Chapitre 24 :Le retour des héros
Finalement, la nuit s’avéra plutôt calme, la clairière était désormais déserte. Pendant notre aller et retour pour livrer Shaergraz, les vers krill avaient nettoyés les cadavres et étaient repartis, avec leur encombrante reine, dans la forêt pour y trouver leur pitance.
Après une nuit de repos et un copieux déjeuner pris sur les réserves trouvées sur place, nous reprîmes la direction de Brindol, non sans une certaine appréhension.
Quelques heures plus tard, alors que nous approchions prudemment de la rivière Olsir, nous aperçûmes des bandes éparses d’orks qui s’éloignaient de Brindol par la piste du sud, vers Sombre-Gué. Visiblement, le siège n’était plus à l’ordre du jour et l’armée orke se dispersait dans une certaine confusion. Il semblait donc que Karak Œil-de-Sang avait tenu parole. À notre vif soulagement. Et à celui de la population du val, sans nul doute.
Alors que nous arrivions à quelques centaines de mètres de la ville, nous constatâmes qu’il y avait de nombreux panaches de fumée noire qui témoignaient de la persistance d’incendies. Plusieurs brèches dans les fortifications attestaient que les défenses avaient commencées à céder et que les derniers combats s’étaient livrés à l’intérieur.
De nombreux chargeurs de Thérath, fraîchement arrivés, patrouillaient afin de sécuriser les abords et inspectaient les nombreux cadavres d’orks en vérifiant s’il y avait des survivants.
Aux portes sud de la ville, nous aperçûmes Jorr et nos chevaux. Cela me fit vraiment plaisir de constater que levieil éclaireur avait survécu. Il était arrivé depuis peu et constatait les dégâts, tout comme nous. Nous lui apprîmes le décès de ses deux chiens lors de l’attaque de nuit des orks. Même s’il s’y attendait, il accusa le coup.
À peine avions-nous pénétré dans la ville que la scène se fit encore plus dure. Les défenseurs avaient lutté pied à pied contre les assaillants et c’étaient de véritables tas de cadavres qui s’élevaient de part et d’autres des brèches. Ici et là, les chargeurs de Thérath transportaient les corps vers des bûchers funéraires. Vu le nombre de morts, les rites habituels n’avaient plus cours et il fallait empêcher que les corps ne pourrissent et ne propagent des maladies aux survivants, notamment aux nombreux blessés affaiblis.
Les orks avaient payés un lourd tribut dans cette folie car ils étaient des deux côtés des murs et les défenseurs avaient montrés un héroïsme équivalent à la fureur des assaillants.
Plus loin, nous rencontrâmes un groupe de sylphelins du village du marais Noir. Une cinquantaine d’entre eux étaient venus prêter main forte afin de tenter d’enrayer une marée orke qui aurait, tôt ou tard, englouti également leur communauté. Certains d’entre eux avaient payé de leur vie cette aide et même ce petit peuple, habituellement gai et insouciant, semblait affecté par leurs pertes et par l’ambiance de recueillement et de tristesse.
Ailleurs, nous apprîmes le décès de la naine Soranna, la courageuse chef de la milice du Bac de Drelyn. Plus loin, celle de Lars Blonde-Paillasse, le capitaine nain de la Garde des Lions de Brindol.
On nous informa également que la plupart des guérisseurs avaient péris, victimes privilégiées d’assassins infiltrés ou de sympathisants. Au nombre des victimes figurait Tredora Mèchedorée, l’orke questrice de Garlen qui avait si bien soigné So’tek.
Plus nous progressions au milieu de ces morts et apprenions de mauvaises nouvelles, plus je sentais l’appréhension me gagner au sujet des deux personnes qui comptaient pour moi dans cette ville. Alors que je commençais à m’enquérir de Luriel, je l’aperçus un peu plus loin. La maîtresse d’arme dirigeait des opérations d’évacuation de blessés avec autorité. Elle avait quelques égratignures et coupures légères, mais rien de grave. Avisant notre présence, elle nous considéra gravement et me lança sans aménité :
« C’est maintenant que vous arrivez ?! La bataille est finie, il est bien temps !
- La bonne question serait de demander pourquoi les orks sont partis, rétorquai-je, piqué au vif.
- Valérian 1 – Luriel 0… murmura So’tek.
L’elfe marqua une hésitation mais son regard resta sombre.
- Tu veux me faire croire que vous êtes pour quelque chose dans le repli des orks ?
