Couronnement

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Dès le surlendemain, dans l'après-midi, une estrade se dresse dans l'enceinte du mur Sina, devant le palais royal, désormais inoccupé depuis que l'imposture du "roi Fritz" a éclaté au grand jour. 

Vêtue d'une longue robe de soie blanche, une partie de mes longs cheveux châtain clair formant une élégante couronne tressée, tandis que le reste tombe jusqu'au bas de mon dos, j'observe l'agitation qui se déroule sur la place par la fenêtre de ma nouvelle chambre en me remémorant les événements de la veille . . .

                                                                                           

*

Nous sommes assis autour d'une jolie table en bois sculpté, dans la salle à manger du manoir des Reiss. Rhodes a lui-même invité ma famille à séjourner dans sa demeure en attendant que nous trouvions une maison convenable, le soir même de notre arrivée sur l'ile. 

Nous prenons tous tranquillement le petit-déjeuner, composé de thé, de fruits frais et de délicieux biscuits. Je porte la tasse à mes lèvres, bois une gorgée du liquide chaud et repose le petit récipient sur sa soucoupe en déclarant :

- Vous n'avez fait que changer de nom en arrivant sur cette ile il y a un peu plus d'un siècle afin de régner dans l'ombre. En réalité, vous êtes aussi des Fritz. Nous sommes donc les membres d'une seule même famille, vous et nous.

- Oui, c'est exact. Enfin, votre père et vos grands-parents n'intègrent notre famille que par alliance, ils ne sont pas de sang royal.

- Certes, mais ils font tout de même partie de notre famille maintenant.

- J'en conviens . . . 

Au même moment, un domestique vient dire à Rhodes Reiss :

- Monsieur, un certain Willy Teyber souhaite rencontrer Éléonore Jäger.

- Je vois de qui il s'agit, vous pouvez le faire entrer, monsieur Reiss.

- Très bien, qu'il entre.

Le domestique repart et revient quelques instants plus tard, accompagné d'un grand homme blond aux yeux bleus. Oui, je le reconnais. Je l'ai déjà vu, il y a de cela plusieurs années . . .

Le nouveau venu nous salue :

- Bien le bonjour, mesdames et messieurs. Désolé de vous déranger dans votre repas, mais je dois parler de toute urgence à Éléonore Jäger.

- C'est moi. Installez-vous, monsieur Teyber. Vous serez plus à l'aise pour discuter.

- Je vous remercie.

Il avance, de sa démarche élégante qui m'a immédiatement frappée ce jour-là, et prend place sur une chaise libre, face à moi. Ce n'est qu'alors qu'il me demande :

- Vous êtes bien Éléonore Jäger, la détentrice du titan originel ?

- C'est exact. 

- Cette même Éléonore Jäger qui est devenue une perle de l'armée mahr grâce à ses talents en espionnage, que nous avons d'ailleurs détecté après qu'elle m'ait suivie par curiosité ? poursuit-il avec un sourire amusé.

- Oui, c'est exact, dis-je en lui rendant son sourire.

- Voilà pourquoi votre nom m'était si familier. J'ai beaucoup entendu parler de vous de la part de vos supérieurs de l'armée mahr.

- J'en suis flattée, mais je me doute bien que vous n'êtes pas venu me voir juste pour cela.

- Vos doutes sont justes. Je viens vous demander quelle est la suite des opérations. Vous avez libéré notre peuple entier et je vous en suis reconnaissant. Je vous avoue qu'au début, je craignais que ce ne soit une mauvaise décision et que nous perpétrons les odieux de crime de nos ancêtres en faisant renaitre Eldia. Mais après avoir entendu votre discours à l'intention des autorités de Mahr et des autres pays, j'ai immédiatement changé d'avis. Je percevais dans votre voix la sincérité de vos propos et je n'ai pu que croire en vous. Cependant, je sais que vous n'avez aucune expérience du pouvoir et voilà pourquoi je suis ici : je viens vous offrir mon soutien. Mais pour cela, je dois connaitre vos projets.

- Je vous remercie de votre soutien, monsieur Teyber. Il me touche beaucoup et je l'accepte avec grand plaisir ! Il est vrai que je n'ai jamais gouverné un peuple ou un pays, j'ai seulement dirigé les opérations de la récupération de l'originel, alors vos conseils me seront d'une grande aide.

- Très bien, dans ce cas, voici mon premier conseil : il faut vous sacrer officiellement reine d'Eldia au plus vite. Une cérémonie officielle est très importante pour présenter au peuple sa nouvelle souveraine et imposer votre pouvoir sur cette ile.

- Je ne veux m'imposer à personne ! D'ailleurs, n'ayant aucune expérience politique, je crains de ne pas être apte à ce rôle. Il vaut mieux laisser un autre membre de la famille royale gouverner ce pays . . . 

- Bien au contraire ! Vous avez prouvé votre valeur et votre capacité à guider un peuple en guidant le vôtre jusqu'ici. Pour tous les eldiens, vous êtes leur sauveuse et leur libératrice ! Ils vous aiment tous, croyez-moi, j'ai entendu les conversations qui se tiennent dans les rues et les maisons de l'ile. Et plus important encore, ils croient tous en vous ! Vous ne pouvez pas les décevoir en les abandonnant à d'autres mains. De plus, votre statut de titan originel confirme que vous devez être la reine d'Eldia. N'ai-je pas raison, monsieur Reiss ?

