La cérémonie de transmission - Adieu, Frieda Reiss

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Le bateau atteint le port de Revelio dans la journée du lendemain. La foule des habitants du camp est réunie sur le quai, où nous débarquons. Chaque membre de notre équipe cherche des yeux sa famille. Je me précipite vers mes parents dès que je les remarque au milieu de l'attroupement et me jette dans leurs bras. Ils m'y accueillent avec un chaleureux :

- Éléonore ! 

Sieg, moins pressé que moi, nous rejoint tranquillement au même moment. Il salue nos parents :

- Bonjour, papa. Bonjour, maman.

- Sieg, comment vas-tu mon grand ?

- Bien, merci. Ah, vous êtes là aussi. Bonjour, pépé. Bonjour, mémé.

En regardant à mon tour par-dessus les épaules de nos parents, je vois nos grands-parents qui se tiennent juste derrière eux. Je m'exclame alors, avec un grand sourire, en les serrant dans mes bras :

- Pépé ! Mémé ! Vous m'avez tellement manqué !

- Toi aussi tu nous a manqué ma petite chérie, déclare ma grand-mère.

- Est-ce que tout le monde va bien ? s'enquière pépé.

- Oui, tout va très bien ! Nous avons même réussi notre mission avec brillance !

- Nous sommes si fiers de vous ! affirme papa.

Touchée par ces gentils mots, j'exprime ma joie de les retrouver par un sourire. Mon grand frère en fait de même.

- Vous devez être épuisés, rentrons, propose mémé.

Nous prenons tranquillement le chemin du retour à la maison, entourés de notre famille.

                                                                                                       

 *

Le soir-même, on toque à la porte. Je me lève pour l'ouvrir et tombe nez à nez avec un homme d'âge moyen, aux courts cheveux blonds :

- Bonsoir, monsieur Gleis.

- Bonsoir, Éléonore. Comment vas-tu ?

- Bien, merci. Et vous ?

- Ça va. Tes parents sont à la maison ? 

- Oui, ils sont dans le bureau de papa, dis-je en me décalant sur le côté pour le laisser entrer.

Il pénètre dans notre petite maison et caresse chaleureusement la tête de Sieg, assis à la table de la pièce principale, en passant près de lui. Puis il s'engage dans le couloir et toque à la porte du bureau de papa.

- Entrez ! répond ce dernier.

Monsieur Gleis ouvre la porte en bois et la referme derrière lui. 

Sieg et moi échangeons un regard, puis nous dirigeons vers la porte pour y coller l'oreille. Nous entendons ainsi très clairement leur conversation :

- Oui, ils ont réussi. Je savais que nous pouvions compter sur eux ! affirme papa.

- Ce n'est pas encore fini, rétorque monsieur Gleis. Il faut à tout prix que l'originel tombe entre nos mains, à présent. L'armée ne le confiera sûrement pas à Sieg puisqu'il possède déjà le titan bestial. En revanche, il y a de fortes chances qu'ils le confient à Éléonore. Elle a fait ses preuves en remplissant parfaitement cette mission. Mais ce n'est pas encore gagné. Il reste un concurrent. Porco Galliard est un aspirant guerrier de taille. Il a aussi de fortes chances d'obtenir l'originel et alors, tout sera gâché ! C'est un fidèle soldat qui croit dur comme fer aux mensonges des mahrs !

- Il faut absolument faire quelque chose pour mettre toutes les chances de notre côté, déclare maman.

- Nous venons justement de recevoir un message de La Chouette, dit monsieur Gleis. Il nous rassure sur ce point en affirmant qu'il se charge de faire en sorte que votre fille soit choisie.

- Alors il ne reste plus qu'à prier pour que cela marche.

Comprenant que la discussion touche à sa fin, nous nous éloignons de la porte. Sieg me demande :

- Éléonore ? 

- Oui ? 

- Tu sais qu'en héritant du titan originel, il ne te restera plus que treize ans à vivre . . .

- Oui, exactement comme toi.

- Es-tu sûre de vouloir cela ?

- Sieg, nous touchons enfin au but ! En héritant de l'axe, je pourrai enfin libérer notre peuple du joug mahr et rendre à Eldia sa gloire d'antan ! Nous ne pouvons pas reculer maintenant.

- Je le sais bien, mais tu n'es pas obligée de te sacrifier pour cela . . .

