Chapitre 13 - Un dîner inattendu

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Elizabeth

La journée du jeudi se révèle particulièrement épuisante. Depuis plusieurs jours, j’ai des troubles de l’appétit. Je mange peu et souvent des légumes ce qui ne m’aide pas à garder la forme. Je suis fatiguée et pour preuve, je me suis endormi sur mon bureau hier soir alors que je travaillais sur un dossier.

Demain, je vais aller faire des courses après les cours. Même si je dois faire attention à l’argent, je vais demander quelques livres sterling de plus pour pouvoir manger plus diversifié.

Cassidy s’inquiète déjà de la pâleur de peau qu’elle trouve trop visible. Je n’ai même pas envie de me tartiner en fond de teint pour la rendre plus éclatante. D’ailleurs, c’est moi qui aie initié ma meilleure amie à stopper ce phénomène. Aujourd’hui elle m’en remercie car elle a moins de boutons maintenant que sa peau respire.

Je me dirige vers le bureau de monsieur Grayson pour l’aider dans l’écriture de son livre. Je sais qu’il est déjà là-bas depuis seize heures mais je termine mon cours de chimie à dix-sept heures. Je ne suis pas particulièrement emballée aujourd’hui mais je veux me comporter en étudiante modèle. Je n’ai jamais séché un cours même quand je ne me sentais pas bien et ça ne va pas commencer aujourd’hui.

- Bonjour professeur Grayson, je lance en entrant dans la pièce.

- Vous êtes sûre que ça va mademoiselle Davinson ? s’inquiète-t-il sans me quitter des yeux. Vous êtes très pâle.

- Ça va très bien, je le rassure en m’assaillant à ma table.

Le professeur acquiesce sombrement puis se retourne vers son écran. Je sors mon ordinateur du sac pour commencer à travailler. Il me faut encore un peu de temps pour maitriser les outils Word. Je n’écris pas rapidement les calculs complexes car je dois sans cesse rajouter des racines carrées ou des puissances.

- Votre travail est excellent, ajoute Grayson. J’ai corrigé tous vos calculs depuis le début et il n’y a pas une faute à déplorer. Je ne me suis pas trompé sur votre compte mademoiselle Davinson.

Tous ses compliments me font rougir derrière mon ordinateur. Ça me fait vraiment quelques chose qu’un homme tel que lui me fasse autant de louanges. Nous sommes à Cambridge et les professeurs sont tous très exigeants envers leurs élèves. Je suis tellement heureuse d’être à la hauteur des attentes de Grayson.

- Je fais toujours de mon mieux professeur, je lui indique timidement.

- Continuez comme cela mademoiselle Davinson, réplique-t-il en faisant un hochement de tête.

Le professeur n’a pas lâcher l’ombre d’un sourire et malgré son ton toujours autoritaire, je sais que ces encouragements et ces compliments sont sérieux. Je me concentre à nouveau sur mes calculs afin de ne pas croiser le regard déstabilisant de mon séduisant professeur.

Au bout d’un certain moment, l’écran commence à me donner mal au crâne et mes yeux lâchent quelques larmes sur mes joues. Je ferme les paupières quelques secondes mais ça ne passe pas. Mes oreilles se mettent à siffler et j’ai l’impression que mon cerveau n’est plus irrigué. La dernière sensation qui m’envahit est la légèreté de mon corps qui tombe dans le vide.

Je suis agité par des flashbacks de ma vie. J’entends la voix de Cassidy me parler qui se mêle à celle de ma mère qui me réprimande. Je ne comprends pas pourquoi je suis en train de somnoler, ce n’est pas le moment. Je tente de sortir de cette étrange léthargie lorsqu’une douleur se fraye un chemin sur mon crâne.

Je parviens à ouvrir difficilement les paupières. Mes yeux papillonnent afin que ma vision redevienne nette. Le visage inquiet du professeur Grayson est penché au-dessus de moi. Je me rends compte que je suis allongée sur le canapé de son bureau et il est plutôt confortable. Instinctivement je pose ma main sur mon crâne encore douloureux. Je sens une petite bosse sous mes doigts.