- C’est possible, mais il sera bien temps de parler de cela plus tard. Nous avons tous mieux à faire que raconter des histoires. Comment vas-tu ?
- Sérieusement, Valérian, regardes autour de toi. Comment veux-tu que j’aille ?
- Hum… effectivement. Je vais te laisser, on se verra plus tard.
Elle n’avait pas compris que c’était son état à elle qui m’importait. Mais elle semblait à cran et le moment n’était sans doute pas bien choisi pour une discussion.
- Tu devrais allez voir à l’Auberge de la Wyverne de Pierre. Les orks étaient particulièrement acharnés là-bas. »
Mon cœur rata un battement. Je la remerciai brièvement et fonçai vers l’établissement en question. Pourquoi cette auberge ? Les orks croyaient-ils à la légende qui prétendait que cette wyverne de pierre pouvait revenir à la vie ? Ou pensaient-ils y trouver certains aventuriers gênants ? Il y a quelques jours, j’aurai ris de cette dernière hypothèse, mais les entretiens avec Karak Œil-de-Sang et avec Shaergraz m’avaient prouvé que nos déplacements étaient surveillés et intéressaient nos ennemis.
* *
Je parvins à l’auberge et constatai que les abords comportaient effectivement beaucoup de corps. La façade et les nombreuses vitres cassées témoignaient que le bâtiment avait été pris d’assaut. L’intérieur était ravagé mais les murs tenaient debout et les survivants de la famille du propriétaire s’attelaient déjà au nettoyage. Répondant à mes questions, ils m’indiquèrent que la jeune Carelia reposait dans une des chambres de l’étage, suite à sa blessure.
J’avalai les marches de l’escalier et me précipitai dans la chambre indiquée. Je m’attendais à y trouver la jeune fille veillée par ses parents angoissés. Mais non, elle était seule dans la pièce, alitée, inconsciente et fiévreuse. Je cherchai sa blessure et trouvai un bandage simple et propre qui recouvrait une petite blessure qui semblait bien soignée. La chair ne semblait pas infectée. Alors qu’elle était l’origine de cette torpeur fiévreuse ?
Désormais quelque peu rasséréné sur l’état de la jeune femme, je remarquai avec un temps de retard, que la pièce était propre, claire et calme. Je percevais à peine les bruits de l’extérieur, malgré l’agitation d’une ville qui inventoriait ses pertes et ses blessures.
J’entendis soudain un léger froissement d’étoffe dans mon dos et je me retournai d’un bloc. J’aperçus alors une silhouette féminine assise dans l’ombre, vêtue d’une ample cape qui dissimulait son corps et son visage. Mais pas l’éclat de son regard. Rieur mais aussi scrutateur et perçant, comme s’il voulait sonder mon âme. Je ne ressentis nulle menace de sa part mais je pressentais que ce n’était pas une simple visiteuse. Pourtant, cette personne n’était pas là à mon entrée, j’aurais pu en jurer.
Sa voix mélodieuse et claire s’éleva :
« Bonjour Valérian. Je t’attendais.
- Heu… bonjour. Qui êtes-vous ?
- Est-ce que tu aimes cette jeune fille ?
- Hein ? Carelia ? En quoi ça vous concerne ?
- Est-ce tu veux sauver Carelia ? L’aimes-tu vraiment ?
- En voilà une question ! Vous pouvez la sauver, vous ?
- Peut-être. Mais ce sont tes réponses qui la sauveront.
- Pardon ? À quoi rime tout ceci ? J’ai comme l’idée que vous savez très bien de quoi elle souffre !
- Allons, l’as-tu bien regardé ? A-t-elle l’air de souffrir ?
- Non, certes. Mais je note que vous ne m’avez toujours pas dit qui vous êtes.
- N’as-tu pas une petite idée ? »
À ces mots, elle se leva, la cape disparue et sa silhouette parut resplendir. Une femme incroyablement belle se tenait désormais devant moi, un luth à la main. Sur sa bouche parfaite jouait un fin sourire mais ses yeux ne riaient plus. Leur force de scrutation n’avait pas faiblit, bien au contraire, et elle captait mon regard.
Plus tard, il me sera impossible de déterminer la couleur de ses cheveux, de ses yeux ou de ses lèvres. Elle était à la fois toutes les femmes et la femme ultime. Je n’en garderai qu’une impression de perfection et un souvenir précieux que je chérirai souvent.
Je compris soudain. J’avais la visite d’Astendar, la Passion des arts et de l’amour.
