Explosion !

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Le soleil se couche, la fête prend fin. Les invités quittent le palais pour rentrer chez eux, tandis que ses occupants retournent chacun petit à petit vers sa chambre pour se reposer. Les domestiques commencent à ranger et nettoyer la grande salle où viennent de se dérouler les festivités.

J'observe les allées et venues, encore toute essoufflée de cette merveilleuse journée ! Je remets en place une mèche rebelle d'un geste de la main et époussette de l'autre ma longue robe blanche, brodée de fils d'or et d'argent.

C'est alors que je sens une main se poser sur mon épaule. Je me retourne pour faire face à mémé, qui me demande, avec un doux sourire :

- Alors, ma chérie ? Tu t'es bien amusée ?

- Oh, oui ! Merci encore pour cette merveilleuse journée ! Et cette jolie robe, aussi.

Oui, ce sont maman et mémé qui ont choisi cette robe pour moi et qui me l'ont offerte ce matin-même afin que je m'en vêtisse pour la fête.

- De rien, répond-t-elle, ce fût un réel plaisir que de la choisir avec ta mère ! En plus, elle te va si bien ! Tu es absolument ravissante, mon trésor !

Elle pose sa main sur ma joue avant de poursuivre :

- Quand je pense que tu as déjà dix-huit ans . . . Le temps passe si vite !

Oui, c'est vrai. Ces deux dernières années sont passées bien vite. Ce furent deux années de pur bonheur pour tous ! Le pays s'est tranquillement reconstruit et s'est considérablement développé ! Des maisons et des villages s'étendent maintenant au-delà de l'enceinte des murs, entourés de champs et de terres agricoles. Le chômage a presque complètement disparu et la pauvreté régresse petit à petit.

- Je vais dans ma chambre pour me reposer un peu, dis-je à ma grand-mère.

- Oui, tu as raison, tu as bien besoin de repos. Va, ma grande.

Je tourne les talons et quitte la salle. En traversant le couloir, je croise Historia et Mikasa qui se dirigent en courant vers la chambre de la première avec de grands éclats de rire. Je ne peux m'empêcher de sourire face à leur gaieté. Oui, au palais aussi, tout va au mieux. Nous avons une belle vie de famille et un quotidien paisible. Quand j'y pense, mon vœu le plus cher s'est enfin réalisé !

Je suis sur le point de reprendre ma marche lorsqu'un son attire mon attention. Il vient de la chambre de mes parents, devant laquelle je me suis arrêtée. Prise par mon irrésistible curiosité et voulant m'assurer que tout va bien, je m'approche de la porte pour écouter. La voix de papa me parvient :

- Elle vient de fêter ses dix-huit ans.

- Oui, lui répond maman, notre petite princesse a bien grandi, n'est-ce pas Grisha ?

- Oui, et c'est justement ce qui m'inquiète.

- Que veux-tu dire ?

- Le temps passe, et bien plus vite qu'on ne le pense. À cause de la malédiction d'Ymir, il ne lui reste plus qu'onze ans à vivre.

- Hélas . . . répond maman avec tristesse.

- Oui, c'est triste, mais malheureusement, nous ne pouvons rien y faire. En revanche, il y a autre chose que l'on peut faire.

- Quoi donc ?

- Il faut décider dès maintenant du successeur du titan originel. C'est extrêmement important ! Il faut qu'il soit un membre de la famille royale, sans quoi il ne pourra pas exploiter son pouvoir, mais si on le confie à un Reiss, ce dernier sera manipulé par l'héritage spirituel du roi Karl Fritz et tous les efforts que l'on a fait jusque là n'aurons servi à rien ! Il détruira tout ce que nous venons de construire !

- Alors il faut que le titan originel soit confié à un membre de la famille royale qui est restée sur le continent.

- Oui, mais qui ? Sieg a reçu le titan bestial la même année qu'Éléonore donc il ne sera plus là pour en hériter le moment venu. Et, hormis lui et Éléonore, tu es la seule descendante de la famille royale restée sur le continent.

- Alors j'hériterai du titan originel.

