20. Ruines désertiques

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La tempête se calma petit à petit, le sable retomba sur les dunes et le ciel s’éclaircit. Onyx se réveilla aux miaulements de son compagnon, assis près du feu éteint. La jeune femme avait trouvé sommeil auprès de sa monture, quelques grains ocre recouvraient ses vêtements. Le garçon ne souhaitait pas la réveiller, mais il ne pouvait pas partir sans elle.

Observant la grotte, il ne vit plus sa monture. Même en explorant le reste de la cavité, il devait s’y résoudre : le meocs avait disparu. Ses traces menaient à l’extérieur, il pouvait déjà être loin. Malgré tout, Onyx récupéra sa sacoche, enroula son chèche et partit à sa recherche.

Le soleil à peine levé, son amie ne tarderait pas à sortir de ses songes. Il devait se hâter. Il suivit les empreintes laissées dans le sable, escaladant quelques roches et glissa le long d’une dune. Après de longues minutes à errer, il finit par le trouver. L’animal s’était arrêté sur une grande étendue de terre craqueler.

— Un lac asséché…

Il continua sa route vers la créature, avançant doucement pour ne pas l’effrayer. Mais ce dernier ne semblait pas vouloir revenir ; il s’éloigna à chaque pas que le garçon faisait. Onyx ne lui courrais pas éternellement après. Après de nombreuses tentatives, il abandonna.

Assis à terre, il gratta le sable sans grande conviction, cherchant un moyen d’attraper l’animal. Ses yeux le piquaient à cause du sable et la fatiguent. Sarshall s’installa sur le haut de son dos, observant ce que faisait son compagnon. Le garçon fut surpris lorsque le trou se remplit petit à petit d’eau.

— Pas si asséché que ça en fin de compte.

Des pas dans son dos l’interpellaient, mais il ne bougea pas. Il retira simplement ses mains du trou et attendit. Un souffle fit frissonner le garçon, quelque chose était en train de le sentir, le scanner. L’animal se déplaça sur le côté, observant attentivement Onyx. Il s’approcha doucement du trou, les oreilles dressées, et commença à boire. Bien qu’occuper à s’hydrater, ses yeux ne quittèrent pas ceux du jeune homme.

La peau recouverte de petites écailles, le meocs possédaient deux paires d’yeux, sur le côté et l’avant de sa tête. Plus il l’observait, plus cette créature le fascinait. Ces capacités d’adaptations à la vie dans le désert étaient impressionnantes, et il se rendit compte qu’il ne connaissait pas grand-chose en dehors des murs de Tenerice. Il souhaitait tenter quelque chose, mais craignait que l’animal le fuie.

Qui ne tente rien, ne récolte rien, lui avait un jour dit Sona alors qu’ils essayaient d’apprivoiser des oiseaux messagers.

Très doucement, il tendit sa main vers le museau de l’animal. Il ne souhaitait pas le toucher, juste voir sa réaction. Le meocs ne bougea pas, mais il s’arrêta de boire, son regard river sur le visage calme du jeune homme. Le bout de ses doigts effleura les écailles de la créature, et ce dernier ne fit aucun geste.

La respiration presque coupée, il se permit d’avancer son bras pour poser entièrement sa main sur la tête du cheval. De longues secondes s’écoulèrent sans que l’un ou l’autre ne fasse le moindre geste. Onyx sentit une douce chaleur se propager au bout de ses doigts pour atteindre sa main, remontant ensuite son avant-bras.

— Je ne te veux aucun mal. Je veux simplement voyager avec toi.

Il n’avait aucune idée de ce que le meocs pouvait comprendre de ses mots, mais il voulait se montrer rassurant. Lentement, il se redressa pour se mettre debout, la main toujours collée au front de l’animal. Ce dernier ne recula pas lorsque le garçon se plaça sur le côté de son encolure, lorsque sa main glissa sur ses écailles pour rejoindre son garrot.

