Chapitre 23 - Soupçons
* MARTIN *
Accoudé au café Bernard devant son café, comme tous les matins, Martin se remémore les évènements de la veille, un petit rictus d’amusement au coin des lèvres. N’empêche… Elle les a bien eus, ma fougueuse Catwoman !
Rapidement, ses pensées bifurquent sur la belle Emilie. Cette créature mystérieuse, elle aussi, qui semble sous son charme… Quand il s’est retourné vers elle dans la rue, il a encore cru déceler dans son regard cette lueur scintillante à la lumière de sa lampe torche, la même que lors de la soirée de gala au Grand Palais… Ces yeux d’un noir intense… Encore une illusion d’optique certainement. En tout cas, il n’a pas compris pourquoi elle a refusé son offre cela dit, alors qu’elle a quasiment avoué le traquer en catimini.
Elle serait bien plus à l’abri dans sa vieille Polo plutôt qu’à trainer les rues qui plus est… Et ce serait également plus sécurisant pour elle. On ne sait jamais ce qui pourrait arriver à une jeune femme seule dans la nuit, et il s’en voudrait qu’elle se fasse agresser en essayant simplement de le pourchasser telle une groupie. L’idée même lui donne la nausée. Imaginer ces cons de banlieusards shootés qui viendraient l’emmerder, la taquiner, la bousculer, la toucher… et peut-être même la violer, qui sait ! Avec leurs mains crasseuses cherchant à se faufiler sous ses vêtements sans autorisation, leurs regards goguenards et dépourvu d’intelligence qui la déshabillent sans vergogne, leurs bouches aux dents jaunis par la drogue qui dévorent avec voracité sa peau qui semble si lisse et délicate, pendant qu’elle se débat pour sauver sa vie… Tout cela le met dans une rage folle.
Pourquoi ? Il n’en sait rien. Après tout, ça ne serait pas mon problème ! Mais d’un autre côté…
Non, décidément, il ne peut pas la laisser seule et sans défense dehors en pleine nuit, avec ces horribles rodeurs qui sévissent dans les rues de la ville ces derniers temps. Il doit insister. Même s’il la saurait tout de même sous bonne garde avec sa sublime Catwoman dans les parages.
Il décide donc de lui laisser un petit mot pour renouveler son invitation et lui proposer une planque ensemble la semaine prochaine, nuit de pleine lune.
Alors qu’il confie son papier au grand bonhomme trapu et barbu qui opère derrière le comptoir, seul lien neutre et sans risque entre lui et Emilie, Maurice entre comme un fou dans le café et l’interpelle vivement.
« - MARTIN !!! beugle-t-il.
- Ah ! sursaute l’intéressé. Salut Mau…
- Tu es un sacré connard, toi ! le coupe-t-il en pointant sur lui un index menaçant, hors de lui.
- Pardon ?!
- J’te confie des infos sur une opération importante et top secrète, et toi tu divulgues tout à ta petite protégée d’mes-deux !
- Hein ?! Mais de quoi tu m’parles ! J’comprends rien à c’que tu m’racontes, là, sérieux !
- Joue pas l’innocent, MacCulling ! Je sais qu’c’est toi qui cafte tout à la justicière ! J’te faisais confiance, et toi, t’as tout fait foirer exprès, p’tit con !!
- Mais c’est faux, voyons !! Et comment voudrais-tu que je le lui dise, d’abord ?
- Bah depuis que t’as écrit ton article sur elle, vous devez être en contact, non ?
- Pas du tout !!
- Arrêtes ton char ! J’suis sûr qu’tu la vois en cachette !!
- Mais puisque j’te dis que non !! Je l’ai effectivement invité à me rencontrer dans mon article, et je l’ai attendu, mais elle n’est jamais venue.
- Menteur !!! s’agace Maurice, de plus en plus rouge de colère.
- Bon… Écoutes. Calme-toi, tempère Martin tant bien que mal. Viens, on va discuter tranquillement dehors, parce que là…
- J’ai pas envie de discuter ! Je veux savoir tout ce que tu sais sur elle ! Absolument tout, tu m’entends ?
