Londres, City, avril 2024

Viviane Leroux faisait les cent pas dans sa chambre d'hôtel, jetant de temps en temps un œil sur le paysage urbain de la City. La nuit était tombée, elle était plongée dans une profonde réflexion, les lumières de Londres semblaient incapables d'éclairer les sombres pensées qui assaillaient son esprit.

Fille d'un petit entrepreneur parisien ayant fait fortune, elle avait hérité de l’entreprise, la transformant au fil des ans en un groupe financier de premier plan. Grâce à son talent ou à son cynisme, cela dépendait des observateurs. Elle sourit. — L’un n’empêchait pas l’autre…

Elle repassait dans sa tête les tensions et conflits internationaux du moment et les événements récents en France. Entre deux accalmies, le désordre allait croissant, alimentant la radicalisation des extrêmes. Et par ricochet, la stabilité de l’économie française pouvait s’en trouver menacée, c’était sa plus grande crainte depuis quelques mois.

Son smartphone vibra. Un SMS de Gérard Delcroix. "Opération réussie. Merci." Un code convenu pour confirmer le financement qu'elle avait discrètement orchestré, soutenant les partis politiques qui maintenaient le statu quo. Elle se revoyait dix ans plus tôt : une rencontre décisive avec Delcroix dans un salon discret de l'Assemblée Nationale, scellant leur pacte d'influence et de pouvoir. Viviane sourit à nouveau, elle avait facilement appris à naviguer dans ces eaux troubles et parfois tumultueuses, mais son expression se durcit rapidement. Delcroix était un allié, mais elle savait de longue date qu’à ce niveau, la confiance était un luxe qu'elle ne pouvait se permettre.

Elle repensa à la France, son pays, à la croisée des chemins. Après les propositions délirantes de LFI, des écologistes et du RN, voilà que la réforme démocratique proposée par Vautier menaçait à sont tour de bousculer ce qu'elle avait construit : son groupe financier, son influence, son mode de vie. La stabilité du pays ne pouvait être sacrifiée sur l'autel des utopies. Elle était prête à utiliser les ressources à sa disposition pour étouffer dans l’œuf le mouvement naissant. — La fin justifiera les moyens, murmura-t-elle, alors que le phare rouge placé au sommet du Gherkin - la tour que les Français appelait le « suppo » - venait de s’allumer.