Chapitre 22 - Analyse d'un Fiasco
* EMILIE *
Elle lui doit encore une fois une énorme chandelle ! Il lui a évité un sacré coup de filet. Sans lui, sa complice serait tombée dans le piège, et serait probablement sous les verrous à l’heure qu’il est.
Après avoir refermé rapidement son cardigan, elle se précipite à la rencontre de Martin près de sa Polo, essoufflée.
« - Pfffiou… Mais qu’est-ce qu’il se passe ici ?
- Ah, tiens ! Bonsoir Mademoiselle Emilie. Qu’est-ce que vous faites là ?
- C’est quoi tout ce remue-ménage ? Y’a réunion Tupperware de la police ou quoi ? Ça grouille de flics dans tout le quartier !
- Il s’passe qu’ils ont essayé de tendre un piège à la justicière de la nuit, mais à priori, c’est eux qui se sont fait prendre ! ricane Martin.
- Ah oui ?
- Oui ! Tenez, voyez par vous-même !! » lui indique-t-il hilare, en désignant la ruelle, avant de la précéder avec sa lampe torche.
Emilie suit le jeune journaliste jusqu’à la scène plutôt amusante au milieu de l’impasse. Lorsqu’ils arrivent près d’eux, un des policiers réussit à relancer l’éclairage municipal, et Emilie peut ainsi aisément observer les trois flics saucissonnés et toujours affublés de leur pancarte, qui se débattent avec leur lien en ronchonnant pendant qu’un de leur collègue tente tant bien que mal de les libérer en coupant la corde avec un tout petit couteau suisse.
« - Ah oui, quand même ! s’exclame Emilie en se cachant la bouche pour glousser.
- Ha ha ! Plutôt sympa comme accueil, n’est-ce pas ? se moque Martin.
- En effet ! Apparemment, elle ne s’est pas laissé berner !
- Non ! C’est le moins qu’on puisse dire !! Ha ha ! »
Tous deux pouffent de rire, vexant les trois policiers enfin libres qui se relèvent en leur lançant des regards noirs. Tentant vainement de cacher leur hilarité, les deux reporters leur tournent précipitamment le dos et retournent vers le véhicule de Martin, avant que celui-ci ne se retourne vers sa collaboratrice en essuyant une larme au coin de l’œil.
« - Vous allez raconter cette mésaventure dans votre journal, n’est-ce pas ? demande Emilie au jeune homme.
- Ah ça ! Je n’vais pas les louper, c’est clair !! ricane Martin en croisant les bras et s’adossant à sa voiture, fier de lui. Pas vous ?
- Non, et vous devriez d’ailleurs faire attention, ajoute Emilie, un petit sourire joyeux encore vissé aux lèvres.
- Pourquoi ça ??
- Un article dénigrant le travail de Maurice ne devrait pas vraiment lui plaire.
- C’n’est pas faux… Mais c’est tellement drôle !
- Oui, mais cela pourrait le mettre dans une situation délicate vis-à-vis de ses supérieurs.
- Pourquoi ??
- Eh bien… Votre présence ici pourrait induire une fuite d’informations concernant l’opération… Et il pourrait en être inquiété.
- Pfff n’importe quoi ! minimise Martin.
- Je vous rappelle qu’aucun journaliste n’était supposé savoir pour ce coup de filet. A moins d’en avoir été informé par quelqu’un… Une personne proche de l’enquête, par exemple… Vous voyez ce que je veux dire ?
- Arf… Oui… C’est vrai… soupire Martin, soudain un peu penaud, en se frottant le menton.
- Et je ne pense pas que vous ayez envie de perdre votre source au commissariat, je me trompe ?
- J’avoue… Vous non plus, je suppose…
- En effet, oui…
- A ce propos, se reprend Martin. Vous aussi, c’est Maurice qui vous a mis sur le coup ?
- Comment ça ?
- Sinon comment avez-vous su que les flics seraient là ?
Eh merde… La question qui fâche… Fallait s’en douter.
- Heum… Non ce n’est pas Maurice qui m’a mise sur le coup, non… balbutie-t-elle, troublée et cherchant une excuse valable.
- Alors que faites-vous là ?
- Eh bien… Je… En fait, j’ai entendu les sirènes des patrouilles de police et euh… je les ai suivis du coup…
- Vous avez entendu des sirènes de police ?? Étonnant…
- Pourquoi ça ? Vu le nombre de flics ici… Ça n’a rien d’étonnant au contraire !