- Si, vous dites vrai. Le possesseur du titan originel a toujours été le souverain de notre peuple. C'est une tradition familiale. 

- Vous voyez ? Vous êtes clairement la personne idéale pour remplir ce rôle et nous comptons tous sur vous. Ne trahissez pas les espoirs que votre peuple fondent en vous.

Je me tourne vers mes parents. Ils me sourient et m'adressent un hochement de tête approbateur. Je regarde ensuite mon frère Sieg, il lève son pouce en l'air avec un grand sourire.

Je ferme les yeux, prends une grande inspiration, puis plonge mon regard bleu dans celui Willy Teyber pour lui dire :

- Très bien, monsieur Teyber. J'accepte de devenir la souveraine d'Eldia, mais je compte sur votre soutien et vos bons conseils. D'ailleurs, vous siégerez aux réunions du Conseil royal.

- Ce sera un honneur pour moi, Votre Altesse. Je vous promet de faire de mon mieux. 

Il se lève et déclare :

- Bon, je me charge d'annoncer cette bonne nouvelle au peuple et d'organiser votre couronnement. À bientôt.

                                                                                       

*

On toque à la porte de ma chambre. Je me tourne vers cette dernière et déclare :

- Entrez !

La porte s'ouvre et maman pénètre dans la pièce, dans une belle robe bleue. Ses cheveux blonds sont relevés en un chignon et ses pieds se posent pas à pas sur le doux tapis rouge tandis qu'elle avance vers moi. Elle me demande :

- Est-ce que tu es prête, ma chérie ? La cérémonie va bientôt commencer. 

- Oui, maman, lui dis-je avec mon sourire habituel. 

- N'oublie pas ta cape, elle est un élément important de ta tenue. 

En disant ces mots, elle attrape la longue cape rouge ornée de fourrure blanche et la pose sur mes épaules, la fixant à l'aide de petites pinces dorées. 

- Maintenant, tu es prête, affirme-t-elle lorsqu'elle finit. 

Elle ajoute, après m'avoir contemplé de haut en bas :

- Tu es absolument magnifique ma chérie ! Nous sommes tous si fiers de toi !

- Merci, maman, mais c'est grâce à vous si j'en suis là et je vous en suis très reconnaissante. Puissiez-vous rester encore à mes côtés pour toute ma vie !

- Oui, nous le ferons, tu pourras toujours compter sur nous, dit-elle en prenant mes mains dans les siennes. 

Je les serre en retour, puis elle me dit :

- Allons, il est temps d'y aller. 

Nous quittons ensemble la pièce. Dehors nous attendent pépé, papa et Sieg, vêtus d'élégants costumes pour l'occasion. Grand-mère, quant à elle, est habillée d'une longue et élégante robe violette. 

Je remarque que des soldats des brigades spéciales se tiennent droits, alignés de chaque côté du couloir. C'est un des protocoles de la cérémonie. J'ouvre la marche et nous avançons ainsi le long des couloirs, puis descendons l'escalier principal du palais et traversons le grand et somptueux hall d'entrée. Les deux soldats postés de chaque côté de la grande porte l'ouvrent sur notre passage et nous nous retrouvons sur la place. Un long tapis rouge est déroulé pour nous. Il s'étend jusqu'à l'estrade. Nous continuons donc à avancer. 

Ma famille s'arrête juste derrière l'estrade en bois, couverte d'un beau tapis rouge. Je dois continuer cette marche seule. Je pose donc mon pied droit sur la première marche de l'estrade et poursuis ainsi mon ascension jusqu'à arriver sur la scène. D'ici, je vois la foule qui s'est agglutinée sur la place pour assister à la cérémonie. Ils se pressent et se bousculent pour me voir. J'en suis flattée et profondément touchée, mais n'étant pas habituée à tant d'attention, je me sens aussi un peu gênée. Cependant, je ne laisse rien paraître et continue de sourire. 

J'avance vers Rhodes Reiss, qui tient dans ses mains une couronne en or, incrustée de rubis et de diamants. Comme il est le roi des murs, c'est à lui de poser la couronne sur ma tête, montrant ainsi officiellement au peuple qu'il me confie le pouvoir et légitimant d'autant mieux mon statut de reine. 

Lorsque j'arrive devant lui, je m'agenouille sur le moelleux coussin rouge qui repose devant ses pieds et joins mes deux mains. 

Monsieur Reiss prend la parole, prononçant un long discours dans lequel il chante mes louanges et explique ma légitimité et les raisons pour lesquelles il me confie le pouvoir, puis il pose délicatement la couronne sur ma tête. 

Je sens tout le poids des responsabilités qui m'incombent lorsqu'elle se pose sur ma tête, mais je n'ai pas peur. Je crois en moi, en mes proches et en tous mes sujets ! Et, surtout, je crois en notre avenir !

Je me relève alors doucement et fais face à la foule qui se trouve sur la place. Je pose ensuite ma main sur mon coeur, en signe de dévouement et d'engagement, et leur adresse mon plus beau sourire. 

Les applaudissements et les cris de joie fusent alors de toutes parts :

- Hourra ! 

- Vive la reine !

- Vive Eldia !

Je suis si touchée et émue que je ne peux retenir une larme de perler au coin de mon oeil.

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