- Vous m’avez fait une belle frayeur mademoiselle Davinson, commence l’enseignant d’un air de reproche. D’après ce que je comprends, vous ne mangez pas assez. Je crois que vous avez fait un malaise à cause de carence.

- Je suis désolée professeur, je balbutie encore déboussolée.

J’essaye de me relever mais Grayson me retient en posant sa main sur mon épaule.

- Je n’ai pas les moyens de varier la nourriture, j’explique pour ne pas qu’un silence gênant s’installe entre nous. En plus, je n’ai pas très faim en ce moment.

Le professeur regarde sa montre puis se lève. Je le vois ranger mes affaires dans mon sac tandis que je suis toujours allongée sur le canapé. Ensuite, il met de l’ordre sur son bureau avant de prendre sa mallette en cuir et mon sac.

- Il est presque dix-neuf-heures, indique-t-il. Je ne vais pas vous laissez rentrer chez vous dans cet état. Nous allons en rester là pour aujourd’hui et aller au restaurant.

- Comment ? je prononce interloquée.

- Pas de refus mademoiselle Davinson, clame l’enseignant avec autorité. Il est hors de question que je laisse ma meilleure étudiante se détruire la santé.

Je suis tellement étonnée par ses dernières paroles que je ne réagis pas. Le professeur se poste près de moi pour m’aider à me relever. J’accepte de prendre la main qu’il me tend avec galanterie.

Lorsque nous sortons du bâtiment, il fait presque nuit et le campus laisse errer les derniers étudiants qui se rendent à la bibliothèque. Nous nous dirigeons vers le parking des professeurs où la Mercedes noire de Grayson se trouve.

Je suis gênée car j’ai peur que quelqu’un de ma promo me croise avec l’enseignant qui porte mon sac. Je lâche un soupir de soulagement uniquement lorsque je referme la portière. Grayson démarre et m’indique que le restaurant est à quelques minutes de l’université.

Le professeur se gare près du parc Parker’s Pieces où se trouve plusieurs voitures de collections. Ensuite, nous marchons quelques mètres avant d’arriver au restaurant où un homme en uniforme nous accueille.

- Bienvenue au Cotto, nous salut-il en souriant.

Lorsque nous entrons, je suis frappée par le luxe de l’établissements. Je recule, impressionnée par la beauté des lieux. Le parquet en bois brun met en valeur de jolie fauteuils turquoise disposé autour de tables immaculée. La qualité de la vaisselle est exceptionnelle. Je me remercie intérieurement de porter une robe élégante assortie à des babies noires vernies.

Un maitre d’hôtel nous indique une table pour deux personnes puis on nous donne des menus. Je me sens soudain intimidée par la carrure du professeur qui se trouve en face de moi. Il fronce les sourcils sans lâcher des yeux le menu. Je souris face à cet air aussi sérieux puis je me plonge à mon tour dans la carte.

- Prenez une entrée, un plat et un dessert de votre choix mademoiselle Davinson, m’ordonne-t-il sans lever les yeux.

Je préfère ne pas contrarier le professeur alors je fais ce qu’il me dit sans poser de question. Il y a énormément de plats qui paraissent excellents. Je vais en profiter pour manger de la viande.

Le serveur vient prendre notre commande. Grayson m’indique d’un regard de commencer. Mon ton n’est pas très assuré mais je réussi à dire à l’employé ce que je veux sans buter sur les mots. A l’inverse, Grayson énumère d’une voix assurée ses choix avant de tendre la carte au serveur. Ensuite, il se tourne vers moi et me dévisage sans gêne.

- Pourquoi avez-vous des troubles alimentaires mademoiselle Davinson ? Est-ce à cause de l’université ? demande-t-il en me servant un verre de vin rouge.

