9. La vallée de Rakugaki

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Une ombre galopait dans le désert, en haut des dunes, à la vue de tous. Sa cape volait, comme son chèche détaché, laissant ses mèches flotter au gré du vent.

Il cessa sa course à mi-hauteur d’une grande dune, examinant l’horizon à la recherche de sa route, mais ne perçut que le reflet du soleil sur le sable brûlant, et les quelques animaux désertiques encore vivants rampaient sur le sol à la recherche d’eau ou d’ombre.

A la fin de son ascension, il l’aperçut enfin : la grande vallée de Rakugaki. Elle semblait inhabitée depuis longtemps, ce qui l’intrigua. Il avait suivi les explications de Xeno, alors pourquoi faisait-il en face à une impasse inhospitalière.

Intrigué, il décida d’avancer vers cette crevasse rocheuse, aux murs de pierre élancés ombrageant la vallée. Comme ailleurs dans le désert, c’était une pierre de couleur ocre havane ou abricot, rouge au soleil.

En s’approchant petit à petit de la vallée, Onyx distingua un étrange paysage, invisible au premier coup d’œil. En haut du canyon se trouvaient deux poteaux en bois robuste et une grande poutre qui traversait le haut de la vallée, où un cercle de branche surplombait le vide. Des fanions aux nombreuses couleurs festives traversaient de part et d’autre du haut les falaises.

Mais le plus étonnant restaient les habitations troglodytes qui se trouvaient sur les parois qui offraient de nombreux couloirs débouchant dans des endroits cachés aux regards étrangers.

Voilà le secret de la vallée de Rakugaki, bien que les gens qui s’y étaient promenés affirmassent qu’il s’agissait d’un endroit merveilleux, la magie de ce lieu n’opérait que lorsque on y approchait. De loin, elle se fondait dans le désert. Les curieux, vous vous rendiez vite compte de la vie y grouillent et de nombreuses voyageurs de différentes contrées qui y venaient pour des rencontres ou troqués des articles exotiques.

Par sécurité, le jeune homme ajusta son chèche et continua sa route, cherchant du regard le caravansérail dont lui avait parlé l’ancien. Il fut surpris de voir toute cette vie mouvementée dans un endroit si reclus et si étroit. Avec curiosité, il jeta un coup d’œil dans certaines galeries creusés dans la roche, cherchant à savoir d’où provenaient la lumière.

— Excusez-moi, dit-il à un vieil homme qui approcha. Pouvez-vous me dire où conduisent ces passages ?

— Certains d’entre eux mènent à des habitations ou à des placettes de repos, mais pour ce qui est des voyageurs avec monture, vous devez vous diriger vers le caravansérail.

Le vieil homme lui désigna une ouverture dans la roche plus large que les autres.

— Un caravansérail, dans la roche ?

— Oui, vous y trouverez sans doute un emplacement pour votre monture, mais vous feriez mieux de vous dépêcher, car une caravane populeuse est arrivée ce matin. Oh, et vous trouverez de quoi soigner vos plaies. Veuillez m’excuser.

— Merci à vous.

Il incita son cheval à entrer dans la cavité que l’homme lui avait indiquée, curieux de ce qui s’y cachait. Ce fut dans l’étroitesse de ce couloir qu’il déboucha sur le grand caravansérail de Rakugaki. Il possédait une grande cour centrale munie d’une fontaine. La lumière du soleil traversaient péniblement les grandes toiles de jute qui recouvraient l’entièreté du gouffre.

L’aventurier descendit prudemment de sa monture, passant les rennes par-dessus son encolure avant d’avancer à pied dans ce lieu si grand. Sarshall restait sur le dos de l’équidé. Il regarda les alentours à la recherche de l’homme dont lui avait parlé Xeno, mais croisa des regards amusés ou curieux à son égard. L’un d’eux attira son attention.

Un homme le fixait dans l’ombre avec étonnement et crainte. Onyx discerna une grande balafre sur son visage, recouvrant son œil droit voilé de blanc.

