L’affaire de la ratte au court-bouillon. Chapitre 8.

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Le silence s’est fait d’un seul coup dans la gargote, et tout le monde s’est figé, même la serveuse, en position penchée. Un gros rat en profite pour reluquer sous sa minijupe, histoire de voir si elle porte une culotte… ou pas. L’ambiance a changé aussi, animée comme elle peut l’être dans un bar, elle est devenue malsaine. Tous les regards sont tournés vers nous, et dans tous, on y lit de la méchanceté.

– Ralph, je crois qu’on aurait pas dû venir… me foutent la trouille tous ces ratas et ragondins. Si l’envie leur prend de…

– Keep cool Jo, ils ne bougeront pas tant que Ragamuffin ne leur dira rien.

– Facile à dire pour un gars comme toi.

Justement, le Ragamuffin après un moment de surprise, attrape la serviette qu’il a sur l’épaule, la pose sur le comptoir et dit :

– Tien, tiens, tiens… Voyez-vous qui est là, ce bon vieux Ralph, mon vieil ami. Le clebs qui se prend pour un détective privé… Le Mike Hammer canin, le Philip Marlowe des bas-fonds… T’es venu avec ta clique ? Hey Jo, t’habite toujours dans la fourrure de ton pachyderme de patron ?

– Ben ouais, qu’est-ce que tu crois Ragamuffin ?

– Miao… frtttt. Ne m’appelle pas comme ça, saloperie de puce, je suis Gamuffin, tout court.

– Ah bon, lui aussi s’appelle tout court ?

– Mr Violi…

– Oui Mr Ralph.

– Fermez votre gueule…

– Alors, quel mauvais vent vous amène dans ma gargote ? Et d’abord, comment avez-vous fait pour entrer ?

– Ben on a frappé… sur les deux abrutis qui servaient de sonnette.

– Miao… frttt… des bons à rien ces ragondins.

– T’en fait parti maintenant, et ça te va plutôt bien.

– Ah, oui, tu trouves… Miao… frttt… Arrête de me flatter enfoiré de clebs. Dis-moi ce que tu me veux et tire-toi de ma gargote Ralph.

Les clients, rats et ragondins, se sont écartés sur notre passage, puis ont repris leurs activités. Nous, on s’approche du comptoir, et des souvenirs me reviennent en tête.

C’était il y a quelques années, j’avais encore un maître attitré, un humain qui m’avait recueilli à l’orphelinat des chiens. Je n’avais pas encore l’embonpoint de maintenant et occupais moins de place dans le petit appartement de mon maître. Espace que je partageais avec un chat aux longs poils lui aussi, et avec qui je m’entendais plutôt bien. Puis, j’ai grossi, jusqu’à atteindre ma taille adulte, et à bouffer trois kilos de croquettes par jour. C’est à peu près à ce moment-là que mes relations avec le chat se sont détériorées. Un jour, mon maître a voulu aller faire une balade, moi, je suis parti avec lui, pas le chat. Il préférait rester à l’appart pour profiter enfin d’un peu d’espace. Il commençait à avoir une canine contre moi et mon volume. C’est durant cette balade que j’ai fait la connaissance de Jo. Il s’baladait sur l’avenue, le cœur ouvert, la bite à l’air… et bien sûr, il se la pelait grave. Quand il m’a vu, il s’est approché d’un saut de puce, et m’a demandé si je ne connaissais pas un endroit pour crécher. Et moi, grand seigneur, je l’ai laissé s’installer dans mes poils.

De retour à l’appart, le chat a tout de suite pris en grippe Jo. Je prenais déjà toute la place, mais si en plus j’avais des puces… Il s’est mis alors en tête de me faire virer par mon maître. Il a accumulé alors un nombre de conneries incalculable qu’il me faisait endosser. Moi, bonne poire, j’encaissais sans rien dire, jusqu’au jour où il m’a fait péter un câble. J’l’ai coursé dans tout l’appart et ne laissais dans mon sillage que des cat astrophes. J’ai fini par le coincer au chat, impossible pour lui de m’échapper, alors, à coups de patte, toutes griffes sorties, j’lui ai mis une branlée. Quand le maître est rentré, il a trouvé l’appart complètement ruiné, et le chat en sang. J’me souviens encore de ses paroles :

– Merde, Ragamuffin, qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? C’est Ralph qui t’a mis dans cet état ? Au moins, je n’aurais pas besoin de t’emmener chez le véto pour te faire castrer, Ralph s’en est occupé…

Le lendemain, je n’avais plus de maître, plus d’appart, plus de chat à maltraiter, plus rien. Juste une puce qui copulait sans arrêt, et avec qui j’ai noué une franche amitié. Plus tard, j’ai su par la bande que Ragamuffin c’était fait la malle de chez l'humain, et qu’il errait dans les rues, complètement désœuvré, à la recherche d’une âme sœur.

Et aujourd’hui, après toutes ces années, il est là, devant moi, et je sais qu’il va m’être difficile d’avoir des réponses.

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