21. Respire

6 minutes de lecture

— Shiva !

Tilidad se tenait presque debout sur sa monture, la main tendue vers le ciel pour faire signe à sa camarade. Toujours sur ses gardes, le garçon se détendit lorsque la silhouette brandit son bras en l’air pour les saluer de grands gestes.

— Tilidad ! Onyx ! Vous êtes en vie !

Le visage de Tilidad se fit plus inquiet lorsque son amie fut à leurs côtés. Elle présentait des écorchures sur l’un de ses bras, des hématomes étaient visibles sur son ventre et son épaule et son visage était légèrement abimé.

— Que t’est-il arrivé ?!

— J’ai dû avoir moins de chance que vous. J’ai réussi à fuir la caravane et nos assaillants, mais je suis tombé sur des rebelles. Ils n’ont pas été très accueillants.

Elle se gratta le bras et soupira.

— Ils m’ont malmené pour avoir des informations sur ma destination puis ils m’ont faite prisonnière. Ils ont été surpris par la tempête et j’ai pu filer.

— Ils ne t’avaient pas attaché ?

Bien qu’enfantine, la question d’Onyx était mal placée, et il s’en rendit compte quelques secondes trop tard. Mais les deux jeunes femmes ne lui en tinrent pas rigueur. À la place, Shiva montra ses poignets rougis par des liens.

— J’ai la chance d’avoir des poignets fins, il est donc facile pour moi de m’en défaire.

— Je suis désolé…

— Tu ne pouvais pas savoir Onyx, ne t’en fais pas.

Leur nouvelle amie observa avec étonnement et émerveillement la nouvelle monture du jeune homme et s’exclama.

— Je vois que vous avez réussi à défaire un adversaire !

— C’est Onyx qui s’est occupé de moi. Il m’a sauvé la vie. C’est devenu un très bon tireur.

— C’était un coup de chance, la coupa le concerné.

— Mais tu as bien fait.

La jeune femme avait prononcé ces mots d’une voix tendre, mais ferme. Il devait comprendre que malgré le fait de tuer, il avait surtout sauvé quelqu’un. Il lui sourit en retour sans rien ajouter.

— Tu penses que les autres s’en sont sorti ? demanda Tilidad en se remettant en route.

— Vous êtes les premiers que je croise. Mais j’ai confiance.

— Nous ne sommes plus très loin de Sarrailh. Nous devrions arriver dans l’après-midi.

Le trio se mit en chemin, Tilidad en tête et Onyx à la queue. Les deux femmes discutaient entre elles de la suite de leur voyage, de Thalios et des villes qu’elles visiteraient plus tard avec la caravane. Onyx ne s’immisça pas dans leur conversation, il se contenta de contempler le paysage : des dunes de sable à perte de vue et un ciel aussi bleu que la mer d’argent.

Il se souvenait des journées qu’il passait à attendre le retour de Sona, en haut de la tour. Les deux garçons passaient leurs temps à discuter sur les différentes routes que le plus vieux avait empruntées, jusqu’à atteindre la mer d’argent.


C’est incroyable, si tu pouvais voir ! L’eau est comme un immense miroir !

Ça doit être impressionnant !

Oui. Oh ! Et les villages côtiers sont si différents de Tenerice. Ils vendent surtout des produits de la mer. Par contre l’odeur devient infâme la journée à cause de la chaleur.

Pouah ! Le poisson pourri !

C’est un peu ça !

Les deux garçons riaient aux éclats. Tout en racontant ses aventures, Sona montrait à son ami un carnet qu’il emmenait partout avec lui. Il y écrivait les noms des villes, les personnes qu’il rencontrait, mais ce qui fascinait le plus Onyx était les croquis et autres dessins qui remplissait presque l’entièreté des pages.

J’aimerais tellement pouvoir dessiner comme toi…

Je peux t’apprendre si tu veux. Ce n’est pas vraiment difficile.

C’est vrai ?!

Oui. Tiens essaie ici.

Il tourna une page vierge et lui donna un crayon de papier.

Suli, viens ici !

Le rapace du garçon se posa sur le muret de la tour et regarda les deux enfants du coin de l’œil.

Regarde-le bien, et essaie de le dessiner. Commence par la tête et continue vers le bas.

Onyx s’appliqua alors pendant de longues minutes à retracer les courbes de l’oiseau. Le résultat ne lui convenait pas vraiment, mais Sona était optimiste.

Avec de l’entrainement, tu t’amélioreras.

Pourquoi est-ce que tu dessines pendant tes voyages ?