J'écarquille les yeux. Un long silence s'installe, puis papa dit enfin :

- La connaissant, je doute qu'elle accepte de te le confier. Elle ne voudra jamais prendre le risque de réduire l'espérance de vie de sa chère mère. Et puis, quand bien même elle accepte de te le confier, cela ne réglera pas le problème de la succession car treize ans plus tard, il faudra encore transmettre le titan originel à un autre.

- Alors quelle est la solution ?

- Il faut que Sieg ou Éléonore elle-même aient une descendance à qui transmettre leurs titans. Et comme il ne leur reste plus que quelques années, le plus tôt serait le mieux.

- Oh, Grisha ! Nous ne pouvons pas les brusquer de la sorte dans un tel domaine ! C'est quelque chose qui demande du temps, sans compter qu'ils n'ont même pas encore trouvé la personne qui pourrait devenir leur partenaire . . .

- Alors nous les aiderons à trouver cette personne.

- Grisha, tu ne veux tout de même pas leur imposer un mariage arrangé . . .

Papa soupire :

- Crois bien, ma chérie, que j'aurai aussi voulu leur laisser le temps, mais nous n'en avons pas ! Nous n'avons pas d'autre choix : pour le bien d'Eldia, nous devons le faire !

Maman soupire à son tour :

- Hélas, tu as bien raison . . . Mais je veux au moins que nous leur en parlons à coeur ouvert. Il faut qu'ils sachent.

- Oui, je suis bien d'accord avec toi. De toute façon, je suis sûr qu'ils comprendront et approuveront cette décision.

- Je l'espère . . .

Je m'éloigne de la porte et accélère le pas pour me réfugier au plus vite dans mes appartements. Je pousse la porte de ma chambre avant de m'appuyer dessus pour la refermer derrière moi, après quoi j'avance jusqu'à la grande fenêtre qui me fait face et m'appuie sur son rebord, haletante et le coeur battant à tout rompre !

C'est alors qu'une voix grave retentit dans la pièce :

- Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Je me retourne en sursaut pour faire face à Livaï, qui se tient dans un coin de la salle. Je lui dis :

- Oh, je ne m'attendais pas à te trouver là . . .

- Tu sais que mon devoir est de veiller sur toi en toutes circonstances, alors je suis partout où tu es.

- Vraiment ? Je ne t'ai pourtant pas vu dans la grande salle durant la fête . . .

- Le fait que tu ne me m'ais pas vu ne veut pas dire que je n'y étais pas.

- Oui, c'est vrai.

- Et c'est aussi vrai que quelque chose te tracasse.

Je détourne le regard. Je n'aime pas qu'on s'inquiète pour moi. C'est pour cela que je veille toujours à ne jamais laisser paraître d'émotions négatives, mais je sais que je ne peux pas gagner à ce petit jeu avec Livaï : il a un véritable don pour savoir quand une personne se sent mal ou pas.

Je soupire donc et lui avoue :

- J'ai surpris une conversation entre mes parents.

- Tiens donc, tu joues encore les espionnes ? Je pensais que c'était fini depuis que tu es devenue reine.

Oui, j'ai raconté mon passé à cet homme. Cela n'est pas évident au premier abord, mais j'ai réalisé au fil du temps et des moments passés ensemble que c'est une personne attentionnée, toujours à l'écoute de ceux qui en ont besoin. Je n'hésite donc jamais à me confier à lui sur tout ! Tout, sauf une chose . . .

- Espionne ou pas, je ne peux résister à ma curiosité. Oui, je sais ce que tu vas me dire : c'est vraiment un vilain défaut, mais qu'y puis-je ? C'est plus fort que moi . . .

- J'ai vraiment une tête à donner des leçons ? Non, je ne vais rien dire du tout. C'est ta vie, ce sont tes choix, c'est à toi de décider de ce que tu veux faire ou ne pas faire et je n'ai pas le droit de te juger pour ça.

- Tu es une personne si pleine de sagesse . . .

- Hein ? Moi, plein de sagesse ? Tu te fiches de moi, là, pas vrai ?