- OK ! Très bien ! Tu veux savoir ce que je sais d’elle ? Pas de soucis. Viens avec moi, je vais t’montrer. »
#
Et Martin emmène Maurice jusqu’à son appartement. Une fois à l’intérieur, il lui propose de s’assoir sur son lit et sort son panneau en liège sur lequel il regroupe toutes ses investigations – celui-là même qu’il a également montré à Emilie – et le tend à l’officier. Maurice fronce les sourcils et inspecte chaque détail avec attention, en lissant au passage sa moustache.
Après quelques minutes d’intense réflexion pendant lesquelles Martin retient sa respiration, Maurice pose finalement le panneau sur la petite table basse, et se redresse en soupirant.
« - Alors ? demande Martin, légèrement tendu.
- Bon… OK, j’avoue : Tu n’as pas beaucoup plus de renseignements que moi… Tu es sûr que tu ne l’as jamais rencontré, hein ? Tu n’connais pas son identité ? Pas même un soupçon ?
- Non, rien de rien. Je cherche encore, mais elle est maline et ne laisse aucun indice derrière elle. J’essaie de dénicher son repère, mais là aussi je sèche. Mes recoupements ne mènent à rien… Tu le vois bien sur mon tableau, non ?
- Hmm…
- Tu m’crois maintenant quand j’te dis que je n’ai rien à voir avec ce qu’il s’est passé hier soir ?
- OK… C’est bon, j’te crois.
- Ah ! Quand même ! »
Maurice soupire, un peu confus.
« - Avoue que ça pouvait paraitre suspect, non ? Tu es le seul à avoir été mis au courant pour l’opération « Chat sauvage » en dehors du commico. Donc si c’est pas toi qui l’a prévenu… Qui d’autre ?
- Je n’sais pas… Mais effectivement, c’est louche… »
L’espace d’un instant, Martin envisage de le lancer sur la piste d’Emilie, elle aussi présente ce soir-là, mais il se ravise aussitôt, se disant que ce serait vraiment cruel de sa part de la trahir ainsi. En plus, ça ne l’aiderait pas à se la mettre dans la poche !
« - Enfin bref… reprend-il alors gaiement. Tu veux boire quelque chose ?
- Non merci, je prends mon service dans même pas dix minutes. D’ailleurs, je dois y aller, répond Maurice en se relevant.
- Ah… OK…
- Merci de m’avoir montré tes recherches.
- C’est normal. Tu me rancardes, et je te file un coup de main sur l’enquête en retour. C’est donnant donnant.
- Hm… »
* MAURICE *
Il doit bien admettre que Martin n’a rien de plus que lui au sujet de la justicière de la nuit. Les informations qu’il a découvert sur son panneau en liège sont les mêmes qu’il possède également. Il n’est donc probablement pour rien dans la fuite de l’opération d’hier soir.
Mais si ce n’est pas lui… Qui est-ce ?
Toutes à ses pensées, et alors qu’il se dirigeait vers la sortie, son regard est attiré par un objet étrange, qui n’a apparemment rien à faire dans le petit logement du journaliste. Posée sur la petite table de chevet, il distingue une sorte de boule de laine de couleur rouge, dont les fils sont si serrés qu’ils forment une masse bien compacte.
Une pelote de laine ?? Mais… Martin n’a pas d’animaux pourtant…
Intrigué, il fixe la balle quelques instants en fronçant les sourcils.
« - BON ! s’exclame Martin en le faisant sursauter. Eh bien, je n’te retiens pas plus longtemps ! Je n’voudrais pas te mettre en retard. A plus tard alors ? »
Et le jeune homme le pousse gentiment vers la porte d’entrée. Avant qu’il ne referme le battant, Maurice laisse une dernière fois fureter son regard dans l’unique pièce, afin d’être certain qu’aucun animal domestique ne cohabite avec lui dans l’appartement.
Annotations
Versions