- Sauf que personne n’a mis les sirènes en route, mademoiselle Emilie, rétorque Martin, le regard suspicieux. Ils devaient rester discrets, justement.
- Même lorsqu’ils ont retrouvé leurs collègues dans l’impasse ?? Il me semblait que…
- Même pas, non, s’empresse de répondre Martin en fronçant les sourcils cette fois. Emilie… Que faites-vous ici exactement ?
- Je… heum… bégaye-t-elle, le regard fuyant.
Vite, une excuse, viiite !!
- Bon, d’accord… soupire-t-elle finalement. En fait… Je… Je vous ai suivi vous, voilà… »
Elle rougit légèrement en fixant le sol d’un air penaud, alors que Martin écarquille les yeux avant d’esquisser un sourire enjôleur, voire orgueilleux, visiblement flatté par sa confession.
« - Alors comme ça, on me suit ? Intéressant… Petit coquine…
- Oui ! Bon ! Ne vous méprenez pas, hein ! Je vous ai vu dans votre voiture alors je vous ai suivi parce que je me doutais que si vous étiez là, c’était pour une bonne raison ! Je voulais être sur le coup, moi aussi…
- Oui, bien sûr ! la taquine Martin, le visage de plus en plus mielleux. Le travail, et uniquement le travail, n’est-ce pas ?
- Voilà ! Exactement !
- Vous savez, Emilie, reprend-il doucement après un bref instant de réflexion, en se rapprochant d’elle. Au lieu de jouer les espionnes dans votre coin, vous pouviez tout simplement me demander.
- Vous demandez quoi ??
- Eh bien, de venir planquer avec moi ! Après tout, vous seriez plus à l’abri dans ma Polo que toute seule dehors, non ? Et en meilleure compagnie qui plus est… »
Son regard est sans équivoque, et il se rapproche dangereusement de son visage. Mais Emilie peine à réagir comme il se doit. Elle reste prostrée, à attendre qu’il se rapproche encore. Et encore. Et…
« - HUM ! toussote-t-elle finalement. Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée, au contraire… Je, euh… Je préfère enquêter en solo de toute manière. Bien ! Bon, et bien… Bonne soirée ! »
Et la voilà qui file à l’anglaise. Se hâtant de mettre une distance convenable entre elle et le beau Martin, les mains dans les poches de son cardigan et la tête basse, elle sent toutefois le regard intense du jeune homme la suivre jusqu’à ce qu’elle tourne au coin de la rue. Et bizarrement, savoir que ses yeux ont probablement dérivés vers son arrière-train lui fait de l’effet…
* MAURICE *
Il est fou de rage.
Cette opération est un véritable fiasco ! Tout à capoter, alors que cela aurait dû me permettre de l’attraper enfin, cette bourrique de justicière à la noix !
Il ne comprend pas comment elle bien pu réussir à se jouer d’eux ainsi, encore une fois. Son plan était pourtant parfait, tout était en place pour qu’elle ne puisse pas leur échapper. Et pourtant… Elle savait qu’ils étaient là, et il sait que c’est elle qui a coupé la lumière du quartier pour les avoir à leur propre jeu…
Mais comment a-t-elle su ?? Aurait-elle été informé ? Pourtant on est resté discret sur l’organisation… Y aurait-il une taupe dans mes effectifs ? Non, impossible… Ils sont tous autant que moi sur les dents, et ils veulent tous chopper cette satanée semeuse de trouble qui nous ridiculise sans cesse.
Si la fuite ne vient pas de son commissariat, c’est qu’elle vient de l’extérieur, forcément. Et le seul qui soit au courant en dehors de ses murs, c’est… Martin ?!
Mais oui ! Martin, putain !! Le salaud !! J’aurais dû m’en douter ! Je savais bien que je n’aurais jamais dû faire confiance à un journaliste comme lui ! Après tout, il a écrit un article sur elle en lui demandant de venir à lui. Peut-être qu’il a réussi à entrer en contact avec elle finalement, et peut-être même qu’il la couvre du coup !
Il faut qu’il le fasse parler. Car, il en est désormais certain, il n’y a que Martin qui peut avoir cracher le morceau auprès d’elle.
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