- Non, je le pense sincèrement. Je comprends ton étonnement : comme tu te montres toujours froid et brutal, les gens ne voient pas au-delà de cette carapace. C'est pour ça que personne ne t'a encore jamais fait ce compliment. Mais quand on apprend à te connaitre, on se rend compte que tu es plein de bon sens. Furlan et Isabelle ne te l'ont jamais dit ?

- Tu les connais, maintenant : Furlan se contente de me féliciter quand il estime que j'ai fait une bonne action et Isabelle passe son temps à crier à la terre entière que je suis le plus fort et le meilleur . . .

Il lâche un soupir et je ne peux m'empêcher de laisser échapper un petit rire :

- Tu as vraiment beaucoup de chance d'avoir des amis comme eux. Chéris-les autant que tu le peux et profite bien de chaque instant passé à leurs côtés. Sinon, tu auras des regrets . . .

- Tu parles comme si tu avais ces regrets-là.

- Oui, j'avais une amie. On ne s'est pas connues bien longtemps, à peine quelques jours, mais je me suis tout de même beaucoup attachée à elle et je regrette aujourd'hui de ne pas avoir su profiter pleinement de notre amitié . . .

- Alors, ne fais pas la même erreur une seconde fois et profite pleinement de notre amitié, d'accord ?

Mes yeux s'écarquillent et je ne peux empêcher mes larmes de venir les embuer. Je murmure :

- Oh, Livaï . . .

- Quoi ? Pourquoi est-ce que tu me regardes ça ? Je viens de te dire de profiter pleinement de notre amitié alors ne perds pas ton temps à me fixer de la sorte et dis-moi ce qui ne va pas. Je pourrais peut-être t'aider.

Je devine parfaitement qu'il a réagi de la sorte pour cacher son embarras et je ne peux m'empêcher de rire à cette idée. Je finis tout de même par lui expliquer :

- Dans onze ans, je devrais transmettre mon titan à quelqu'un d'autre. Il faut que cette personne soit de sang royal, sans quoi il ne pourra jamais exploiter le pouvoir de l'axe. Cependant, je ne peux les confier aux Reiss qui sont sous l'influence spirituelle du roi Karl Fritz, ni à mon frère Sieg, qui hélas, mourra la même année que moi. Ma mère s'est proposée d'hériter du titan originel, mais cela ne règle pas non plus le problème puisqu'elle devra aussi léguer son pouvoir treize ans après l'avoir reçu et alors, il ne restera plus personne à qui confier le titan originel. Il faut donc que mon frère ou moi ayons une descendance pour que l'on puisse transmettre, de génération en génération, le pouvoir du titan originel.

- Et si je comprends bien, tu n'en as pas envie ou, du moins, tu ne t'y sens pas prête.

- Ce n'est pas que l'idée d'avoir une descendance me déplait, bien au contraire. Toute femme se fait à cette idée car elle sait qu'il est de notre devoir de procréer. En plus, c'est pour assurer l'avenir de notre nation alors je n'ai aucune hésitation ! Seulement, je ne veux pas partager cela avec n'importe qui . . .

- Oui, je comprends. Tu veux te laisser le temps de trouver le conjoint idéal et tu as parfaitement raison. Enfin, le problème est que tu n'as que onze ans devant toi et rien ne garantit que tu l'auras trouvé d'ici-là . . .

- Oh, mais je l'ai déjà trouvé . . .

- Ah, bon ?

- Oui, il n'y a qu'une seule personne avec qui j'accepterais de fonder une famille et d'engendrer une descendance. Le problème qui reste est : est-ce qu'il acceptera ?

- Qui est-ce ?

Le rouge me monte aux joues et ma respiration s'accélère, conséquences des palpitations de mon coeur.

Que dois-je faire, maintenant ? Puis-je le lui dire ? Est-ce le bon moment ? Comment réagira-t-il ?

Ces questions m'assaillent, mais aucune réponse ne vient à ma rescousse. Je me sens complètement perdue !

Livaï, de son côté, se contente de me fixer droit dans les yeux, avec ce regard gris bleuté si particulier, attendant patiemment ma réponse.

Je n'ai pas le temps de la lui donner : une terrible explosion retentit soudainement !

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