« Bien, tu sais qui je suis. Alors, vas-tu répondre à ma question ? Aimes-tu réellement Carelia ?
- Oui… enfin non pas réellement, balbutiai-je, partagé entre la vérité et le désir de la sauver. Je l’aime beaucoup et je ne veux pas qu’elle meure, mais je ne pense pas qu’elle sera la femme de ma vie.
- Ce n’est pas ma question et beaucoup de gens sont morts ces derniers jours.
- Mais pas elle ! Ce ne serait pas juste ! Elle est jeune et ne demande qu’à vivre.
- Plus vraiment depuis qu’elle pense que tu es mort…
- Hein ?! Mais non, je suis là ! »
Je me penchai vers la jeune fille et lui murmurait des mots de réconfort à l’oreille, espérant qu’ils atteindraient son esprit endormi. Une douce musique s’éleva derrière moi alors qu’Astendar commençait à chanter de sa voix mélodieuse. Sa composition musicale parlait d’Erine, Valériane, Keleshane, Maloniel et quelques autres. Bref, rien qui ne m’aidait vraiment à me concentrer pour sauver Carelia.
Constatant l’absence d’efficacité de ma tentative et des effets que son chant commençait à produire sur mon esprit, je me tournai vers Astendar :
« Dites, vous ne m’aidez pas vraiment, là !
- Pourquoi devrais-je t’aider ? Tu es incapable de t’aider toi-même ! Qui veux-tu être, Valérian ? Le héros qui vient de participer au sauvetage de milliers de personnes, qui a survécu à de nombreux périls et qui rêve de conquérir le cœur des jeunes femmes ? Ou l’aventurier qui doute toujours de lui, qui se lamente de ne pas tuer assez de gens - et plus encore quand il parvient à les tuer ! - et qui porte chaque conquête amoureuse comme un fardeau ? Quel Valérian veux-tu être, Aloysius ?
Le dernier mot me toucha en plein cœur ! Comme si, au lieu des cordes de son luth, elle avait pincé les cordes de ma trame, faisant résonner les échos d’une ancienne vie. Il me fallut quelques secondes pour me reprendre.
- Je vois… qu’est-ce que vous attendez de moi ? Que dois-je faire pour sauver Carelia ?
- Que tu me rejoignes… si tu le souhaites, dit-elle en me tendant une main parfaite.
- Et Carelia ? m’écriais-je pour éviter de penser aux conséquences de son invitation et à sa présence plus que troublante.
- Quoi Carelia ? Tu ne l’aimes pas vraiment, non ?
- Ce n’est pas une raison pour que je l’abandonne ! Si c’est vous qui l’avez placé dans cet état, je ne ferai rien pour vous tant que vous ne l’aurez pas guérie ! Je ne veux pas que vous serviez d’elle pour faire pression sur moi. C’est une gentille fille et elle mérite mieux !
Ses sourcils se froncèrent et un voile de contrariété passa fugitivement sur son visage. Je ne savais pas vraiment ce qu’elle attendait de moi et mes réponses ne semblaient pas la satisfaire.
- Très bien. Si c’est ce que tu veux… »
La silhouette d’Astendar se fit imprécise puis disparut progressivement. Une douce mélodie flotta un instant dans l’air, comme un parfum. Je me tournai vers Carelia au moment où elle reprenait connaissance. Je m’assis à son côté et lui pris la main. Elle était encore très chaude. Je posais une paume sur son front brûlant. La fièvre n’était pas tombée mais son regard était vif et elle semblait toute à fait consciente.
« Valérian, tu es enfin revenu !
- Oui ma douce… comment vas-tu ?
- Hmm ? Hé bien… très bien, en fait !
Elle s’étira langoureusement comme après un long sommeil puis m’attira vers elle, son regard - fort expressif - ne quittant pas le mien.
- Heu, Carelia, tu es blessée et ce n’est pas vraiment le moment de faire des folies…
- Blessée ? Vraiment ?
D’un geste, elle fit voler le pansement et regarda la légère rougeur qui avait remplacé la petite cicatrice de tout à l’heure. Avec un sourire gourmand, elle m’attira sur elle avec plus de force et vainquit mes dernières résistances.
