau de l’appartement de Martin MacCulling. Elle décroche un côté de la corde fixée à sa ceinture au bout de laquelle est noué un mousqueton, qu’elle fixe au fil électrique, et se laisse glisser le long du câble comme sur une tyrolienne, jusqu’à atterrir finalement accroupie sur le rebord du balcon du jeune journaliste avec qui elle entretient désormais une relation particulière.
Elle se relève, décroche le mousqueton et le refixe à sa ceinture tressée. Puis elle attrape et détache la petite boule qu’elle reconnait comme étant celle qu’elle lui avait envoyé pour le faire sortir de son véhicule la nuit de leur première rencontre officielle. Et alors qu’elle l’inspecte d’un œil sceptique, Martin ouvre brusquement sa porte-fenêtre.
« - Ah ! Vous voilà ! »
Après un sursaut, elle le fixe avec un air incrédule, avant de lui désigner la balle de tissu.
« - C’est quoi, ça ?
- Le seul moyen que j’ai trouvé pour attirer votre attention, répond-il du tac au tac, les bras tendus entre les deux battants de l’ouverture.
- Vous me piquez mes répliques maintenant ? Lui rétorque-t-elle avec un sourire narquois.
- Écoutez, je n’ai pas le temps de plaisanter. Il fallait que je vous voie d’urgence, et je n’avais pas d’autre signal... C’est tout ce que j’ai trouvé pour que vous fassiez le rapprochement avec moi...
- Pourquoi vouliez-vous me voir ? Le questionne-t-elle alors en reprenant son sérieux face à la mine déconfite de son interlocuteur.
- J’ai une information très importante à vous communiquer.
- Je vous écoute.
- C’est les flics. Ils vont vous tendre un piège.
- HA ! J’aimerais bien voir ça ! ricane-t-elle, sûre d’elle.
- Je n’rigole pas ! Je vous jure que c’est vrai ! S'exclame-t-il. C’est ma source au commico qui me l’a dit !
- La jeune stagiaire, je suppose ?
- Q-Quoi ?! Comment... ? balbutie Martin, avant de se reprendre. Bref ! Non, c’est pas elle. C’est mon autre indic’, plus haut placé.
- Et ?
- Ils veulent vous attraper en vous attirant dans un guet-apens ! Ils vont vous faire croire à un faux cambriolage de bijouterie opéré par des flics déguisés, et ils vous attendront, avec des dizaines d’équipes tapis dans chaque recoin autour de l’adresse, prêts à vous sauter dessus. Il y en aura même sur les toits ! Un traquenard, j’vous dis ! Vous n’pourrez pas leur échapper, ils seront partout !
- Pfff ! C'est ce qu’on verra !
- Je vous en prie, écoutez-moi ! Ce n’est pas un jeu, là ! Si vous y allez... Vous ne vous en sortirez pas. »
Le journaliste semble très sérieux, voire paniqué.
« - Nous avons un deal, continue-t-il. Vous vous souvenez ? - Elle acquiesce légèrement d’un hochement de tête. - Et bien, voici une seconde part de mon marché. Je vous en conjure, n’y allez pas. Vous allez vous faire prendre. Et je ne pourrai rien faire pour vous aider cette fois... »
Un silence étrange s’installe entre eux pendant qu’elle réfléchit quelques instants, sondant la véracité de ses propos, encore peu convaincue et sur la défensive. Après tout, c’est un journaliste, il a l’habitude de déformer la réalité... Mais lorsqu’elle plonge ses yeux dans les siens, elle y décèle alors distinctement une réelle sincérité. Il la fixe intensément, le regard suppliant.
Elle fronce les sourcils, penche légèrement la tête de côté, scrutant toujours son visage, avant de lui souffler :
« - Bien. Merci. »
Et subitement, elle lui lance la pelote de laine. Le temps qu’il la rattrape tant bien que mal, elle a déjà disparu.
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