Dans les profondeurs de ce cauchemar
Entre chacune de ses dents, je m'enlace et lui me dévore le corps. Déchiquetant l’âme et tout ce qu’il y a dedans. Se délectant de mes larmes, et tout ce qu’elles engendrent en sortant. Il est là. Ce monstre. Cette bête. À me narguer, à me faire sentir si petit, si inoffensif. Pourtant, je crie et me débats plus fort que lui. Je pleure et me désole, plus intensément que la manière dont il a de me moquer. En me traînant sur ce sol noirâtre. Il est moche, ce monstre. Celui que j’invoque par plaisir, au malheur de mes désirs, je souhaite n’avoir vu qu’un simple monstre fantastique. Mais celui-là. Il est une abomination qui jamais ne doit sortir de ma tête. Personne ne doit le voir. Car il est un humain aux attributs d’insecte et de mammifère. Il est un serpent ténébreux aux centaines de pattes velues. Une tarentule veineuse et visqueuse. Un scorpion à la pique en forme d’étoile, dans une caverne ensoleillée par le sang de mon malheur. Ce sang qui gicle au travers de mes yeux, pendant que mon torse embrasse ce sol humide. Là où mes larmes diluent la bave du monstre, ma carapace s’effrite comme on allume une allumette. Mes membres s’agitent dans tous les sens. Et se plient brusquement tel un patin à qui on fait arrêter le spectacle. Et plus je tourne la tête, plus je vois au travers d’un filtre rouge, les rouages macabres de mon esprit. Alors c’est cela, le mal, dis-je en voyant mes membres voltiger. Une chimère faite d’une tête de sangsue, mes mains volantes. D’un bout de scorpion, mes jambes s’extirpant de son bassin. D’une queue de serpent, mes bras s’envolant loin de la grotte, devant l’espoir. De dizaines de pattes d’araignée poilue et robuste, jusqu’à sa plus grande hauteur entourée de milliers de pieds de scolopendre, le regard fuyant. Et sa bouche, horrible. Elle est si grande, plus grande que lui. Sa gueule part du haut de son corps jusqu’au bas de son torse. La fin de son orifice, comme mon corps, embrasse le sol. À l’unisson, on bave sur ces pierres, par terre. Entourée d’immenses dents pointues disposées en cercle, partout dans sa gorge. Pour mieux me croquer. Et au milieu, au centre de sa celle-ci, du plus profond de son être. Mes pieds touchent le néant. Car du plus profond de son être, en plus d’incarner la peur, il incarne le vide.
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