La ville souterraine

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Assise devant mon bureau, je consulte différents dossiers et rapports. Au bout d'un moment, je lève les yeux vers le cadran de la petite horloge en bois sombre, incrustée de dorures, qui est accrochée sur le mur d'en face. Il est bientôt minuit. Je devrais aller au lit car je dois me lever tôt demain pour visiter la ville souterraine, comme je l'ai prévu ce matin lors du Conseil royal. 

Je m'apprête donc à remettre les papiers que j'ai en main dans le tiroir de mon bureau lorsqu'une voix grave et masculine retentit derrière moi :

- Bonsoir, Votre Majesté.

Je me lève et me retourne en sursaut pour faire face à cette présence. Il s'agit d'un grand homme habillé en noir. Son chapeau dissimule en partie son visage, mais je peux voir qu'il a des cheveux et une barbichette noirs. Il sourit suite à ma réaction :

- Désolé, je ne voulais pas vous effrayer.

- Vous ne m'avez pas fait peur, seulement surprise. Je ne m'attendais à une visite à une heure aussi tardive, sans compter qu'en général, on entre par la porte après avoir toqué.

- Oui, mais la politesse n'est pas mon truc alors vous m'excuserez. 

- J'en déduis que vous n'êtes pas là pour une simple visite de courtoisie.

- Bingo ! Je ne suis pas là pour vous faire la révérence, mais pour venir vous parler de votre dernière décision. Rhodes m'a dit que vous vouliez remettre en place la tradition selon laquelle notre famille se doit de protéger la vôtre. 

- Vous êtes un Ackerman ?

- Oui, Kenny Ackerman, pour vous servir.

- Si je comprends bien, vous acceptez ma proposition.

- En effet. De toute façon, vu que j'étais déjà au service des Reiss depuis un moment et qu'il semblerait que vous soyez de la même famille, cela ne change pas grand chose pour moi. La seule différence, c'est que ce sont vos ordres qui comptent désormais, puisque vous êtes la nouvelle reine des murs.

- Vous m'en voyez ravie, dis-je avec un grand sourire. Je suis Éléonore Jäger, enchantée de faire votre connaissance, Kenny, déclaré-je en lui tendant ma main.

- De même, dit-il en la serrant brièvement.

- En tant que membre du clan Ackerman, vous savez sûrement où se trouvent vos confrères. Pourriez-vous leur faire part de ma proposition ?

- Vous vous rendrez aux bas-fonds, demain, n'est-ce pas ?

- Oui, c'est exact. 

- Alors vous pourrez vous-même demander à celui qui s'y trouve s'il veut bien se mettre à votre service. De mon côté, je m'occupe de retrouver la branche de la famille qui s'est installée dans l'enceinte du mur Maria . . . S'ils ont survécu à l'attaque des titans . . .

- Bien, je vous en remercie, Kenny. 

- Il y a pas de quoi, dit-il en tournant les talons. 

                                                                                               

*

J'ouvre les yeux. La lumière du soleil qui entre par les fenêtres vient m'éblouir et je dois cligner plusieurs fois des yeux pour m'y habituer. Je repousse les draps et m'étire longuement avant de poser mes pieds sur le doux tapis rouge pour descendre de mon lit à baldaquins.

Comme chaque matin, je commence par me laver les mains et le visage avec de l'eau. Ensuite, je troque ma longue chemise de nuit en soie blanche contre une chemise blanche et une longue jupe rose pâle. 

Je m'assieds par la suite face au miroir de ma coiffeuse et commence à peigner mes longs cheveux châtain clair. Une fois qu'il n'y reste plus aucun noeud, je leur passe un coup de brosse afin de les rendre bien lisses, doux et soyeux. Il ne me reste plus qu'à les attacher en une simple queue de cheval. 

Avant de sortir de ma chambre, j'enfile mes bottes en cuir brun et une longue cape noire. Me voilà enfin prête.

En traversant le couloir, je croise Sieg. Ce dernier me salue, avec un grand sourire :

- Bonjour, petite soeur ! Comment vas-tu ?

- Bien, et toi ?

- Je vais bien, merci. Dis-moi, où vas-tu comme ça ?

- Je vais visiter la ville souterraine comme je vous l'ai déjà dit lors du Conseil d'hier.

- Et tu comptes y aller seule ?

- Oui. Je préfère rester discrète. Je vais faire une petite visite anonyme et je reviens.

- Ce n'est pas très prudent. À ta place, j'aurai au moins pris un de nos hommes avec moi, on ne sait jamais.

