Chapitre 3 : Qui s'y frotte, s'y pique

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Positionné du côté ouest du château, Khalel et sa conseillère Mei, entraient dans l'appartement avec émerveillement. La première pièce menait dans un salon spacieux et lumineux. Un long canapé bleu faisait face à deux fauteuils en cuir séparés par une table basse en verre. Sur le mur droit, Khalel distingua plusieurs commodes en bois sur lequel était déposé un vase blanc, contenant un bouquet de fleur dans des tons vifs. Elles contrastaient avec les murs beiges et le sol en bêton. Sur le mur gauche, longeait une bibliothèque qui s’étendait au bout de la pièce. Elle contenait des livres d’histoire et fiction ainsi que divers bibelots utilisés pour la décoration. Néanmoins la conseillère sautilla en découvrant un espace pour le minibar remplis de bouteilles alcoolisés.

Tandis qu'elle s'extasiait devant tous ces alcools, Le roi de Miduzi s'était avancé vers la grande baie du fond. Il monta deux marches sur son chemin et s'arrêta. Son appartement contenait deux pièces supplémentaires. Une salle de bain à sa droite, fermée par une porte tandis qu'à sa gauche, un grand lit baldaquin de couleur noire lui promettait des nuits confortables.

En s'approchant davantage, Khalel ne pouvait pas manquer les deux servantes qui terminaient de défaire ses bagages dans le dressing. La chambre restait lumineuse grâce à la continuité de la baie mais s'il le désirait, Khalel pouvait tirer de grands rideaux mauves pour donner plus d'intimité au lieu. Néanmoins Khalel se désola de découvrir divers chandeliers et bougies sur les murs et commodes, destinés à éclairer la nuit. Son royaume avait développé une technologie plus avancé qu'il appelait "l'éclair du ciel". D'un simple bouton et de fil encastrés dans les murs permettaient de rendre ces objets superflus. Il commençait à regretter de ne pas avoir proposé au roi Sethis ce savoir contre son soutien, au lieu de subir le contrat.

Après un soupir, il entendit sa conseillère s'extasier dans la salle de bain. Le sol était recouvert d'un bois clair. Ce matériau était utilisé dans le royaume de Miduzi, or, c'était la baignoire en céramique, entourée de paravent en papier, qui valait au roi d'entendre ces cris de joie. Bien qu'elle appelait à le rejoindre, Khalel préféra l'ignorer et ouvrir la baie, pour rejoindre la terrasse. Le temps était fabuleux. Il s'avança vers la balustrade en pierre sans se préoccuper des deux tables rondes et de leurs chaises en fer forgé qui se dressaient sur son chemin. Un sourire sur le coin de la lèvre inférieur sous-entendait que la vue sur une partie de la cité le satisfaisait. Une légère brise amena quelques bruits des marchands qui vendaient leurs fruits et leurs poissons sur la grande place blanche. Khalel inspira une grande bouffée d’air frais avant de retourner à l'intérieur.

Lorsqu’il referma la baie, sa conseillère Mei était assise sur le canapé bleu avec les jambes croisées. Elle avait attendu que son tour d’introspection se termine.

« Êtes-vous bien installé Majesté ? J’ai été informé que le roi Sethis a réalisé les mêmes travaux pour que votre chambre puisse être identique au roi Aldor.

— Une copie ?

— Invitez deux rois sous son toit n’est pas une mince à faire. Il s’assure que vous ayez tous les deux les mêmes droits et privilèges.

— Bonne déduction, mais cela m’importe peu. Dis moi, il n’y a qu’un lit ici, le roi Sethis a-t-il prévu une chambre pour les conseillers ?

— On m’a informé que mes quartiers se trouvaient à côté des vôtres majesté.

— Je vois ; Que crois-tu qu’Hayden fait en ce moment même ? »

Mei décroisa ses jambes et posa un doigt sur son menton, les yeux rivés au plafond.

« Il est connu pour être impulsif et ingrat. La chambre ne doit pas le convenir. J'ai parlé avec les servantes. Elles m'ont confirmés que l'appartement principal de la princesse est située au deuxième étage... soit juste au-dessus du vôtre.

— Voilà une bonne nouvelle, répondit-il en leva les yeux à son tour au plafond.

