Chapitre 26 - Rendez-Vous Secret

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* MAURICE *

Après un détour à la boulangerie du coin ce matin-là, dans une rue parallèle au commissariat, Maurice se dirige vers le café Bernard, dans lequel il a rendez-vous avec Emilie pour lui communiquer les dernières avancées de l’enquête au sujet de la justicière nocturne. Il ne sait pas trop ce qu’il va bien pouvoir lui dire d’ailleurs… Il ne peut quand même pas lui raconter son opération coup de filet désastreuse, sans quoi elle va se moquer de lui et probablement tout dévoiler dans son prochain article. La honte pour les forces de l’ordre ! Déjà qu’il a eu la magnifique idée de convier ce fouineur de Martin ce soir-là, et qu’il sait très bien qu’il va lui aussi s’empresser de les ridiculiser dans son journal…

Tout à ses pensées, Maurice relève la tête, le regard dans le vide. C’est alors qu’il aperçoit Emilie, quelques mètres plus loin, sortir d’un immeuble qui n’est pas le sien. Tiens… Que fabrique-t-elle dans ce quartier ? Un rendez-vous galant peut-être ? Momo, tu es trop indiscret voyons ! Laisse-la vivre, la p’tite ! Après tout, elle est majeure !

Elle descend les deux marches du perron et se retourne, attendant visiblement quelqu’un, qui apparait alors sur le pas de la porte et n’est autre que… Martin ?!

Maurice se fige sur place, stupéfait. Aussitôt, son instinct d’enquêteur prend le dessus, et il se faufile derrière un arbre, à sa droite, pour mieux les observer en catimini. Ils semblent plutôt bien s’entendre. Lui qui pensait qu’Emilie ne pouvait pas le sentir, leur relation semble au contraire plutôt amicale. Ils échangent tous deux quelques mots puis se séparent, Emilie prenant la direction du café Bernard, et Martin traversant la route en trottinant pour s’engouffrer rapidement dans la boulangerie que Maurice vient de quitter, un sachet de croissants frais à la main.

Que faisaient-ils ensemble dans cet immeuble ? Martin aurait-il suivi ses conseils et tenter sa chance avec sa petite protégée ? A-t-il réussi à conclure ??

Mais Maurice doute en se remémorant leurs derniers instants sur le trottoir. Il n’y a pas eu de baiser, il est donc fort probable qu’il ne se soit rien passé entre eux. A moins qu’ils ne veuillent pas que leur relation ne s’ébruite ?

Il va devoir enquêter auprès d’Emilie, pour en avoir le cœur net.


#

Il a attendu quelques minutes avant de reprendre son chemin vers le café, pour ne pas paraitre suspect en arrivant en même temps qu’Emilie, lui laissant ainsi une petite longueur d’avance.

Lorsqu’il entre dans l’établissement, elle est déjà attablée à sa place habituelle, et Jean-Hugues est en train de lui apporter son traditionnel thé du matin. Il s’approche pour la rejoindre. Arrivé à sa hauteur et lorsqu’elle s’aperçoit de sa présence, elle se lève aussitôt pour l’embrasser.

« - Ah ! Salut Maurice. Ça va ?

- Salut bichette. Oui, ça va et toi ? – Jean-Hugues, un café serré s’il-te-plait.

- Oui, très bien merci ! lui répond Emilie d’un air enjoué.

Tu m’étonnes !

- Tiens, je t’ai pris des croissants pour le p’tit déj’.

- Aaah ! C’est adorable, merci Momo ! s’exclame-t-elle en glissant sa main dans le sachet. J’t’adore toi, tu sais ! J’ai une faim de loup, en plus !!

- Nuit agitée ? demande Maurice, l’air de rien, en prenant à son tour une viennoiserie.

- Un peu courte, je dois avouer » lui répond Emilie avec un petit sourire en coin.

Tous deux avalent quelques bouchées de leur repas tranquillement, quand Emilie s’exclame soudain :

« - Ah ! Tiens, au fait… – elle se penche et sort une revue de son sac à main – C’est le Quotidien du Peuple de ce matin. Pas mal, cette opération, dis-moi !

- Hmpff… grogne Maurice. Oui, bon…

Merde, elle a quand même eu le temps de l’acheter avant d’arriver au café…

- Racontes ! s’enquiert-elle en se léchant les doigts.