Je ne m’attendais à des questions aussi intimes mais je pense que le professeur veut vraiment m’aider alors je vais être sincère avec lui.

- Je m’inquiète pour mon avenir même s’il me reste encore quelques années d’études, je lui avoue en baissant les yeux sur mon verre en cristal.

- Comme je vous l’ai dit la dernière fois, vous n’avez pas à vous en faire, dit-il à nouveau d’un ton sévère. Le prestige de Cambridge jouera naturellement en votre faveur surtout si vous avez un bon classement.

Nos entrées arrivent très vite sur notre table et je suis émerveillé par la délicatesse et la sophistication de la présentation. C’est tellement beau que je n’ose même pas manger. Lorsque je lève la tête, je vois que le professeur a déjà commencé à manger. Cette fois, il me regarde avec douceur et bienveillance. A mon tour, je goûte l’entrée qui est exquise. Je n’ai jamais mangé quelque chose d’aussi bon.

- Je sais qu’être étudiant à Cambridge n’est pas facile, poursuit Grayson. J’ai étudié là-bas aussi il y a environ dix ans.

- C’est impressionnant professeur, je m’exclame admirative. Quel est votre parcours ? Il semble tellement fascinant.

Je termine de manger l’entrée rapidement car je me suis rendu compte à quel point j’avais faim.

- J’ai une double licence en physique et astronomie puis j’ai fait un master de physique appliquée, explique-t-il. J’ai terminé par un doctorat où j’ai fait décider de mélanger les deux matières dans ma thèse. Mais je n’ai pas votre mémoire mademoiselle Davinson et je ne vous cache pas que j’ai vraiment travaillé dur.

- Pourquoi tant de compliments professeur ? je lâche timidement.

- Parce que c’est la première fois que je rencontre une personne aussi intelligente, répond-il sans me quitter des yeux.

Le plat de résistance vient d’arriver et je commence à manger afin d’éviter le regard intense du professeur. Ça y est, je crois que je suis déjà en train de rougir.

- Je sais qu’il est difficile pour les surdoués de s’intégrer dans le système mais je dois dire que vous avez particulièrement brillé.

Je continue de manger mon bœuf parfaitement cuit avec ma purée de pois cassé accompagné d’une sauce au cèpes. Les plats sont très fournis en nourriture et je commence à reprendre des forces.

- Vous avez repris des couleurs, commente Grayson. Je suis heureux que vous vous sentiez mieux.

- C’est très bon professeur, je ne vous remercierais jamais assez pour ce repas.

L’enseignant hoche la tête et lâche un petit sourire. Nous finissons nos plats en silence. Je me délecte de cette nourriture que je ne pourrais pas me payer avant longtemps. Une fois nos plats débarrassés, je remets un pli de ma jupe à sa place.

- Comment va se dérouler la Convention ? je demande pour faire la conversation.

- Nous partirons pour cinq jours dont deux jours sont réservés au trajet, explique-t-il en buvant une gorgé de vin. La Convention va durer trois jours et rassemblera tous les grands esprits de la science contemporaine. Je voulais offrir cette opportunité aux premiers étudiants que j’ai en classe, c’est-à-dire les troisièmes années de licence.

- J’aimerais tellement être prise, j’avoue l’ai rêveuse.

- Je ne doute pas que votre candidature soit retenue, réplique-t-il du tac au tac.

Le serveur amène notre dessert et je suis subjugué par l’esthétique de ma glace. Je ne fais pas attention au professeur et de déguste mon sorbet avec goût. Lorsque nous avons terminé, je sens la fatigue me gagner. Le professeur glisse cent cinquante livres sous le verre puis m’indique la sortie. Nous prenons la voiture en silence puis Grayson prend la direction de ma résidence.

- Promettez-moi de manger mieux mademoiselle Davinson, lâche-t-il avant de nous séparer. Je ne veux pas que ma meilleure élève finisse à l’hôpital.

- Je vous le promets, je murmure avant de quitter sa Mercedes pour rejoindre mon nid douillet.

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