— C'est à croire que le hasard fait bien les choses. Il ne sera pas difficile pour vous de la conquérir, Majesté. »

Khalel croisa ses mains derrière le dos, l’air soucieux. « Je l’ignore, la princesse semble avoir du caractère, tant mieux, tant mieux…»

Le roi de Miduzi jeta un œil en direction de la terrasse. « Il fait un temps exquis aujourd’hui. Il serait bien dommage de ne pas en profiter. J’ai envie de découvrir, les jardins de Sethis.

— Vous pensez que c’est raisonnable ?

— Le roi Sethis nous a expressément demandé d’éviter l’autre idiot, pas qu’on reste enfermé ici.

— Dans cas il serait mieux pour vous de déplacer avec votre épée à vos côtés, lança-t-elle en pointant son doigt en direction de la bibliothèque. »

Khalel souria. L’épée dans son fourreau s’y trouvait posé contre. Il se leva et passa devant Mei.

« Si vous me le demandez, Je vous suivrai où vous le voulez, précisa Mei.

— Soit, je n’y ai même pas prêté attention en rentrant, ajouta-il en attachant l’épée à sa ceinture, merci Mei.

— C’est les servantes qui l’ont ramené avec les soldats de Soranda. Vous savez Votre Majesté, ces hommes ne vous lâcheront pas.

— Ils sont restés à l’entrée tu crois ? »

Mei acquiesça d’un mouvement de tête.

« Qu’attendons-nous pour leur demander de nous conduire aux jardins ? »

***

Lisanna marchait à pas rapide, elle avait probablement fait vingt fois le tour de la statue du jardin royal. C'était la représentation de son arrière-grand-père, bras en l'air, symbole d'espoir, puis elle détourna son regard vers son amie et sa conseillère Zara.

C'était une jeune femme de vingt-ans. Orpheline de guerre, le roi Sethis avait vu en elle une future femme d’une grande beauté. Il ne s’était pas trompé. En grandissant, Zara cessa de porter des vêtements trop amples. Protégée par le roi et la princesse, elle pouvait s'habiller comme elle l'entendait. Il lui était impossible de porter des robes, préférant short et minishort en été. Une tenue indécente aux yeux des servantes. Beaucoup d'entre elles crurent que ses intentions étaient d'attirer les faveurs du roi mais la vérité était que le roi cherchait à la séduire depuis deux ans. Lisanna frissonnait à cette idée mais Zara ne s'en préoccupait pas. Sethis était un roi digne et respectueux, elle ne craignait rien, malgré parfois des sous-entendus déplacées en plein dîner, devant sa fille gênée. La princesse se secoua la tête pour faire disparaitre ces pensées avant de se concentrer sur les paroles inquiètent de Zara :

« Ne traînons pas dans les jardins princesse, les queues des chiens ne vont pas tarder à remuer, s'ils vous voit ici. »

Lisanna esquissa un sourire devant son insolence. C'était l'amie qui parlait, pas la conseillère.

« Ils ne sont pas chez eux, ils seront bien dressés.

— Ces rois vont chercher à vous courtiser ! expliqua Zara, ne leur facilitez pas la tâche, le temps qu'on puisse trouver une solution à votre situation. Notre jeu d'échec devrait nous inspirer, comme il l'a toujours fait.

— Vous n'êtes pas dans vos appartements princesse ? » répondit un inconnu.

Lisanna sursauta. Mécontente d’avoir été prise par surprise, elle fixa avec un air sévère ce roi qui avait finalement osé se présenter devant elle. Elle répliqua aussitôt : « Est-ce la peur qui vous a donné ce gris à vos cheveux ? »

Khalel fit la révérence et lui tendit une rose bleue en souriant.

« Un gêne rare que porte ma famille, je vous prie d’accepter cette rose en signe de réconciliation. Nous n’avons pas vraiment pu apprendre à nous connaitre.

— Qui vous dit que j’ai envie de vous connaitre ? répondit-elle méfiante, n’ai-je pas été assez clair lors de l’audience ?

— Très bien si vous ne souhaitez pas en savoir davantage sur moi, permettez alors, que j’en apprenne un peu plus sur vous.»

Zara grommela mais Lisanna d'un geste de la main l'empêcha de parler sans quitter du regard le roi étranger.