- C'est bien la seule cause qui mérite qu'on se sacrifie pour. Si cela permet d'assurer à notre peuple paix et prospérité, je veux bien le faire.

Sieg ne répond rien. Il se contente de me regarder, en silence. L'inquiétude se lit dans son regard bleu. Je le rassure, avec un doux sourire :

- Ne t'inquiètes pas pour moi, tout ira bien. Il vaut mieux vivre seulement treize ans encore, mais libre et heureuse, plutôt que de vivre de longues années dans l'humiliation et la souffrance. N'ai-je pas raison ?

- Si.

- Alors soutiens-moi comme le grand-frère que tu es, au lieu de me surprotéger, dis-je sur un ton taquin, en posant mes mains sur ses épaules.

- Oh, désolé, c'est plus fort que moi. Mais tu peux compter sur moi pour te soutenir jusqu'au bout !

- Merci, grand frère, dis-je en le serrant dans mes bras.

                                                                                             

*

Le lendemain, dans l'après-midi, toute notre équipe de guerriers se retrouve dans le bureau de l'état-major. Face à nous se trouvent le général Calvi, le capitaine Magath, ainsi que d'autres supérieurs de l'armée mahr. Le général prend la parole :

- Vous avez tous été convoqués ici afin que nous annonçons le nom de celui ou celle qui héritera du titan originel. Nous n'avons encore aucun eldien de sang royal sous la main qui nous permettra d'activer les pouvoirs de l'axe, mais en attendant, il doit rester en une personne de confiance. Celui d'entre vous qui mérite cet honneur, de par sa sagacité et sa fidélité, n'est autre qu'Éléonore Jäger.

Je remercie mon supérieur hiérarchique par un salut militaire :

- Merci, général. Je vous promets d'être à la hauteur.

Porco ne dit rien, mais ses poings serrés et le grincement de ses dents indiquent clairement sa frustration.

- La cérémonie aura lieu aujourd'hui-même, poursuis le général Calvi, prépare-toi.

- Bien, mon général.

- Parfait, vous pouvez disposer.

Nous effectuons tous un salut militaire avant de tourner les talons pour quitter la pièce. 

Dès que nous nous retrouvons dans le couloir, Porco explose :

- Mince, mince, mince et mince ! s'exclame-t-il en cognant le mur de son poing.

- Calme-toi, lui dit son grand frère en posant sa main sur son épaule.

- Facile à dire ! C'est la deuxième fois que je me fais humilier ! Pourquoi suis-je toujours recalé ? Je suis pourtant à la hauteur, non ?

- C'est une décision qui vient du commandement, tu ne peux pas la contester. Il n'y a rien qu'on puisse faire alors cesse de t'énerver inutilement.

- Vois le bon côté des choses, dis-je en posant une main réconfortante sur son épaule, tu es celui d'entre nous qui vivra le plus longtemps.

Puis je tourne les talons et m'éloigne afin de me préparer à la cérémonie qui doit bientôt avoir lieu.

                                                                                                     

*

Vêtue de longues tunique et veste blanches, j'entre dans la salle du rituel de transmission. Dans la pièce se trouvent des experts mahrs et mes supérieurs hiérarchiques. Ils sont les seuls autorisés à assister à la cérémonie afin de vérifier que tout se déroule comme il le faut. 

En levant les yeux, je vois Frieda, attachée par de longues chaines métalliques. Elle me regarde calmement, sans rien dire.

Je sens mon coeur se serrer à l'idée que je dois je dévorer cette si gentille fille qui m'a toujours considérée comme une amie !

Au même moment, un expert mahr me présente une seringue. 

"Je ne peux plus reculer maintenant. Je dois le faire pour le bien de mon peuple. Frieda est certes une bonne personne, mais elle est prête à condamner l'Humanité des murs et je ne peux pas accepter cela !"

Je prends la seringue, puis lève les yeux vers Frieda une dernière fois. Elle m'adresse sourire, accompagné de ces mots :

- S'il te plait, prends bien soin de ma famille, y compris Historia.

Je profite de l'obscurité de la pièce pour lui rendre discrètement son sourire et déclarer, dans un murmure :

- Je prendrai bien soin de tout le monde, je te le promets.

Je suis sûre qu'elle m'a entendue car son expression s'apaise. Je ferme les yeux et enfonce l'aiguille de la seringue dans mon avant-bras, introduisant le liquide cérébro-spinal de titan dans mon organisme.

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