Les Ackerman

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Je cours depuis plusieurs minutes déjà quand les trois individus s'arrêtent enfin. Ils posent pied à terre et se dirigent vers une petite maison dont ils commencent à gravir les escaliers lorsque je les interpelle :

- Un instant, s'il vous plait !

Ils se retournent tous les trois pour me faire face. La petite rouquine me regarde de haut en bas avec ses grands yeux verts, le grand homme aux cheveux châtain clair me dévisage avec curiosité de ses yeux bleus et le petit homme aux cheveux noirs se contente de me fixer, droit dans les yeux, de son regard gris bleuté. Ce dernier me trouble, mais je le soutiens quand même sans rien laisser paraître. Leur chef finit par me demander :

- Qu'est-ce que tu nous veux ?

- Est-ce que vous êtes bien celui dont Kenny Ackerman m'a parlé ?

- Kenny Ackerman ? Est-ce qu'on parle bien du même Kenny, tous les deux ?

- Si vous parlez de l'ex-tueur en série qui a intégré les brigades spéciales, alors oui, nous parlons bien du même Kenny, dis-je sur un ton mi-sérieux, mi-amusé.

- Tiens donc, je ne savais pas que son nom de famille était Ackerman, ni qu'il a fini par intégrer les brigades spéciales dont il a massacré les membres, mais en même temps, ça fait un bail qu'on ne s'est pas vus.

- Sans doute, mais il m'a dit que je vous trouverais ici et il avait bien raison.

- Et pourquoi est-ce tu me cherchais ?

- J'ai une proposition à vous faire, mais la rue n'est pas un lieu convenable pour en discuter.

Il reste silencieux un petit instant, continuant à me fixer droit dans les yeux, puis il me fait signe de le suivre :

- Viens.

Je les suis dans les escaliers. L'homme aux cheveux noirs pousse la porte en bois de la maison et nous nous y engouffrons à sa suite. Il se dirige ensuite vers une petite table circulaire et s'assied sur une chaise. Ce n'est qu'alors qu'il replonge ses yeux dans les miens et me dit :

- Vas-y, dis ce que tu as à dire.

- Je pense que des présentations s'imposent. Je suis Éléonore Jäger, la nouvelle souveraine d'Eldia. 

Les yeux de la petite rouquine et du grand homme aux cheveux châtain clair s'écarquillent. Leur chef, lui, reste impassible. Il déclare seulement :

- Je comprends mieux pourquoi ta voix m'était familière. C'est toi qui nous a parlés, ce jour-là et qui nous a montré le passé de notre peuple.

- Oui, c'était bien moi. Et vous, qui êtes-vous ?

- J'imagine que tu le sais déjà, puisque Kenny t'a parlé de moi.

- Non, pas vraiment. Tout ce qu'il m'a dit, c'est que je trouverai un Ackerman dans la ville souterraine.

- Un Ackerman ?

- Vous n'êtes donc pas au courant de vos origines ?

- Attends, tu es en train de me dire que je partage un lien de parenté avec ce type ?

- Il semblerait . . .

- Tss ! J'aurai dû m'en douter, ça lui ressemble bien de garder les choses importantes pour lui.

- Rassurez-vous, vous aurez l'occasion d'en discuter avec lui si vous acceptez ma proposition. Mais avant tout, j'aimerai au moins connaitre votre prénom.

- Livaï.

- Enchantée, Livaï. Et vous, vous êtes ? demandé-je à l'intention de ses deux compagnons.

- Furlan Church, déclare le grand homme aux yeux bleus, avec un grand sourire.

- Et moi, je suis Isabelle Magnolia, se présente la rouquine.

- Je suis ravie de faire votre connaissance.

- Bien, mais cette proposition dont tu nous parles depuis tout à l'heure, qu'est-ce que c'est ? demande Livaï.

- C'est simple : avant la chute de l'empire eldien, les Ackerman étaient la garde personnelle de la famille royale. Maintenant que notre nation renait, je veux que vous repreniez votre rôle ancestral, si vous êtes d'accord, bien sûr !

- Vous voulez dire que vous voulez que Livaï vienne travailler pour vous à la surface, dans le palais royal ? demande Furlan.

- Oui, c'est exact.

Furlan et Isabelle échangent un regard étonné, mais aussi plein d'admiration. Je me tourne à nouveau vers Livaï pour lui demander :

- Alors ? Que pensez-vous de ma proposition ? Bien sûr, je comprendrai que vous ayez besoin d'un peu plus de temps pour y réfléchir . . . 

- J'accepte, me coupe-t-il, mais à une seule condition.

- Quelle est-elle ?

- Je ne quitterai les bas-fonds que si mes deux amis viennent avec moi.