Sa taille imposante ne permettait pas à Onyx de monter sur son dos si facilement. Il resta alors ainsi, debout à côté de l’équidé, une main sur le garrot, l’autre sur le dos et le front appuyé sur le vent de l’animal. Sarshall, toujours sur ses épaules, grimpa sur l’animal sans difficulté et s’installa sur l’arrière-train du meocs, miaulant sur son compagnon de route pour qu’il le rejoigne.

— C’est facile pour toi, je t’ai aidé à monter. Enfin, tu m’as plutôt utilisé comme un pont…

Tout en parlant à son chat, il se mit inconsciemment à caresser sa monture. Les oreilles de la créature se couchèrent en arrière, sa tête se tendit vers l’avant, appréciant les frictions sur ses écailles. Il bougea légèrement, alertant le garçon qui s’éloigna légèrement de lui. Le meocs secoua la tête et leva l’une de ses pattes, puis lança un regard à son cavalier.

— Tu acceptes d’être monté ?

Oui.

Les yeux du garçon s’écarquillèrent. Il était certain de ne jamais avoir lu de passage mentionnant que les meocs étaient dotés de la parole. La surprise passée, il chercha ses mots.

— Tu… euh… pourquoi n’as-tu pas parlé plus tôt ?

Qu’aurais-je pu te dire ?

— Je ne sais pas…

Alors, monte.

L’enfant ne fit pas attendre sa monture. Il s’appuya sur la patte de l’animal et grimpa sur son dos. Le félin retrouva sa place dans la sacoche de son compagnon, ne sortant que sa tête du sac.

— Tu… Tu as un nom ?

Aggalaki.

— C’est… un joli nom. Moi c’est Onyx.

Je sais.

Ils se mirent en route. Le garçon ne pouvait pas contrôler la direction qu’ils empruntaient, faute de reines, il laissa sa monture le mener. Le soleil commençait à taper sur sa peau, l’obligeant à remettre correctement son chèche.

— Je suis désolé si je t’ai fait peur pendant l’attaque, mais…

Je ne t’en veux pas de l’avoir tué.

— Ton cavalier ?

Il était plus bourreau que cavalier. Le nom de mercenaire leur va bien.

Il l’avait remarqué pendant leurs fuites ; certaines écailles de l’animal étaient manquantes sur ses flancs ou le poitrail, des cicatrices étaient visibles sur ses pattes.

— Tu m’acceptes comme cavalier, mais tu ne désires pas retrouver ta liberté ?

Je n’ai jamais connu la liberté. Je suis née et je vis pour servir les hommes.

— Oh…

J’ai servi entre de nombreuses mains. Toujours sévère et brutal, mais tu sembles complètement différent de ces hommes.

Il n’était pas un barbare. Toute sa vie, Ama lui avait appris à respecter chaque être vivant, malgré les formes que certains pouvaient avoir. Il n’aura jamais l’intention de blesser intentionnellement des créatures, sauf en cas de légitime défense, et encore.

— Et tu ne souhaites pas être libre ?

Non. Je n’aurais nulle part où aller.

— Alors… acceptes-tu de voyager avec moi ?

Je serais curieux de connaitre la destination de ta quête, daghir.

— Je m’appelle Onyx.

Je le sais.

— Te voilà !

Alors qu’il allait poser une nouvelle question, la voix inquiète de Tilidad l’arrêta. La jeune femme se tenait à l’entrée de la grotte, vêtue d’une grande cape brune, sa monture prête à partir.

— Je me suis fait un sang d’encre ! Je pensais que tu t’étais enfuie ou qu’on t’avait enlevé !

— Excuse-moi, j’étais parti le chercher.

Il caressa l’encolure de sa monture et sourit à son amie.

— Où était-il parti ?

— Au sud, il cherchait un endroit ou boire.

— Et vous en avez trouvé un ?

— Oui.

Il souffla un bon coup, faisait retomber ses épaules. Onyx s’en voulait de l’avoir inquiété ainsi, mais il ne regrettait pas d’être allé chercher le meocs. Le dromadaire se coucher sur ses genoux, laissant sa cavalière prendre place sur son dos et se releva.

— Bien, alors en route. Le reste du groupe devrait avoir rejoint Sarrailh.