Je trouve ça important. Comme ça, en tournant les feuilles de mon carnet, je peux me rappeler des moments que j’ai passés à certains endroits justes en regardant les dessins que j’y ai faits.

J’aimerais tellement voyager, moi aussi…

Un jour viendra Onyx. Je t’emmènerais avec moi lorsque tu seras prêt.

Et quand est-ce que je le serais ?

Aucune idée. Ça nous tombe souvent dessus lorsqu’on s’y attend le moins.


Un sourire se forma sur le visage du jeune homme. Une idée lui vint en tête alors que le souvenir de ce moment cher pour lui s’effaçait au fil des secondes. Il saisit son carnet dans l’un des sacs accrochés à sa selle, et l’ouvrit à une page vierge. Il replongea sa main dans la sacoche et chercha de quoi écrire, en vain.

— Shiva, tu n’aurais pas un crayon de papier par hasard ?

— Je dois avoir ça.

Elle fouilla dans sa besace et en sortit le crayon qu’elle lui passa. Il l’a remercia et commença à dessiner. Les deux amies continuèrent à discuter, les montures suivaient la course du soleil vers l’ouest. Concentré dans ses souvenirs, il griffonna sa ville natale, Sona et Suli, puis des dunes comme celle qui l’entourait, la fresque d’Esyadell et la gardienne Hazel. Des croquis de Tilidad et Shiva, des gardiens et des dromadaires. Tout ce qui avait croisé sa route depuis son départ.

Il avait la chance d’avoir une monture à l’allure stable, ce qui ne le fit pas bouger lors du traçage d’un trait particulier. Il nota les noms de chacun, les créatures qu’il avait rencontrées et quelques paragraphes sur ce qu’il avait vécu. En soi, il créa son carnet de route, comme le ferait tout aventurier.

Des pensées sur sa quête, ressurgir, le faisant grimacer. Il n’était pas parti de Tenerice pour une balade tranquille ou un voyage paisible. La vie avec la caravane cesserait à son entrée dans la capitale, et sa quête prendra un véritable sens. Mais il n’avait réfléchi à rien de tout ça. Une multitude de questions se bousculèrent dans sa tête : où trouver la pierre ? Qui ou quoi la protégera ? Comment l’atteindre ? À quoi sert-elle là-bas ? A-t-elle des effets magiques pour quiconque la touche ? Est-il à la hauteur de cette mission ? Où va-t-il finir comme tous les autres courageux qui se sont lancés dans cette quête ?

Un frisson parcourut son corps et il se sentit nauséeux, s’appuyant sur l’encolure de sa monture. Il essaya de prendre de grande inspiration et de se calmer, mais il fut obligé de poser l’une de ses mains sur sa bouche, trop effrayé à l’idée de rendre son repas. Le meocs ralentit alors que sa tête se tourna vers son cavalier.

Tout va bien, daghir ?

— Je ne me sens pas très bien…

Veux-tu faire une pause ?

— Non, nous devons continuer…

Malgré ses paroles, l’équidé ralentit davantage puis s’arrêta. Les dromadaires ralentirent légèrement leurs allures, mais ne s’arrêtèrent pas, les jeunes femmes encore occupées à discuter et rire ensemble.

— Aggalaki, avance…

Non. Respire, mon garçon.

La voix de l’animal était presque paternelle. Le jeune homme s’exécuta en se redressant, la tête lever vers le ciel, il prit de profondes inspirations et vida ses poumons. Les yeux fermés, il calma les battements farouches de son cœur. Il ne fit plus attention au temps ou à son environnement, focaliser sur lui-même. Depuis son départ, il n’avait jamais vraiment pris le temps de souffler, des questions pleins la tête et des rencontres impromptues.

Une fois détendu, il rouvrit les yeux vers le soleil et sourit. Il observa sa monture qui ne l’avait pas quitté du regard et se pencha sur son encolure

— Merci beaucoup…

Le cheval ne répondit rien et se remit en route. Ses camarades de route s’étaient arrêtés sur la crête d’une dune.

— Tout va bien ? s’inquiéta Tilidad.

— Oui. Le soleil a dû taper un peu trop fort sur ma tête.

— Il ne sera bientôt plus un problème.

— Pourquoi ?

— Nous sommes arrivés.

Il grimpa sur la dune et fit face à la petite cité de Sarrailh. Ils allaient retrouver le reste de la caravane, en espérant que chacun est survécu à leurs assaillants ou au désert.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Arawn Rackham ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0