Les instants qui suivirent furent merveilleux et j’eus l’impression de faire vraiment l’amour pour la première fois. Comme si toutes les étreintes précédentes n’avaient été qu’une répétition pour ce moment unique. Carelia fut passionnée, inventive, infatigable, tantôt douce, tantôt forte. Et chaque fois que je la regardai dans les yeux, j’y vis l’étincelle rieuse aperçue chez Astendar. Mais je me refusai à penser aux implications, ne vivant que pour la perfection du moment présent, consumé par la passion.
* *
Une petite éternité plus tard, je me réveillai aux côtés d’une Carelia endormie. Je déposai un baiser sur sa douce épaule, puis me levai. En regardant par la fenêtre, je constatai que la journée tirait à sa fin et que la nuit approchait. Songeur, je me demandai ce qui s’était réellement passé.
Je me retournai et aperçu le luth d’Astendar posé en évidence sur la chaise qu’elle avait occupée. Je m’approchai de l’objet avec lenteur, presque avec crainte. L’objet était superbe et appelait ma main. Je sus instinctivement ce qu’impliquait l’acceptation de cet objet. Avais-je envie de devenir questeur ? Ou plutôt, avais-je l’étoffe pour devenir un chantre d’une Passion ? Alors que mes doutes refaisaient surface, une petite voix intérieure souffla, comme en écho « … quel Valérian veux-tu être ? ».
Astendar avait bien évidemment raison. Je pouvais accéder à ce dont je rêvais étant jeune. Mon seul véritable ennemi était moi-même et il était temps que j’accepte le destin que je m’étais tracé. Je pris le luth d’une main assuré, bien conscient de la portée du geste. J’eus fugitivement l’image d’un papillon sortant de sa chrysalide de chenille.
Je descendis un peu plus tard, avec une Carelia épanouie et radieuse à la main, pour retrouver mes amis qui nous accueillir avec force commentaires soulagés d’abord, puis égrillards ensuite. Qu’importe, j’étais en paix avec moi-même comme je ne l’avais pas été depuis bien longtemps. Ma voie était tracée. Je ne savais pas si elle serait longue, mais elle serait intense.
L’aubergiste avait retapé quelques tables et de quoi accueillir quelques clients. Les affaires reprenaient, la ville se relevait et la vie continuait. La soirée avec mes amis fût excellente et la nuit avec Carelia plus encore.
* *
Le lendemain, nous fûmes convoqués à participer au conseil de guerre provoqué par le baron Lemak. Il y avait là tous ceux qui avaient de l’importance dans la ville. Du moins ceux qui avaient survécu à la dernière bataille.
Le baron nous présenta et nous demanda de rapporter nos aventures et d’expliquer, si nous le pouvions, pourquoi les orks s’étaient retirés. Je m’aperçus que mes compagnons me regardaient tous, me désignant implicitement une fois de plus comme porte-parole du groupe. Je m’acquittai de ma tâche de mon mieux en essayant d’être à la fois complet et concis. Au fur et à mesure de mon récit, des murmures d’étonnement montaient ici et là parmi les auditeurs. Même Luriel, très distante à mon égard, sembla impressionnée. À la fin, Lemak posa quelques questions, pour vérifier certains points et dissiper l’incrédulité de certains.
Un petit buffet eut lieu ensuite où nous étions les invités d’honneur et où tous voulaient nous féliciter. Vint un moment où nous pûmes nous retrouver tous les cinq et c’est le moment qu’Augure choisit pour venir nous parler. Il avait troqué ses habits sombres de voyage pour d’autres plus mondains.
Augure était le troubadour elfe qui nous avait conseillé de venir dans le Val d’Olsir pour y rencontrer un certain Amaury Deux-fois-maudit qui était censé nous aider avec nos soucis de marque d’Horreur. Sauf que ledit Amaury était mort depuis plusieurs décennies.
Bien évidemment, nous ne manquâmes point de lui adresser quels reproches sur la "fraîcheur" de ses informations. Il encaissa nos remarques acerbes avec superbe, nous précisa que notre venue dans le val nous avait permis de nous débarrasser tout de même de notre problème. Il conclut par quelques remarques désinvoltes qui achevèrent de m’énerver. Mon poing partit vers son visage mais ne rencontra que le vide, le troubadour ayant anticipé ma réaction avec son aisance coutumière. Il eut le bon goût de calmer le jeu et d’aller s’amuser ailleurs ensuite.
À la fin de la réception, le baron nous informa qu’il prévoyait de nous présenter à la population le lendemain. Avisant les grimaces de certains d’entre nous, il nous expliqua que les gens avaient le droit de connaître l’histoire, du moins dans les grandes lignes. Par ailleurs, selon lui, ils avaient besoin de héros pour reprendre espoir après ce sombre épisode où chaque famille avait été meurtrie.
