La famille des mystères . . .

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Nous arrivons devant la grande et élégante demeure. C'est un manoir construit en pierre, mais ces dernières sont propres et lisses. Certaines ont même été sculptées afin de décorer la façade, surtout pour l'encadrement des fenêtres.

Cette belle demeure est entourée d'un magnifique jardin, orné en son centre d'une fontaine, où poussent des arbres fruitiers et des fleurs de toutes les couleurs. C'est vraiment magnifique !

Frieda pousse la grande porte en bois et m'introduit dans un grand hall d'entrée au sol couvert de dalles blanches et noires, formant un échiquier. Elle déclare alors :

- Bienvenue dans votre nouvelle maison.

- Merci, elle est vraiment magnifique !

- Suivez-moi, dit-elle en se dirigeant vers le grand escalier qui se trouve face à la porte d'entrée. 

Je lui emboite le pas. Nous montons l'escalier et traversons un couloir avant qu'elle ne s'arrête devant une porte. Elle ouvre cette dernière et s'efface pour me laisser passer, en déclarant :

- Voici ma chambre, je vous montrerai la vôtre plus tard. Pour l'instant, j'aimerai discuter avec vous.

J'entre dans la pièce. Au centre se trouve un grand lit à baldaquins, faisant face à une jolie coiffeuse en bois sculpté. Une armoire, une commode et un bureau avec sa confortable chaise viennent compléter le mobilier. Le sol est couvert d'un doux tapis rouge et au plafond pend un lustre en cristal. Le tout est éclairé par une grande fenêtre encadrée de fins rideaux blancs. Quel luxe ! On croirait voir une chambre de princesse . . . 

La jeune fille ferme la porte derrière nous et va s'asseoir sur le lit. Elle tapote doucement le matelas, recouvert de draps blancs, m'invitant à m'asseoir près d'elle. Je la rejoins donc et ce n'est qu'alors qu'elle me dit :

- Éléonore, j'aimerai faire plus ample connaissance avec toi. Oui, je me permets de te tutoyer car j'aimerai que nous devenions amies, j'espère que cela ne te dérange pas.

- Non, absolument pas, mais puis-je savoir pourquoi vous avez accepté si facilement de m'engager et pourquoi vous voulez que nous soyons amies alors que nous ne nous connaissons pas ?

- C'est bien simple : je vois en toi une âme pure. Tu m'as prouvé que tu es une bonne personne, gentille, généreuse et attentionnée. Ce sont des qualités que j'apprécie énormément ! Il est malheureusement si rare de rencontrer de telles personnes alors je ne veux pas laisser échapper cette occasion.

- J'en suis profondément touchée ! 

- À mon tour de te poser une question. Tu disais que tu n'as pas pu t'empêcher de voler au secours d'Historia, mais pourquoi ? Qu'est-ce qui a fait ça ?

- Je pense qu'il est tout à fait naturel de s'entraider entre être humains. Si chacun le faisait, ce monde serait beaucoup moins dur à affronter et beaucoup de souffrances seraient évitées. Malheureusement, ce n'est pas le cas, mais je ne désespère pas. Après tout, il n'est pas interdit de rêver.

- Je vois que nous avons l'exacte même façon de penser. Je suis sûre que nous nous entendrons bien, toutes les deux.

- Je l'espère aussi.

- Quel âge as-tu ?

- Seize ans. 

- Oh, tiens ! Nous avons le même âge !

- Vraiment ? Quelle coïncidence !

- Je ne crois pas aux coïncidences. Rien ne se déroule par hasard et je suis sûre que notre rencontre n'est pas qu'une simple coïncidence. Nous avons été réunies pour une bonne raison.

- Oh, je n'en doute pas . . .

- Alors pourquoi parlais-tu de coïncidence ?

- Simple façon de parler.

- Je vois.

- Frieda, tu vis seule ici ?

- Non, je vis avec ma famille. Il y a mes parents, mes frères et mes soeurs.

- Et la petite Historia ? Qui est-elle pour toi ?

- Pourquoi me demandes-tu cela ?

- Vous semblez bien vous connaitre, j'en déduis que tu viens souvent lui rendre visite. De plus, vous avez les mêmes yeux. Vous vous ressemblez beaucoup, je trouve.

- Je t'expliquerai peut-être cela un jour, si tu me prouves que tu es digne de garder ce secret. En attendant, je te conseille de ne pas t'en mêler, sans quoi tu pourrais t'attirer de graves ennuis. Prends-le comme un conseil amical.

- D'accord.

Cette petite fille de ferme est donc bien plus importante qu'elle n'en a l'air. Décidément, cette petite ile regorge de bien plus de mystères que le grand continent.

Après quelques secondes de silence, Frieda me demande :

- Où est ta famille ? Tu l'as laissée dans le camp ?