- C'est entendu. Je suis sûre que nous leur trouverons une place et un emploi au palais. Avez-vous des dispositions pour un domaine particulier ?

- Je m'entends très bien avec les animaux, déclare Isabelle. Et Furlan est très intelligent, mais aussi doué pour les soigner !

- Je vois. Dans ce cas, Isabelle, tu devrais te plaire dans les écuries du palais. Tu pourras t'y occuper des chevaux. Quant à toi, Furlan, j'aurai sans doute besoin de ton aide pour les projets que je réserve à la ville souterraine. Ta présence ne sera donc pas de trop. Est-ce que ça vous va comme ça ?

- Tant que je reste auprès de mon frérot, ça me va, déclare Isabelle.

- C'est parfait pour moi aussi, affirme Furlan.

- Tu as rempli mon unique condition, donc j'accepte.

- Excellent ! Je vous laisse faire vos bagages et nous remonterons aussitôt à la surface. En attendant, je vais finir ma petite visite de la ville souterraine. À tout à l'heure !

Je tourne les talons et quitte la maisonnette. Les cris de joie d'Isabelle me parviennent tandis je descends les escaliers :

- On va enfin quitter ces bas-fonds et vivre au soleil ! C'est génial !

Seul le joyeux rire de Furlan lui répond. Je souris : je suis heureuse de contribuer à leur bonheur.

                                                                                                     

 *

Le soleil se couche déjà lorsque nous quittons enfin la ville souterraine, teintant le district de Stohess de sa magnifique couleur orangée ! Habituée à l'obscurité qui règne en bas, je dois cligner des paupières pour acclimater mes yeux à la luminosité, mais mes trois compagnons doivent carrément détourner le regard, complètement éblouis par les rayons de l'astre céleste ! Quand je pense que c'est la première fois de leur vie qu'ils voient la lumière du jour !

Livaï est le premier à regarder à nouveau le ciel. Il plisse ses paupières, jusqu'à ce que ses yeux soient complètement habitués à cette lumière, quelques secondes plus tard. Ses amis l'imitent, et leurs yeux s'écarquillent au fur et à mesure qu'ils s'habituent à l'abondante luminosité. 

Isabelle, la plus extravertie des trois, s'exclame :

- C'est magnifique ! 

- Oui, tu as raison, pas vrai Livaï ?

- Oui, c'est pas mal.

Je souris, touchée par leur joie, puis leur dis :

- Venez, nous avons du chemin à faire pour nous rendre au palais.

J'avance vers le carrosse, qui m'attend comme promis à l'entrée du souterrain, et en ouvre la portière avant que le cocher n'ait le temps de réagir, puis me tourne vers les trois compères pour les inviter à y monter d'un simple geste de la main.

Ils y entrent et s'installent tous trois sur l'une des deux banquettes en velours rouge. Je m'assieds sur celle d'en face et lance au cocher :

- Nous rentrons au palais !

- Bien, Mademoiselle !

Il lance les chevaux au trot.

Nous n'échangeons aucun mot sur le trajet du retour. Chacun reste silencieux, plongé dans ses pensées. 

Nous arrivons au palais quelques heures plus tard. La nuit est alors déjà tombée depuis belle lurette et la lune brille dans le ciel, au milieu des étoiles.

Le cocher vient nous ouvrir la portière et tendre sa main aux demoiselles qu'Isabelle et moi sommes pour nous aider à descendre. J'accepte sa main par politesse, touchée par sa galanterie, mais Isabelle, qui n'est pas habituée à de tels égards, l'ignore.

Je les guide jusqu'à la porte du palais, à laquelle il me suffit de toquer trois coups pour que des soldats des brigades spéciales viennent l'ouvrir. Je les salue d'un petit signe de la tête, avant de leur présenter les nouveaux venus :

- Je vous présente Livaï, Furlan et Isabelle. Ils sont désormais à mon service, mais il se fait déjà tard. Conduisez-les vers leurs chambres, s'il vous plait. 

Je me tourne vers les trois concernés pour leur dire :

- Nous discuterons demain.

Ils ne répondent rien et se laissent conduire par les gardes jusqu'à leurs chambres. De mon côté, je rejoins la mienne, à l'étage. J'ai vraiment hâte d'être au lendemain, mais d'abord, j'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil. L'excursion d'aujourd'hui m'a fatiguée !

                                                                                                   

*

Le lendemain, je consacre ma matinée à la petite Historia. Je lui apprends à écrire car elle maitrise déjà très bien la lecture grâce à sa défunte soeur. Elle  noircit le papier avec application, tandis que je lui dicte un petit texte :

- J'aime ma mère. Comme toutes les mères, elle est douce et attentionnée . . .

