Frieda Reiss

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Je rejoins Marcel, Annie, Reiner et Bertolt dans les terres défrichées, où nous vivons depuis la chute du mur parmi les autres réfugiés.

La nuit étant tombée, ils sont tous assis dans un coin du vieux dépôt, où sont réunis tous les rescapés du mur Maria, mangeant leur ration de pain. Je m'installe avec eux, signalant mon retour par cette phrase :

- Bonsoir, comment allez-vous ?

- Bonsoir, Éléonore. Ça va et toi ? répond Marcel.

- Je vais bien, merci, dis-je en prenant le petit pain que me tend Annie.

Je mords dedans et déclare, après avoir avalé ma bouchée :

- J'ai un début de piste pour remonter jusqu'à notre cible.

- Vraiment ? Qu'est-ce que c'est ? demande Bertolt.

Je regarde autour de nous, vérifiant que personne ne nous prête attention, puis chuchote :

- Il semblerait que le véritable dirigeant de ces murs n'est pas celui que nous croyons. Et si c'est bien le cas, alors il n'est pas non plus le détenteur du titan originel.

- Qu'est-ce que cela veut dire ? demande Reiner.

- Je ne sais pas encore, mais je le découvrirai bientôt. Il faut juste que je trouve Frieda Reiss.

- Qui est-ce ?

- Il se pourrait bien qu'elle soit la véritable reine de ces murs. Et si c'est le cas, il y a de fortes chances pour qu'elle soit aussi notre cible.

Les quatre enfants me fixent avec des yeux ronds d'étonnement. Je leur souris :

- Et, oui ! Décidément, ces murs renferment bien plus de mystères qu'on ne le pensait. Quoiqu'il en soit, il se fait tard. Dormons, nous continuerost notre enquête demain.

*

Le lendemain matin, je me rends au marché. C'est souvent dans ce genre d'endroits qu'on peut récolter de très intéressantes petites informations. Je remarque très vite une vendeuse de pommes, qui semble très bavarde. En menant la conversation à mon avantage, comme je sais si bien le faire, je pourrais sans doute obtenir d'elle un tuyau. Je me dirige donc vers son étal et fait mine de m'intéresser à sa marchandise. Après avoir observé les pommes pendant quelques secondes, je m'exclame :

- Elles sont d'une excellente qualité ! Je n'en ai jamais vu d'aussi belles !

- Ah, je vois que madame sait reconnaître les bons produits. Merci bien !

- Je vous en prie ! Donnez-m'en cinq s'il vous plait.

- Tout de suite, madame !

Pendant qu'elle prépare ma commande, j'entame la conversation :

- Dites-moi, ma brave . . .

- Oui, madame ?

- "Reiss", cela vous dit-il quelque chose ?

- Évidemment ! C'est le nom d'une noble famille de propriétaires agricoles.

- Ah, et savez-vous où se trouve leur domaine ? Je dois y trouver quelqu'un.

- Dans l'enceinte du mur Sina, au nord je crois.

- Ah, merci beaucoup ! Vous venez de me rendre un fier service !

- Je vous en prie, madame ! Tenez, voilà vos pommes.

- Merci, dis-je en prenant le sachet qu'elle me tend d'une main et en lui versant l'argent de l'autre.

- Bonne journée, madame, me souhaite-elle avec un hochement de tête.

- Merci, à vous aussi, répondé-je en tournant les talons.

Je ne retourne pas au dépôt, mais me rends directement au champ où je sais que j'y trouverai les enfants qui y travaillent en échange de leur ration de nourriture, comme tous les autres réfugiés.

Ils y sont bien, en train de bêcher , suant à grosses gouttes sous la chaleur du soleil. Je m'approche d'eux et déclare, sur un ton enjoué :

- Je vois que vous travaillez dur ! Cela mérite bien une petite récompense.

Je leur lance à chacun une pomme, qu'ils réceptionnent sans problème. Marcel me dit :

- J'imagine que tu ne reviens pas qu'avec des pommes . . .

- Bingo ! J'ai une nouvelle information : je sais où trouver celle que nous cherchons.

- Où donc ?

- Dans l'enceinte du mur Sina, au nord.

- Les portes sont surveillées par les brigades spéciales, nous rappelle Annie.

- Oui, et c'est pour cela que nous ne passerons pas par la porte.

- Par où, alors ? demande Bertolt.

Je me penche pour leur murmurer :

- Je pense que le titan mâchoire pourra très aisément escalader ce mur grâce à ses griffes, n'est-ce pas Marcel ?

Le jeune brun hoche sa tête de haut en bas.

- Parfait ! C'est notre dernière journée ici, dis-je en attrapant une bêche pour contribuer à leurs efforts. Ce soir, nous pénétrerons dans l'enceinte du mur Sina.

*

J'arrive devant une grande ferme. Sur le panneau en bois de l'entrée se trouve une inscription : "Exploitation agricole Reiss".

J'y suis enfin !

Je poursuis ma route, pénétrant dans la propriété. En longeant la rivière qui la traverse, j'arrive devant un troupeau de chevaux qui broutent tranquillement l'herbe verte. C'est alors que je vois une jolie petite fille descendre la pente qui mène à la rivière, un grand seau en bois dans ses mains.