Il sursauta lorsque ses rênes lui furent dérobés, et sa monture emmenée par un enfant à la peau chocolat. Le félidé quitta précipitamment son dos pour rejoindre la terre ferme. Le jeune homme se retrouva seul au milieu d’une cour, un étranger parmi ces voyageurs.

Avec un soupir, il s’avança vers l’une des petites pièces du caravansérail, où deux jeunes femmes à la peau mate bavardaient. Elles lui sourirent et l’invitèrent à s’assoir à leurs côtés. Il s’installa face à elles, sur un grand coussin.

— Quel chemin t’a mené jusqu’ici, étranger ?

— Je suis à la recherche d’un meneur de caravanes.

— Deux caravanes qui font halte ici, celui du Wahah est le plus grand. La seconde est celle du Jamal, plus petite, se dirige vers Tenerice, lui expliqua la seconde femme. Lequel des meneurs cherches-tu ?

— Je ne sais pas réellement…

Il grimaça quand l’une de ses plaies frotta ses vêtements.

— D’où viens-tu ?

— De Tenerice.

— Alors tu dois sans doute chercher Badho.

Elle désigna un grand homme assis proche des dromadaires, un turban blanc sur la tête et à la longue barbe grise.

— Je n’en sais rien… Je cherche simplement à rejoindre un point précis.

La seconde femme revint avec un panier d’osier tressé. Elle en sortit des bouteilles remplies de liquides colorés, tous plus étranges les uns des autres, ainsi que des bandages. Il comprit rapidement qu’elle souhaitait le soigner, mais sa quête primait.

— Faites-vous partie d’une des caravanes ?

— Oui, nous sommes de la caravane Wahah.

Elle déboucha l’une des bouteilles, imbibant l’un des tissus.

— Vers où vous dirigez-vous ?

— Vers Thalios.

Il se leva sous le regard surpris des deux femmes et partit en direction de l’homme qu’elles lui avaient décrit.

Il se faufila entre visiteurs du caravansérail, et s’étonna de l’animation. Des hommes parlaient fort autour d’une grande table, tandis que des femmes discutaient à l’ombre. La plupart d’entre elles étaient recouvertes de henné et de dessin coloré sur la peau, recouvrant même leurs visages.

Il n’y prêta pas plus attention, et marcha jusqu’à s’arrêter devant le meneur de la caravane. C’était un grand homme d’un certain âge, le regard vif, mais amical. Il était plutôt enrobé, son poids camouflé dans des couches de tissu coloré et pourvu de bordures d’argent, d’or, de perle et de plume.

— Que veux-tu, étranger ?

Onyx sorti de ses pensées, n’ayant pas dit un mot depuis qu’il s’était arrêté, trop occupé à détailler l’homme qui lui faisait face.

— Je cherche un transporteur.

— Pour aller où ?

— À Thalios.

Il fut étonné de voir les quelques personnes autour d’eux reculer d’un pas.

— Pour quelle raison, un étranger dans ton genre, souhaite-t-il entrer dans Thalios ?

L’homme se redressa de toute sa grandeur. Et, bien qu’encore assis, il faisait facilement la taille du jeune homme, debout devant lui.

— Connaissez-vous un dénommé Xéno ?

— C’est lui qui t’envoie ici ?

Il ouvrit un peu plus grand ses yeux, avant de sourire calmement au jeune homme face à lui.

— C’est un très bon ami, de vieille date, mais s’il t’envoie ici, alors je ne peux pas refuser ta demande.

— Vous savez pour…

— Tu n’es pas le premier qu’il m’envoie.

L’homme se releva et Onyx se recula en écarquillant les yeux face à la grandeur monstrueuse du meneur.

— Suis-moi.

Le voyageur suivit sans discuter le grand homme à travers le couloir creusé dans la roche, avant de déboucher sur l’allée centrale de la vallée, suivit rapidement de Sarshall qui se mit à courir pour les rattrapés, arrivant à rester proche de son compagnon de route. Ils continuèrent de marcher un long moment, avant de monter un grand escalier sculpté dans la roche, montant sur le haut de la vallée. Ils firent halte et l’homme se tournant face au jeune homme sur ses gardes.