« Qu’attendez-vous de moi ? Vous pensez que je vais prendre la rose et vous faire visiter les jardins en retour ?

— En voilà une bonne idée ! Promenons-nous ensemble ! », dit-il joyeusement.

Zara se rapprocha de la princesse pour lui chuchoter quelques mots : « Dois-je prévenir le roi sur la situation ? demanda-t-elle.

— Je vais régler cette histoire, tu peux disposer.

— Vous voulez être seule, avec lui ? Je ne peux pas ! s'insurgea-t-elle.

— C’est un ordre Zara, (elle haussa la voix en direction de Khalel) mais vous pouvez demander la même chose à votre conseillère, roi de Miduzi. Elle n’a pas besoin de rester en retrait derrière le rosier.

— Plaît-il ?

— Celui qui se trouve derrière vous enfin ! Certainement le même rosier sur lequel vous avez cueillit la rose, c’est évident.»

Lisanna était loin d’être dupe. Khalel réalisait que même en dehors du trône, elle ne respectait pas les convenances habituelles d'une princesse. Il s'attendait la voir rougir avec le regard fuyant devant les paroles d'un roi mais c'était le contraire. Lisanna relevait la tête sans crainte.

Les rumeurs sur son éducation était fondée. Le roi Sethis l'avait élevé comme un garçon. Lisanna devait donc savoir se défendre, même en robe. Les règles de vie à Soranda avaient bien changé pour les femmes mais aussi pour les hommes. Désormais quelque soit leur naissance, chacun était libre de réaliser le métier qu'il souhaitait. Si une femme voulait devenir soldat elle le pouvait. Si un homme désirait être père au foyer, il le pouvait après un service militaire obligatoire car les batailles n'étaient jamais loin même en tant de paix. Un modèle de vie dont Soranda s'était inspiré du royaume de Miduzi. Khalel souria de se sentir un peu responsable sur cette évolution. Mais Sethis était allé encore plus loin, en modifiant certaines règles dans la royauté.

Des années auparavant, Sethis décréta que sa fille Lisanna deviendrait la future reine de Soranda, jouissant des mêmes pouvoirs que celui d’un roi. Il était dit que suite à ces annonces, plusieurs individus se réunissaient dans l’ombre pour tenter de détrôner le roi. La traque dura longtemps avant qu'ils ne furent tous capturés et tués sur la place publique, au sud de la cité. Sethis devait faire des exemples pour que l'envie de se rebeller contre ses nouvelles lois, puisse s'éteindre à tout jamais dans les cœurs des gens; notamment dans ceux des plus fortunés. La paix était revenue à Soranda et son autorité fut respectée jusqu’à ce jour.

Khalel était sûr désormais, cette femme était la première de son genre. Une femme, belle, intelligente, autoritaire avec de l’énergie à revendre. Une femme qui voulait faire ses preuves. Il était décidait à présent de prendre le défis plus au sérieux. Khalel souria, les mains dans les poches tandis que sa conseillère, démasquée se rapprocha pour saluer la princesse d'une révérence.

« J’aurai dû faire les présentations plus tôt, excusez mon manque de politesse, se défendit le roi, voici Mei Esel, ma conseillère. C’est une femme que l’on peut faire confiance. Elle prend son travail très au sérieux. »

Lisanna prit le temps de contempler son corps de femme bien proportionnée, puis elle répondit froidement : « Quel dommage.

— Pardon ?

— Vous êtes obligé de me courtiser alors que vous avez de belles femmes qui vous entourent. Cela doit-être très frustrant pour vous.

— Je crois que vous vous méprenez princesse. En dehors de mes soucis avec le royaume d’Aldor, je suis vraiment ravi de pouvoir vous rencontrer ! Mei est importante à mes yeux, mais j’espère que vous le saurez bien plus. », lança-il d'un sourire malicieux.

Khalel attrape soudainement la main de Lisanna et l’embrassa avec délicatesse. Lisanna eut un léger recul tandis que ses joues prirent une délicate couleur rouge en retour. Le roi était ravi de la savoir plus sensible que prévu à ses avances. Il sentit pourtant une aura noire au-dessus de sa tête. Il jeta un rapide coup d'oeil en direction de Zara au visage sombre, quand une voix familière interrompit le moment.