Elle passe au milieu des chevaux et arrivée au bord de l'eau, s'agenouille pour remplir le récipient du liquide. Une fois le seau plein, elle se relève et remonte la pente, mais en passant derrière l'une des bêtes, cette dernière la fouette accidentellement de sa queue remuante. Cela déstabilise l'enfant qui perd l'équilibre et tombe, roulant tout le long de la pente jusqu'à être arrêtée juste à temps par un petit rocher qui se trouve au bord de l'eau, lui évitant ainsi de chuter dans la rivière. Son seau, qui la suivait dans sa chute, vient lui cogner la tête.

Je me précipite dans sa direction et m'agenouille près d'elle pour la relever. En me voyant, elle a un léger mouvement de recul. Je la rassure aussitôt :

- N'aie pas peur, je ne te veux aucun mal. Est-ce que ça va ? Tu n'es pas blessée ? je m'enquis en prenant son visage entre mes mains, afin de vérifier qu'elle n'y présente aucune blessure.

- Non, ça va, je vous remercie.

- Tu m'en vois ravie ! J'ai vraiment eu peur que tu ne te sois fait mal en voyant ta chute !

Ses grands yeux bleus s'écarquillent d'étonnement :

- Vraiment ? Pourtant, vous ne me connaissez pas, vous n'avez aucune raison de vous inquiéter pour moi.

- C'est vrai, je n'ai aucune raison de m'inquiéter pour toi, mais je n'en ai pas besoin. Des raisons, il n'en faut que pour haïr quelqu'un.

- Alors il y a bien une raison pour laquelle personne ne m'aime, mais qu'est-ce que c'est ? murmure-t-elle tristement en baissant la tête.

- Personne ne t'aime ? Pourquoi dis-tu cela ?

- Tout le monde m'ignore et me rejette. Il n'y a que mes grands-parents qui m'adressent la parole, mais uniquement pour m'apprendre le travail. Seulement, j'ignore ce que j'ai fait pour mériter cela.

- Je suis sûre que tu n'y es pour rien. Tu es trop jeune pour avoir pu faire quelque chose de mal. Quel âge as-tu, d'ailleurs ?

- Huit ans.

- Et quel est ton nom ?

- Historia.

- C'est un très joli prénom !

- Vous trouvez vraiment ?

- Oui, je pense sincèrement ce que je te dis.

Son visage s'illumine. Qu'elle est mignonne !

- Merci, madame ! s'exclame-t-elle. Vous êtes si gentille ! Personne n'a jamais été aussi bon envers moi . . .

- Ne me remercie pas pour une chose aussi ordinaire, ou plutôt qui devrait l'être. Quoiqu'il en soit, j'ai cru comprendre que tu voulais remplir ce seau . . .

- Oui, dit-elle en tendant le bras pour l'attraper.

- Laisse-moi faire, dis-je en m'emparant du récipient avant qu'elle n'ait le temps de l'atteindre.

Je remplis le seau de l'eau de la rivière, puis me relève et tend ma main libre à la petite blonde :

- Viens, montre-moi où je dois mettre ça.

Elle prend ma main et nous remontons la pente ensemble.

Alors que nous marchons ainsi, longeant les prés et les champs, une voix nous interpelle :

- Bonjour !

Nous nous retournons pour voir arriver une jolie jeune fille aux longs cheveux noirs. Elle semble avoir mon âge, mais ce qui me marque le plus, c'est qu'elle a les mêmes yeux que la petite fille que je tiens par la main. Le visage de cette dernière s'illumine d'un grand sourire et elle s'exclame :

- Ah, c'est toi ! Tu es revenue !

- Oui, bien sûr ! Comment vas-tu, ma petite Historia ?

- Je vais très bien, merci ! Et toi ?

- Ça va, merci. Je vois que tu n'es pas seule, aujourd'hui. Qui est cette fille qui t'accompagne ?

- C'est une très gentille dame, exactement comme toi ! Elle m'aide à porter le seau d'eau parce que je suis tombée avec, tout à l'heure.

- Ah, je vois. C'est effectivement très gentil à vous, dit-elle en s'adressant à moi, mais que venez-vous faire ici ?

- Oh, je ne faisais que passer par là et j'ai vu cette petite qui peinait à remplir sa tâche. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui venir en aide.

- Votre bonté est très louable, mademoiselle . . .

- Éléonore. Je m'appelle Éléonore.

- Enchantée, Éléonore ! Vous pouvez laisser ce seau là, c'est l'heure de la lecture pour Historia.

- Oui, je vais chercher mon livre !

La petite fille court en direction des bâtiments de l'exploitation agricole, visibles à l'horizon. La jeune fille aux longs cheveux noirs lui crie :

- Rejoins-nous derrière les meules de foin, nous t'attendons là-bas !

Elle se tourne ensuite vers moi pour me demander :

- Vous disiez que vous ne faites que passer par là, mais quelle est votre destination exacte ?

- Je n'en ai pas vraiment . . .

- D'où venez-vous ?

- Je viens du camp de réfugiés, dans l'enceinte du mur Rose.

- Oh, vous êtes une réfugiée du mur Maria . . . Je comprends mieux : vous n'avez pas de destination exacte car vous êtes à la recherche d'un travail, n'est-ce pas ?

- Oui, je ne connaitrais ma destination exacte qu'une fois que je l'aurai trouvé . . .

- Ne cherchez plus, vous l'avez trouvé : je vous prends à mon service en tant que demoiselle de compagnie, dit-elle en posant ses mains sur mes épaules.

- Oh, mais . . . Qui êtes-vous ?

- Frieda Reiss.

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