- Y’a pas grand-chose à dire, tout est déjà dans son article je suppose…

- C’est quand même fou qu’elle vous ait encore échappée !

- Mouais…

- Et MacCulling qui vous enfonce… C’est pas très fair-play de sa part, tout de même.

- Ah ça ! J’te l’confirme ! D’ailleurs, quand je le choperai celui-là… se renfrogne Maurice.

- Je l’avais pourtant prévenu ! Je lui avais dit de ne pas écrire à ce sujet, et que ça te fâcherait. Il pourrait avoir un minimum de respect pour ses sources, quand même… On ne ridiculise pas un indic’ comme ça, ça se fait pas…

- Du Martin tout craché… »

Tous deux se replongent dans leurs boissons respectives, le regard dans le vide.

Mais… Attends un peu…

« - Dis-moi, Emy… tilte soudain Maurice. Comment sais-tu que je suis l’indic’ de Martin, d’abord ?? »

Emilie se fige subitement, sa tasse à ses lèvres, et blêmit à vue d’œil. Visiblement prise en flagrant délit, elle prend son temps pour boire sa gorgée, avant de reposer son récipient.

« - Eh bien…, répond-elle enfin. Je suppose que s’il était sur le coup, c’est que quelqu’un lui avait indiqué où et quand se déroulerait l’opération… Et comme c’est toi qui avais organisé… J’ai supposé que… ‘Fin je m’suis peut-être trompée, hein ! Dis-moi si c’est pas toi. Non parce que je n’veux pas t’attirer d’ennuis ou autre… C’était juste une supposition… bredouille-t-elle.

- Emilie… s’agace Maurice en la fusillant des yeux. Tu n’sais pas me mentir.

- Bon… OK, finit-elle par admettre en soufflant face au regard inquisiteur de l’officier, visiblement peu convaincu par ses explications bancales. Décidément, je ne peux rien te cacher à toi… Très bien ! J’avoue tout, m’sieur l’agent : Je vous ai vu ensemble l’autre jour, en sortant du café. Voilà. Ça te va ? Et vu les infos qu’il possède, j’en ai donc conclu que c’était toi sa source au commissariat.

- C’est tout ?

- Bah… Oui… Pourquoi ? Mon réquisitoire ne te semble pas plausible ?? C’est pourtant vrai, je t’assure !

- OK, je vais être plus direct alors, renchérit Maurice d’un air sévère. Emilie, est-ce qu’il y a quelque chose entre toi et Martin ?

- Quoi ?! Mais ça va pas !! Un vantard comme lui ?! Jamais d’la vie, voyons ! s’insurge-t-elle en rougissant néanmoins.

- Alors que faisais-tu chez lui ce matin ? »

Interloquée par cette constatation, Emilie en reste bouche bée. Il a fait mouche. Mais il lui laisse cependant le temps de reprendre ses esprits, attendant de voir quel argument elle va bien pouvoir lui sortir.

« - C-Comment… commence-t-elle, hésitante. Comment sais-tu ?

- Je t’ai vu sortir du bâtiment.

- Et comment sais-tu que c’est là qu’il habite, toi aussi ?!

- J’y suis allé. Une fois. Pour faire le point sur ses investigations. Et toi ? Qu’est-ce que tu y faisais ?

- Je… Nous avions rendez-vous. Pour le boulot.

- Pour le boulot ?!

- Oui…

- Tu veux me faire croire que deux reporters de deux revues concurrentes et totalement différentes travaillent ensemble ??

- Eh bien oui… C’est le cas.

- Arrêtes de te foutre de moi, Emilie !

- Je t’assure que c’est vrai ! se défend-elle, soudain prise de panique.

Mais bien sûr ! Prends-moi pour une bille en plus ! Qu’est-ce que tu caches, ma petit Emy ?

- Et sur quoi vous travaillez tous les deux, dis-moi ? Les langues peut-être ??

- Sur… commence-telle avant de s’arrêter brusquement en scrutant les alentours, puis de reprendre à voix basse. Sur la justicière de la nuit.

- Quoi ?

- Je te le jure ! Il voulait qu’on regroupe nos informations pour essayer de découvrir son identité ! - Ah bah tiens ! Tu n’as qu’à le lui demander, puisque tu n’me crois pas ! » ajoute-t-elle d’un ton cassant en désignant la porte d’entrée derrière lui.