— Tu pars en quête des fragments, n’est-ce pas ?

Il reçut comme simple réponse un hochement de tête.

— J’avais l’habitude de prendre des aventuriers comme toi de la part de Xéno, mais depuis une dizaine d’années, je n’ai plus reçu de candidat, et tous les autres ne sont plus de ce monde.

Il attendit la réaction de son interlocuteur, et un sourire espiègle se forma sur ses lèvres lorsqu’il se rendit compte que ses paroles ne l’avaient pas fait bouger.

— Tu dois savoir qu’aucun de ceux qui t’ont précédé n’a réussi ne serait-ce qu’à pénétrer dans la cité de Thalios, et encore moins à en dérober son cœur.

— Le fragment se trouve en son centre ?

— C’est exact, il s’agit du cœur de Thalios, ce fragment fournit de l’énergie à la cité, mais en contrepartie, elle prend ce qu’elle désire, et ça peut être n’importe quoi.

Il désigna son propre cœur d’un signe de main.

— Je n’ai pas l’habitude de conduire d’aussi jeunes voyageurs, et je n’aurai pas de pitié pour un gamin comme toi.

Sa voix était grave et menaçante, faisant reculer d’un pas Onyx.

— Si je t’accepte dans ma caravane, tu devras te débrouiller seul pour te protéger d’attaques, ce qui n’est pas rare dans le désert.

— Merci, je suis au courant.

— D’où viens-tu précisément ?

— De Tenerice.

L’homme le regarda un long moment, essayant de discerner une part de mensonge. Il n’y trouva que de l’ignorance concernant ses origines.

— Il est étonnant de voir des personnes possédant des yeux comme les tiens. Mais bon, le désert nous réserve de nombreuses surprises. C’est entendu, tu nous accompagneras jusqu’à Thalios.

Cette nouvelle eut le don de faire sourire l’étranger qui remercia ce grand homme avec gentillesse.

— Je me nomme Badho, je suis le guide de la caravane Wahah.

L’homme entama la descente des marches dans la roche, pour retourner au caravansérail en compagnie du garçon.

— Nous sommes une quinzaine à voyager dans le désert, principalement des femmes, et quelques hommes pour la protection.

— Principalement des femmes ?

— Oui, ce sont d’anciennes esclaves échappées, ou des filles qui se sont enfuies de chez elles. Pour ce qui est des hommes, ce sont d’anciens soldats renvoyés ou des rebelles qui se cachent de la royauté.

— Des réfugiés.

— En quelque sorte, mais nous avons maintenant un nouveau voyageur.

Badho sourit en passant une main sur son épaisse barbe grise, entrant dans le couloir qui donne sur le caravansérail.

— Nous partirons demain matin, avant le lever du soleil, alors repose-toi de ta traversée jusqu’ici, déclara-t-il en ouvrant grandement les bras comme pour accueillir l’animation de ce lieu.

Avec le coucher progressif du soleil, l’animation de la vallée avait quelque peu augmenté. Les rires et les chants résonnaient de plus en plus contre les parois rocheuses de Rakugaki. Des hommes dans un coin, instrument en main, accordaient leurs sons.

— Que se passe-t-il ?

— Nous fêtons toujours notre arrivée et notre départ en musique, et Rakugaki est renommé pour ses nuits festives.

L’homme fit signe à deux femmes de s’approcher.

— Puisque tu vas voyager avec nous, tu dois t’accoutumer à nos habitudes, à commencer par tes vêtements.

Les deux demoiselles s’arrêtèrent à ses côtés, regardant avec attention le garçon.

— Tu vas profiter de cette soirée et faire connaissance avec les membres de la caravane. Les filles, prenez soin de lui.

Il claqua ses mains avant de laissa Onyx en compagnie des jeunes femmes.

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