« Ah je le savais que je te trouverai dans les jupes de la Dame ! hurla la voix.

— Il manquait plus que lui ! soupira Khalel en se redressant.

— Hayden Kepton ? ajouta Zara surprise.

— Tu vas tâter de mon épée pour oser tricher de la sorte !

— Tricher ? Rien n’a été dit que je ne pouvais pas me balader dans les jardins, d’ailleurs tu es bien là toi !

— Éloigne-toi de la princesse immédiatement !

— Il suffit ! » ordonna la princesse, mais elle ne fut pas entendu.

Hayden dégaina son épée. Khalel fit de même, prêt à contrer l’attaque, cependant deux lames mauves s’interposèrent pour stopper les échanges. Aux contacts de ces lames, une légère onde de choc repoussa les deux rois en arrière. Lisanna n’avait pas hésité à se plaçait rapidement entre eux, au risque de déchirer sa robe sous une posture défensive. Elle maintenait deux armes en mains sans sourciller.

« J’ai dit IL SUFFIT ! répéta-t-elle, une fois avoir obtenue l’attention demandée.

— Vous cachez d'étranges choses sous vos jupons ! constata Hayden en rangeant son épée.

— Ces armes, reprit Khalel… c’est…

— Des saïs avec des lames mauves. Ces petites épées m’aident à assommer ou à tuer s’il le faut ! Essayez donc encore de me désobéir et le prochain coup sera moins agréable pour vous. »

Les deux rois déconcertés abdiquèrent avec calme.

« Vous êtes finalement capable de me surprendre, ajouta Hayden.

— Vous n’avez qu’à tenter de me connaitre. conclus-t-elle en faisant un clin d’œil à Khalel, veuillez ne plus vous croisez jusqu’au bal et cet incident restera entre nous, compris ? »

Lisanna appela ses gardes pour les raccompagner à leurs chambres.

Les deux rois firent la révérence à la princesse et partir chacun de leur côté. Zara soupira.

« Vous voyez que j'avais raison... des chiens !

— On dirait plutôt des ânes... mais rentrons... comme l'a dit mon père, j'ai besoin de me reposer.

***

Dans la chambre du roi d’Aldor, Mars, préparait deux tasse de thé dans la plus grande tradition de sa famille, quand l’arrivé de son roi en colère l'interrompit. Il était raccompagné par deux gardes de Soranda en armure doré et doté d’une lance de couleur mauve. Quand ces derniers quittèrent la pièce, en fermant la porte derrière eux, Mars bu sereinement une gorgée de son thé, puis posa la tasse sur la table. Il était à présent disposé à écouter ses plaintes.

« Une tasse de thé ?

— Je préfère le café, combien de fois dois-je te le répéter ? »

Le conseiller dans sa tunique rouge, lui proposa tout de même la tasse sans un mot. Hayden, s’effondra sur le grand canapé bleu et accepta comme toujours la boisson délicate.

« Une chance que nos appartements tombent sur les jardins privées, votre majesté.

— Je n’ai pas réussi à me contrôler devant la vue de ce misérable.

— J’ai tout vu, mais cette jeune femme, la princesse Lisanna est impressionnante n’est-ce pas ? Elle ne vous rappelle pas quelqu’un ?

— Cette maigrichonne ? Elle n’a pas beaucoup de sein pour une princesse. Je ne vois pas ce que vous lui trouvait comme ressemblance. »

Le conseiller but une gorgée dans sa tasse avant d’examiner son roi avec précaution. Son regard bleuté montrait qu’il était perturbé par un souvenir agréable et douloureux à la fois. Le roi trentenaire posa sa tasse, et se passa une main dans ses cheveux noirs. Il savait qu’il ne pouvait rien cacher aux yeux de son conseiller.

— Mars, s’il te plait, je n’ai pas envie d’en parler alors cesse de me regarder avec ces yeux de chien battu.

— J’ai toujours eu des petits yeux brillants, Votre Altesse. »

Le silence tomba.

« J’y pense, reprit Hayden, les servantes ont-elles préparé mon bain ?

— Oui, elles reviendront dans deux heures pour nous apporter le dîner.

— Dîner ici… j’ai l’impression d’être prisonnier d'une cage dorée.

— Ce n’est que pour un temps Votre Majesté, ce n’est que pour un temps. »

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