Je grimaçai à l’évocation du mot "héros", m’apprêtant à faire une remarque au baron, lorsque je perçus une douce note qui semblait venir du luth que je portai dans mon dos. Je ravalai ma tirade à Lemak avec un sourire contrit. J’allai devoir chasser mon naturel si je voulais être à la hauteur de mes nouvelles fonctions.
* *
Le jour suivant, nous nous retrouvâmes alignés tous les cinq aux côtés du baron.
Ce dernier raconta nos actions de manière héroïque et conclut sur un discours destiné à redonner espoir aux populations. Il nous présenta comme des aventuriers à qui il avait fait appel, n’insistant pas sur le fait que notre aide avait été indirecte. C’était politiquement de bonne guerre et il ferait partie de notre légende.
Une cérémonie rapide mais solennelle eut lieu ensuite pendant laquelle il nous nomma Protecteurs du Val et nous remis à chacun une broche en forme de tête de lion. Celle-ci n’était réservée qu’aux troupes d’élite et à quelques personnages importants de la région. Elle nous permettrait d’être bien accueillis dans toute la vallée de l’Olsir en nous désignant comme hommes de confiance du baron. Cela n’était pas que de la politique et nous perçûmes de manière plus concrète notre nouveau statut.
À la fin de la cérémonie, Lemak demanda à nous parler à part.
« Messieurs, je vous remercie pour votre participation et votre bonne tenue lors de cette cérémonie. Comme je vous l’ai déjà dit, il est important que les habitants du val retrouvent l’espoir et qu’il puisse l’incarner en certaines personnes. Par ailleurs, la composition cosmopolite de votre groupe permet à tous de s’y retrouver.
Il nous laissa digérer ses propos puis reprit :
- Mais je souhaitais vous voir pour autre chose. Je suis très intéressé par le fait que vous ayez récupéré les titres de propriété de Fort Vräss et de ses environs. En fait, cela m’arrangerait de sécuriser cet endroit et je vous propose de diriger l’établissement d’une petite communauté.
Nous nous entreregardâmes, quelque peu étonnés et indécis.
- Certes, vous serez mes vassaux mais vous aurez toute l’autonomie nécessaire. La rénovation de cette place forte permettrait de sécuriser la route vers le sud et de surveiller le passage de la faille. Il y a d’ailleurs un pont à refaire à cet endroit. Par la suite, un péage raisonnable à cet endroit permettrait des rentrées d’argent pour la communauté. Alors qu’en pensez-vous ? conclut-il avec un sourire qu’il voulait engageant.
- Hé bien… je pense que tout ceci demandait réflexion et qu’il faut que nous en discutions entre nous, répondit Jeb avec diplomatie.
- Fort bien ! J’attends votre réponse ces prochains jours », répondit Lemak.
Puis il partit rejoindre d’autres personnes, nous laissant là quelque peu interloqués.
* *
Le soir même, nous nous réunîmes discrètement dans une pièce annexe de l’auberge. Nous étions devenus des célébrités et il devenait difficile d’avoir des instants de tranquillité tant les gens venaient nous saluer et nous remercier. Je n’avais jamais eu l’impression qu’il existait autant d’habitants dans cette ville !
« Bon, je crois que nous avons tous besoin d’un vrai moment de repos et que nous allons nous poser quelques temps dans le coin. Mais allons-nous pour autant accepter la proposition du baron ? Qu’en pensez-vous ? entamai-je
- Moi je suis pour ! commença Gothzul. Le coin en vaut un autre et ça me permettra de faire un peu plus connaissance avec pas mal de gens intéressants dans le coin, dont les Chargeurs de Thérath.
- Moi ça me va aussi, continua Thregaz. C’est tout près du clan des Cornes Tordues et il va falloir que j’y passe un bon moment. Voire même deux ou trois.
- Lancer une communauté c’est intéressant, et le coup du péage commercial me plaît bien, enchaîna Jeb. Avec tous les villages du Val, je crois qu’il y a moyen de démarrer un réseau commercial assez correct. En plus, il y a le lac de Rhem.
- Quoi le lac de Rhem ? Tu veux allez piquer une tête ? interrogea Gothzul.
- Pas vraiment. Souvenez-vous qu’il n’y avait pas de lac avant le Grand Châtiment. En l’asséchant, il y aura certainement des trucs intéressants à découvrir.