— Tu penses qu’ils sont tous en vie ?

— Connaissant les hommes, ils ont dû se battre contre nos assaillants et permettre aux femmes de fuir. Je ne serais pas étonné d’en voir un se balader seul sur le dos d’un meocs.

— Pourquoi ?

— Nous chevauchons des dromadaires parce qu’ils sont pratiques pour le transport de charge, mais les gardiens de la caravane ont souvent besoin de monture plus rapide. Or, le choix est vite fait entre le prix d’un dromadaire et celui d’un cheval, ou même d’un meocs. S’ils en ont eu l’occasion, ils auront fait comme toi et auront changé de monture.

Elle ouvrit la marche pour sortir du massif rocheux où ils s’étaient réfugiés. Regagnant le désert de dune, le jeune homme replaça son chèche pour protéger son visage. Bien que la tempête fût retombée, le vent restait fort.

Ils marchèrent de longues heures sous un soleil cuisant. Malgré le tissu qui le protégeait, il pouvait sentir la chaleur se répandre sur sa peau. Alors qu’ils faisaient route côte à côte, la monture du garçon trébucha sans chuter, surprenant son cavalier qui lâcha un léger cri.

— C’était quoi ?

— Des morceaux de ruines.

Tilidad s’était arrêté devant un morceau plus imposant qui sortait du sol. Un morceau de mur effrité, recouvert par le sable après des années. Les cavaliers regardèrent autour d’eux, observant d’autres morceaux de construction émergeant du sol ou recouverts par les dunes.

— Des habitations d’un ancien village.

— Pourquoi certaines villes de Rui Wang finissent-elles comme ça ? Comme Esyadell.

— À cause des rebelles et des dirigeants de Thalios.

La jeune femme se remit en route en faisait signe à son ami de la suivre.

— Ce royaume était jadis gouverné par un roi et une reine. À la chute de la royauté, un conseil fut créé par les habitants de la capitale pour gérer plus équitablement les différentes villes de Rui Wang.

— Mais ?

— Ils n’ont pas fait leur travail correctement : ils se sont concentrés sur les activités de la capitale et ont délaissé les villes du désert. Des guerres ont éclaté entre les gardes royaux et les rebelles qui dénonçaient les agissements du conseil.

— Ce qui a plongé certaines villes dans le chaos…

— Exactement. Thalios est protégé par deux cercles de ville : la plus proche concerne les villes de Sarrails, Freygate et Crowrun. Le second cercle englobe Esyadell, Hazelwind, Redcairn et Kormach. De toutes ces villes, deux d’entre elles sont encore actives, les autres sont entre les mains des rebelles, ou ont été entièrement abandonnées.

— C’est énorme !

— Mais le conseil de Thalios ne s’en soucie pas. Les habitants qui ont fui ses villes se sont réfugiés dans la capitale, ce qui leur a permis de gagner du pouvoir.

Le regard du garçon se fait plus sombre. Tenerice n’était alimenté que par la mer d’argent, elle ne comptait plus sur les routes commerciales du désert depuis une éternité. Pourtant, il ignorait complètement la raison et ne s’en était jamais intéressé. Il le regrettait.

— Thalios est une cité pleine de mystère, mais méfie-toi lorsque tu y seras seul.

La voix de la jeune femme s’était raffermie, son avertissement se voulait clair et compris.

— Pourquoi ?

— Lorsque tu arrives à la capitale, tu es émerveillé par la beauté et l’ingéniosité qui s’en dégage. Je n’ai jamais franchi le dernier mur qui entoure le centre de la ville, mais… il s’y produit des choses sombres. Très sombres.

Les montures s’arrêtèrent en haut d’une dune, et les cavaliers se regardèrent dans les yeux.

— Promets-moi d’être prudent lorsque tu nous quitteras.

— Je te le promets.

Le meocs redressa vivement la tête, les oreilles droites, alerté par la présence d’une silhouette au loin. En alerte, les cavaliers observèrent l’individu. Inconsciemment, Onyx posa une main sur la poignée de son arc, avant que la voix de Tilidad l’arrête.

— C’est Shiva !

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