Je m'arrête net lorsque je remarque que la petite fille a cessé d'écrire. Elle fixe les mots qu'elle vient de rédiger avec un regard triste. Je pose ma main sur son épaule pour lui demander :

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

- C'est faux. Toutes les mères ne sont pas douces et attentionnées. La mienne ne l'est pas en tout cas . . .

- Parle-m'en un peu plus. Comment est ta mère ?

- Elle est très belle, mais elle ne se soucie jamais de moi. Elle passe ses journées à lire, sans m'adresser ni un mot, ni même un regard. 

- Est-ce que tu sais comment elle s'appelle ?

- Elle s'appelle Alma.

- Je vois. Ne t'en fais pas, Historia. Je vais arranger la situation.

Au même moment, on toque à la porte. 

- Entrez, dis-je.

La porte s'ouvre pour révéler Kenny. Il entre dans la pièce et me dit :

- C'est bon, ils sont là.

- Parfait, je vous en remercie, Kenny. Réunissez-les tous dans mon boudoir. Je vous y attends.

- Comme vous voudrez, dit-il en tournant les talons. 

- La leçon est finie pour aujourd'hui, dis-je à l'intention de ma petite cousine. Tu peux aller t'amuser.

Elle acquiesce et je quitte sa chambre après avoir déposé un baiser sur son front.

Je ferme la porte derrière moi et longe le couloir pour me rendre jusqu'à mes appartements. J'entre dans mon boudoir. Il s'agit d'une jolie petite pièce, aux murs blancs et dont le sol, comme la plupart des autres pièces du palais, est recouvert d'un doux tapis rouge, mais celui-ci est orné de motifs dorés en forme de fleurs. Au centre de la pièce trône une petite table circulaire, sur laquelle repose un vase, toujours rempli de roses. Sur l'un des murs est accroché un tableau représentant une rivière entourée d'arbres et, juste en-dessous se trouve un petit bureau. 

Je marche de long en large entre ce bureau et la grande fenêtre qui se trouve en face lorsqu'on toque à la porte.

Encore une fois, je donne ma permission à celui qui se trouve de l'autre côté :

- Entrez !

Kenny ouvre la porte et entre dans la pièce, suivi de Livaï et ses deux amis, mais aussi d'un grand homme blond, d'une jolie femme aux cheveux noirs mi-longs et aux traits asiatiques et d'une petite fille aux yeux gris. Cette dernière doit avoir le même âge qu'Historia.

L'homme à la barbichette noire m'annonce, en désignant les trois derniers à être entré :

- J'ai réussi à retrouver la branche de la famille qui s'était installée dans l'enceinte du mur Maria. Enfin, il n'en reste plus aujourd'hui que cet homme et sa fille. Sa compagne n'est pas une Ackerman, mais la dernière descendante de la branche asiatique qui s'est installée dans l'enceinte des murs, il y a un peu plus d'un siècle.

- Bien, je vous remercie, Kenny. Vous avez donc tous accepté ma proposition et vous m'en voyez ravie ! Je vous en suis très reconnaissante ! 

- Avec plaisir, Votre Majesté, dit Kenny, mais il y a juste une question que j'aimerai vous poser. Bien que l'empire eldien ait chuté, la famille royale était toujours présente. Alors pourquoi les Ackerman ont-ils perdu leur statut de garde personnelle de la famille souveraine ?

- Et bien, pour comprendre cela, il faut savoir que le clan Ackerman est très spécial. Il est le résultat d'expériences biologiques visant à créer des personnes qui possèdent la puissance des titans tout en conservant leur apparence humaine. C'est pourquoi les membres de cette famille sont capables de développer une force inégalable et c'est la raison pour laquelle elle a été choisie pour former la garde personnelle de la famille royale. Cependant, les Ackerman possèdent un autre avantage. Ils ne sont pas influencés par le pouvoir du titan originel et, lorsque le roi Karl Fritz a altéré la mémoire de ses sujets il y a un peu plus d'un siècle, vos ancêtres ont été épargnés, ainsi que les asiatiques, qui ne sont pas eldiens et, complètement opposés à la décision du premier roi des murs, ils se sont rebellés contre lui pour la toute première fois. C'est pour cette raison que des persécutions ont été lancées à l'encontre de vos deux clans. Le roi et ses proches voulaient s'assurer que vous ne puissiez rien contre eux. Cependant, vous n'avez plus rien à craindre désormais : cette période est révolue. Je ne laisserai personne vous faire de mal. Vous avez ma parole.

Ils gardent le silence, chacun digérant de son côté les informations que je viens de leur fournir. C'est Kenny qui brise le silence en premier, en déclarant :

- Et vous, vous avez notre entière fidélité. 

Les autres acquiescent d'un signe de la tête, souriants. Seul Livaï ne réagit pas, se contentant de me fixer en silence.

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