Un ange passa pendant quelques secondes, le temps pour tout le monde d’envisager toutes les possibilités induites par cette excellente idée.
- C’est effectivement très intéressant. Félicitations Jeb ! m’exclamai-je. Et toi So’tek ?
- Oh moi… comme l’a dit Gothzul, c’est un endroit qui en vaut un autre. Du moment que j’ai une grande pièce pour débuter une bibliothèque, ça me va. Et toi Valerian, si tu nous donnais ton avis ?
- J’ai prévu de rester quelques temps dans le coin, histoire de faire le point sur pas mal de choses et de développer mes talents et… divers trucs. La proposition du baron est intéressante, au moins pour un temps. Je pense qu’il y aura du boulot pour un éclaireur. L’idée d’un pied-à-terre me semble des plus séduisantes, un vrai « chez nous ». Et la possibilité de choisir nos missions aussi. C’est quand même mieux que se faire balader continuellement d’un troubadour incompétent vers un magicien mort. Et je ne peux pas vous abandonner comme ça de toute manière, sinon Gothzul va devoir jouer l’éclaireur et les Passions savent que ça ne lui réussit pas, conclus-je avec un petit sourire amical à notre guerrier.
- Donc on continue tous ensemble ! Et ça, ça se fête ! Aubergiste, une tournée ! » cria Thregaz en entrouvrant la porte.
Il y a certaines choses qui ne changent pas, c’est rassurant. Tout en descendant quelques chopes, le groupe discutait de choses et d’autres, et notamment de la future installation à Fort Vräss. Jeb attira l’attention de tous.
- Depuis le temps que nous sommes ensemble, et compte tenu que tout le monde est d’accord pour continuer, je pense le moment bien choisi pour une formalité que nous avons toujours éludé jusque-là.
- Et c’est quoi ? demanda Gothzul avec curiosité.
- Nous choisir un nom de groupe.
- Mmh… nous avons déjà abordé ce sujet plusieurs fois, sans jamais parvenir à un consensus, fis-je remarquer.
- Certes, mais il y a de nouveaux éléments, insista l’élémentaliste t’skrang.
- Du genre ? questionna So’tek.
- Nous sommes désormais identifié à un endroit, nous avons vaincu une Horreur, nous avons été décoré par le baron et sommes considéré comme des héros par les habitants du val.
- La broche ! intervint Thregaz.
- Quoi la broche ? demandais-je.
- La broche en tête de lion. On l’a tous. C’est bien un lion, c’est courageux et c’est fort, poursuivit le troll.
- En effet, approuva Jeb. Les Lions du Val ? Les Lions de Brindol ? proposa-t-il.
- Non, intervint le guerrier ork. Si jamais nous changeons d’endroit, on ne va pas changer de nom. Et nous ne sommes pas originaires du coin.
- Je suis d’accord avec Gothzul, renchéris-je. Il faut quelque chose de plus neutre et simple. Et pourquoi pas les Lions de pierre en référence aux statues du kaer où nous avons tué l’Horreur ?
- J’aime bien, approuva le guerrier ork. C’est bien la pierre, c’est solide.
- ça ne tranche pas beaucoup, mais ça sonne bien, commenta Thregaz.
- Moi, ça me va, intervint Jeb.
- Cela me convient également, abonda So’tek.
- C’est donc décidé. Longue vie aux Lions de pierre, déclarai-je.
- Génial ! ça se fête ! Aubergiste, une tournée de mousse ! » beugla le troll.
Même si, habituellement, tout était prétexte, j’avoue que ce baptême méritait bien son lot de chopines.
So’tek nous parla ensuite de son intention de s’engager dans la confrérie des Porteurs de Lumière, une organisation qui luttait contre les Horreurs et leurs séides. Il souhait nous avoir comme témoins pour son serment d’adhésion. Gothzul et moi-même nous montrâmes très intéressés par cette organisation et nous envisagions d’y adhérer également.
De toute manière, si d’aventure nous trouvions d’autres Horreurs sur notre route, nous les combattrions, donc autant avoir des renforts potentiels. Par ailleurs, si notre renommée avait grandie auprès des gens du commun, il était certain que nous étions déjà étiquetés par les sympathisants du Grand Ménage par les Horreurs. Pour leur part, Jeb et Thregaz décidèrent de rester simples témoins.
Bref, les projets et les opportunités de manquaient pas pour les nouveaux héros du Val d’Olsir.
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