Chronique journalière 6 — 23/09/2024 — Page 124

3 minutes de lecture

Bismillahi, r-Rahmani, r-Rahimi.
De 4 h 04 à 5 h 05.
Mon seigneur, je sais que tu ne m’as ni abandonné ni détesté, et pourtant… je ne peux m’empêcher de le croire. Voilà plus de deux semaines que la qualité de mon sommeil se détériore, et j’en redoute l’issu. Je connais trop bien cet enchaînement, je sais où il mène. Je me sens condamné. J’ai besoin d’aide, mais je ne saurais vers qui me tourner. À quoi bon ? J’ai l’impression d’avoir tout essayé. Je suis pris au piège — inlassablement, le mal revient pour me laisser au fond du trou. Le comeback est réel, comme dirait Inox, mais jusqu’à quand ? Mes périodes d’abattement me terrifient. J’ai le sentiment qu’elles deviennent chaque fois plus sombres. Pour de vrai, j’ai peur.
Mon seigneur, cela fait des années maintenant. De trop longues années. Plusieurs fois, j’ai cru que la leçon était apprise, que bientôt tout cela ne serait plus qu’un souvenir. Je me trompais. J’ai espéré. Aujourd’hui, j’ai du mal. J’ai trop mal.
J’ai bientôt trente ans, et rien dans ma vie n’est établi. À vingt ans je n’avais, mais c’était le jeu. L’avenir m’appartenait. Dix ans plus tard, je n’ai guère plus… sinon le poids du retard, et une situation qui n’augure rien de bon. Je ne pars même pas de zéro, j’ai un handicap. J’ai peur de tout ce que je dois entreprendre, sans en avoir la force. J’ai peur pour ma santé mentale, qui se consume à petit feu. J’ai peur de ne bientôt plus avoir le courage de rien. Mes attentes sont désormais celles d’un homme de mon âge, et pour y faire face, l’anxiété et les crises d’angoisse sont mes seules armes. Je me suis fait voler mes plus belles années.
Ya rabbi, je suis profondément triste de ne pas avoir su vivre. Ma frustration passagère n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de ma tristesse. J’ai cru, un temps, avoir trouvé la clé. Il me fallait peu pour être heureux. Aujourd’hui, je n’ai presque plus rien, et ce qui me reste, je peine même à l’apprécier. Je suis traumatisé par cette épreuve. L’incapacité s’est transformée en un monstre dévorant ma quiétude. J’ai donné des leçons, j’en ai reçu encore davantage, et me voilà réduit à cet état de dépendance. Je le vis mal. Très mal.
Les trois derniers jours m’ont replongé en enfer. Je me suis perdu, je me suis tendu et j’ai fini par exploser. Encore une fois. Je pourrais les qualifier de légers, comparés à ce que j’ai déjà traversé, et pourtant, j’en perds mes cheveux à vue d’œil. De nouvelles entailles sont venues meurtrir mon petit cœur. Je force, je m’accroche, j’essaie de faire les choses bien… mais j’ai constamment l’impression de m’y prendre mal. Ma bonne volonté est sincère. Je crois me connaître, je crois avoir cerné ce mal, et pourtant, rien n’y fait. Je perds, inlassablement. Je finirai presque par considérer que je suis ce looser présumé. Heureusement, tu es éternellement là.
Trois jours encore perdus à souffrir nerveusement. Les doigts, les mains, les avant-bras, les cuisses, les chevilles et le visage. Tout y passe. Tu le sais, c’est le coin gauche de ma bouche qui m’inquiète le plus. J’en garde de mauvais souvenirs. Pourquoi les autres ont-ils le droit de vivre ? Pourquoi, moi non ? Je te prie et je t’en prie mon seigneur. Même malgré les douleurs.
Ma tête ne tourne plus rond. Je me regarde dormir, comme détaché de moi-même. Je patiente en attendant le moment où, peu à peu, je m’abandonne.
Enfin, après des jours et des nuits obscures, il arrive. Le repos peut s’effectuer, le comeback s’amorce. Alors, doucement, les pensées positives pointent le bout de leur nez. Oui, une nouvelle fois, j’ai failli pleurer. Des pensées nouvelles me permettent d’occulter ce passé qu’il me faut oublier. J’ai de moins en moins mal. Timidement, je pivote à nouveau, cherchant à retrouver le bon sens et, surtout, mon bon sens. Le rêve de possessions m’aide à me relever.
Puis, je me console en minimisant la gravité des choses. Les mensonges que je me raconte, je fais semblant d’y croire. Désormais, la peur n’est plus au premier plan, mais elle continue d’influencer mes choix, mes décisions. Je dois l’oublier pour avancer, au moins jusqu’à ce qu’elle revienne. Profite loi d’airain, un jour, j’irais bien.

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