- Oui, elle y attend mon retour.

- Tu pourrais l'amener ici. Nous trouverons un travail à tous les membres de ta famille afin que vous puissiez être à nouveau réunis.

- Oui, je les amènerai ici, mais pas aujourd'hui.

- Je comprends, tu as d'abord besoin de t'habituer à ta nouvelle vie. Ce sera une belle vie, tu verras : ton travail n'est pas compliqué, tu seras payée, nourrie et logée dans cette maison et je suis sûre que tu t'entendras très bien avec ma famille.

- Oui, je n'en doute pas.

- En attendant, j'aimerai en savoir plus sur toi, ta vie d'avant et ta famille. 

- Que veux-tu savoir ?

- Tout.

- Ma vie n'a jamais été facile, je devais travailler très dur tous les jours, mais je n'étais pas non plus à plaindre. Je n'ai jamais manqué de rien. J'ai toujours mangé à ma faim, dormi sous un toit et j'ai même reçu une très bonne éducation de la part de mon père. J'ai un frère avec qui je jouais tous les jours et une mère aimante. J'ai même de gentils grands-parents.

- Ah, tu n'as perdu personne lors de la chute du mur ? Tu as beaucoup de chance ! 

- Oui, ils vont tous bien, heureusement, mais il s'en est fallu de peu. Cependant, j'ai bel et bien un deuil dans ma famille, qui remonte bien avant la chute du mur. En fait, je n'étais même pas encore née à cette époque.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Ma tante est morte, dévorée par des chiens. Elle n'était qu'une enfant. Cela remonte donc à plusieurs années, mais ma famille en est encore très affectée, surtout mon père et mes grands-parents.

- Oh, comme c'est triste ! J'ai aussi perdu un membre de ma famille récemment. Il s'agissait de mon oncle.

- Que lui est-il arrivé ?

- Il a fini comme ta tante, mais je ne veux pas en dire plus. C'est un souvenir douloureux.

- Je comprends, je suis désolée pour ton oncle. Toutes mes condoléances.

- Merci. Tu as beaucoup de chance de ne pas avoir connu la douleur de la perte d'un être cher et j'espère que tu ne la connaitras jamais. C'est la plus terrible des douleurs !

Je pose ma main sur la sienne pour la réconforter. Cette fille me touche vraiment et je ressens une affection naissante pour elle.

Au même moment, on toque à la porte. Frieda se lève et dit :

- Vous pouvez entrer.

La porte s'ouvre, laissant apparaitre un homme de petite taille aux courts cheveux et à la moustache bruns. Il lève un sourcil interrogateur lorsque ses grands yeux bleus se posent sur moi, puis s'adresse à Frieda :

- Qui est cette jeune fille ?

- Elle est ma nouvelle amie et ma demoiselle de compagnie.

- Hmm . . . Je vois . . . Bon, es-tu libre ? J'aimerai te parler. 

- Oui, bien sûr, père ! Je reviens tout de suite, ajoute-t-elle en s'adressant à moi.

Je hoche la tête de haut en bas et elle quitte la chambre avec son père après un dernier sourire, en fermant la porte derrière elle. J'attends que les bruits de pas soient étouffés par la distance avant de me lever et d'ouvrir doucement la porte. 

J'entends une porte se fermer à l'autre bout du couloir. Je me dirige alors à pas de loup vers cette dernière et y colle mon oreille pour entendre une voix grave et masculine dire :

- Je reviens tout droit du palais. J'y ai discuté avec les autres membres du Conseil royal. La situation est catastrophique ! Bien que la chute du mur Maria ait provoqué de nombreuses victimes, il y a encore trop de réfugiés. Les réserves de nourriture dans l'enceinte du mur Rose ne suffiront jamais à nourrir toute la population ! Si nous n'agissons pas rapidement, une guerre civile risque d'éclater, cela signera notre fin à tous ! Je t'en prie, Frieda, il faut que tu fasses quelque chose !

Un silence s'installe, brisé quelques secondes plus tard par la voix calme et impassible de la jeune fille qui déclare :

- Nous devons accepter notre destin. Tel est notre châtiment pour nos crimes passés. Nous ne pouvons nous défiler.

Elle parle presque comme le prêtre de l'autre jour . . .

Son père lâche un soupir :

- Ne pourrai-je donc jamais te faire changer d'avis ?

- Je suis désolée, père.

- Bon, alors je vais prendre d'autres mesures pour éviter l'anéantissement total de notre espèce.

Comprenant que la conversation touche à sa fin, je retourne bien vite dans la chambre de Frieda, mais je reste perplexe : pourquoi est-ce que la jeune fille est la seule personne capable de sauver l'Humanité des murs et de quels crimes et châtiment parle cette dernière ?

Décidément, les Reiss sont la famille des mystères . . .

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