- Voyons, Sieg, tu sais bien que je suis parfaitement capable de me débrouiller seule. J'en ai vu d'autres pendant nos missions au sein de l'armée mahr alors une petite visite dans une ville souterraine sera un jeu d'enfant.

- Bon, si tu le dis, mais reste sur tes gardes, d'accord ?

- Promis ! En échange, je compte sur vous pour prendre bien soin des affaires du pays et des occupants du palais pendant mon absence, surtout la petite Historia.

- Ne t'en fais pas pour Historia, mémé s'en charge déjà. Elle adore cette petite et passe son temps à lui raconter des histoires ! En ce qui concerne le reste, je m'en occupe personnellement. Tu peux partir tranquille.

- Merci, à bientôt, dis-je en poursuivant mon chemin.

- Au revoir, petite soeur !

En sortant du palais, je rabats la capuche de ma cape sur mon visage afin d'assurer mon anonymat. Je descends ensuite les marches du perron et m'engage sur la place où je fus couronnée avant-hier. Un petit carrosse attelé à deux chevaux noirs, simple et sans aucune insigne, m'y attend. 

Je monte dans le véhicule et m'assieds sur la banquette en velours rouge. Le cocher, qui connait déjà notre destination, lance aussitôt ses chevaux au trot. 

                                                                                                   

*

Quelques heures plus tard, nous arrivons enfin au district de Stohess. Le véhicule s'arrête devant des escaliers en pierre qui descendent sous terre. Le cocher m'informe :

- Nous y sommes. Ces escaliers mènent tout droit à la ville souterraine.

- Très bien, je vous remercie. Pourriez-vous m'attendre ici ?

- Entendu, Votre . . .

- Chut, dis-je en posant mon index devant mes lèvres. Ne dites plus rien.

Je descends du carrosse et offre une pièce d'or au brave homme, avant de me diriger vers l'escalier. Je prends une profonde inspiration, puis descends les marches en pierre une à une. L'endroit est plutôt sombre car éclairé seulement par quelques torches, accrochées aux murs, mais je poursuis tout de même ma descente. 

Je passe devant un petit groupe d'hommes, qui contrôlent les passages sur cet escalier. Enfin, seulement les sorties, car ils ne m'arrêtent pas pour me contrôler lorsque je passe devant eux.

Je passe sous une arche et ce n'est qu'alors que je vois enfin cette fameuse ville souterraine. C'est un grand ensemble de bâtiments, de formes et de tailles diverses. Seulement, on remarque clairement que beaucoup sont inachevés ou en ruines. 

Une autre chose qui me frappe, c'est que cet endroit n'a aucun accès à la lumière du jour. L'éclairage est assuré uniquement par diverses torches accrochées sur les façades des constructions. 

Je descends les quelques marches restantes et m'engage dans les rues de la ville souterraine. Aucune d'entre elles n'est pavée, elles sont toutes en terre battue. Résultat : elles sont sales et boueuses. 

Cependant, ce n'est pas le pire. En tournant au coin d'une rue pour m'engager dans une ruelle, je vois que plusieurs personnes y sont assises, à même le sol. Ils sont tous maigres et vêtus de haillons. La fatigue se lit sur leurs visages sales et pâles et leurs yeux sont vides, dénués de toute expression. Prise d'un soudain malaise face à ce spectacle, je tourne les talons et pars dans la direction opposée. 

Des marchands sont en train de trier leurs livraisons de marchandises pour les ranger dans leurs entrepôts. Je ne m'attarde pas plus sur cette scène des plus banales et poursuis donc ma route. Seulement, alors que je passe à côté des caisses empilées au milieu de la rue, j'entends des bruits de pas précipités qui approchent, puis, soudain, la pile de caisses s'effondre, projetant les boites en bois dans tous les sens ! J'en esquive une de justesse et me retourne précipitamment pour essayer de comprendre ce qui vient de se passer.

Je vois alors trois personnes s'éloigner à l'aide d'équipements tridimensionnels. Pourtant, leurs vêtements n'indiquent clairement pas qu'ils sont de l'armée. Au même moment, l'homme du milieu, qui semble être leur chef, regarde par-dessus son épaule, révélant ses yeux gris bleuté. Mon coeur manque un battement lorsque je croise ce regard ! Il m'est familier, parce que sa couleur est identique à celle des yeux de Kenny. Et si . . . 

Je ne perds pas une seconde de plus et m'élance à la poursuite des trois individus.

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