Maurice se retourne pour se retrouver nez à nez avec Martin, un sac de viennoiseries dans les mains.

« - Ah salut Maurice ! Ça va ? lui lance celui-ci gaiement. Ah merde, je vois que vous avez déjà pris votre p’tit déj’ ! J’arrive trop tard visiblement !

- Vous tombez à pique, au contraire ! lui lance Emilie en croisant les bras. Figurez-vous que Maurice, ici présent, ne me crois pas quand je lui dis que nous travaillons ensemble. Dites-lui, vous !

- Ah… lâche Martin, un petit sourire narquois se dessinant doucement au coin de ses lèvres. Eh bien, oui, en effet, nous travaillons ensemble. Et plus si…

- Martin !! proteste Emilie. C’est faux, Maurice ! clame-t-elle d’un air affolé. Je t’assure que c’est faux ! On ne fait que travailler !

- Mais elle aimerait bien plus ! ricane Martin, qui semble clairement amusé par ce petit jeu.

- N’importe quoi !!!

- Ça n’est pas ce que vous disiez devant ma mère, pourtant !

- Hein ?! Quel toupet celui-là !!!

- OK, STOP !!!! aboie Maurice, les mains levées en signe de protestation. Taisez-vous, tous les deux ! Arrêtez vos enfantillages ridicules. Vous êtes tous deux majeurs et vaccinés, après tout. Vous faites ce que vous voulez, je m’en tape. Par contre, j’aime pas trop que mes infos circulent entre vous comme ça ! J’suis pas trop pour les confidences sur l’oreiller, c’est clair ?

- Sur l’oreiller ?! s’indigne Emilie. Mais puisque je te dis qu’il ne se passe rien du tout entre lui et moi !!

- Je m’en cogne, Emy ! Je vous demande juste de ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle. C’est possible pour vous, ou pas ?

- OK, intervient Martin. On fera attention… On ne fera que des galipettes désormais, promis !

- Raaaah ! grogne Emilie, levant les yeux au ciel d’agacement. Quel prétentieux…

- Ça vous plait ? lui demande aussitôt Martin, le regard mielleux.

- Ooh et puis merde !!

- Vous êtes vexée parce que je n’vous ai pas encore mise dans mon lit, c’est ça ?

- Vous faites le malin, là, s’exclame Emilie en se levant d’un bond pour pointer son index sur sa poitrine. Mais quand vous avez eu l’occasion de m’embrasser, vous avez détalé comme un lapin, la queue entre les jambes ! Alors ne jouez pas à ça avec moi, MacCulling. »

Martin écarquille les yeux et se crispe aussitôt, ses deux fossettes se creusant de plus bel. Maurice se fige lui aussi, stupéfait, et son regard suit une Emilie furibonde, qui s’excuse alors auprès de lui avant de prendre congés. Après quelques secondes d’incompréhension, Maurice reprend ses esprits et se retourne vers un Martin prostré, les yeux fixés sur la porte par laquelle la belle Emilie vient de s’enfuir après avoir lâcher une bombe.

« - Tu m’expliques ? lui demande-t-il, le sortant visiblement de sa torpeur.

- T’expliquer quoi ?

- C’est vrai ce qu’elle dit ? Tu n’as pas essayé de l’embrasser quand l’occasion s’est présentée ? Tu joues le mec sensible et respectueux toi maintenant ??

- C’est pas la question… J’ai pas voulu la braquer, c’est tout… bougonne Martin.

- Mais bien sûr ! Depuis quand tu te soucis des sentiments de tes conquêtes, toi, d’abord ? C’est quoi le problème avec Emilie ? Je n’te reconnais plus quand il s’agit d’elle…

- Mais rien !!! s’énerve-t-il d’un coup. Y’a rien justement ! Il se passe rien, elle te l’a dit ! Voilà ! C’est tout ! Point barre ! Y’a rien à ajouter… Allez, à plus. »

Sur ce, Martin attrape à la volée le sac de croissants frais encore plein et s’éloigne rapidement pour s’installer seul au comptoir, à l’autre bout du bistrot.

« - C’est bien ça qui m’inquiète… » souffle Maurice pour lui-même.

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