Disparition.

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*13 avril 2017

Un mois que je ne l'ai pas revu, elle n'est pas revenue depuis ce fameux jour où elle m'avait parlé de sa vie et je me sentais de nouveau vide comme lorsqu'elle n'était pas dans ma vie. Avait-elle fui ? Avait-elle honte d'avoir raconté sa vie à un inconnu ? Quelque chose chez moi l'avait t-elle effrayée?

Tant de questions sans réponse. La seule chose dont j'étais sûre, c'est qu'elle ne reviendrait pas.

— Comment pouvez-vous être sûr qu'elle ne reviendra pas ?

— Je le sais, je le sens, c'est tout.

— Monsieur Lewis, êtes-vous conscient que ces séances ont pour but de vous aider ?

— Oui.

— Avez-vous l'impression qu'elles vous aident ?

— Non.

— Pourquoi pensez-vous cela ?

— Je n'ai aucune réponse, je ne vais toujours pas mieux, rien ne va.

— Pourtant vous avez la vérité devant vous monsieur Lewis, et j'ai vu de l'amélioration dans votre comportement.

— Que voulez-vous dire docteur?

— Vous avez pourtant dit la vérité. La réalité de cette situation, du moins le principal, sans même vous en rendre compte. Je sens malgré votre humeur grognon que vous savez autant que moi que vous vous sentez mieux, mais vous ne savez pas pourquoi donc vous préférez vous vous rassurez avec un état d'esprit que vous connaissez bien. Est-ce que j'ai tort, monsieur Lewis?

Un silence prit place pendant une ou deux minutes dans la salle. Le psychologue me laissa réfléchir, il savait que ces silences étaient nécéssaires pour ne pas brusquer ma stabilité émotionnelle.

— Non, vous avez raison. Mais j'avoue être frustré de ne pas y voir clair.

— Vous n'avez vraiment aucune idée ? Même un tout petit élément, une petit pensée ?

Un hochement négatif de tête de ma part fut la seule réponse que mon psy reçut.

— Dans ce cas, je vais vous éclairer. Vous avez inconsciemment retracé le parcours de votre rencontre avec votre femme. Votre rencontre sur ce banc, votre première conversation avec elle, votre premier sentiment d'amour, de bien être et de compréhension, puis la disparition qui vous paraît soudaine, malgré vos longues années de vie commune.

Le psychologue vit monsieur Lewis se pincer les lèvres tout en fermant les yeux fortement, retenant des larmes qui menacaient de sortir.

— Vous êtes dans une période très difficile et personne ne réagit de la même façon. Le choc de cette perte vous fait replonger dans le passé pour vous protéger de la douleur et de la brutalité. Mais dans vos souvenirs, qui ne sont jamais identiques, votre cerveau vous transmet petit à petit des messages pour vous aider à comprendre que la douleur est nécessaire pour surmonter cette étape de deuil. Votre femme vous manque et vous avez besoin d'extérioriser ce que vous ressentez. Vous pouvez pleurer, crier, vous réfugier dans un endroit imaginaire qui vous calme et vous procure de la positivité. Vous pouvez être en colère aussi, c'est un droit et cela fait partie du chemin de l'acceptation.

J'ai laissé couler quelques larmes le long de mes joues, me sentant impuissant et terriblement meurtri. Rien ne la fera revenir auprès de moi et c'est tout ce qui tournait dans ma tête en cet instant.

— De toutes les façons, le moment du deuil est prenant, il mobilise la pensée, amène un certain repli sur soi et sur le passé. L'énergie est mobilisée à trier les souvenirs, à s'interroger sur le sens du passé et de l'avenir, à se questionner sur ce qui reste de cette tranche de vie qui vient de se terminer. Il est donc normal de repenser au disparu, aux moments passés avec lui, et de chercher à partager les émotions ainsi que les souvenirs avec les proches. Il est aussi normal d'éprouver un flot d'émotions monsieur Lewis. Il est important que ces émotions soient reconnues et vécues. C'est ce travail qui permet de les traverser, qui rend possible l'intégration de ce qu'on a vécu avec le disparu et permet de le faire sien, malgré tout. C'est à travers ce travail que peut s'effectuer le détachement qui, seul, permet que la vie continue, ailleurs, avec d'autres, et avec le souvenir du disparu. Le deuil demande de se sentir accompagné et entouré.

— La douleur est si présente.

J'ai soupiré profondément tout en essayant d'ignorer le poids lourd qui pesait sur ma poitrine.

— Monsieur Lewis, c'est au fil des semaines et des mois, et des années pour certaines personnes, que la vie reprend ses droits petit à petit, le goût de rire revient, les projets refont surface. Et même si tout n'est plus comme avant, la vie reprend. Personne ne met le même temps pour faire son deuil, pour certaines personnes le deuil se fait plus rapidement que pour d'autres et de façons différentes, cela dépend de plusieurs facteurs mais je sais que vous allez réussir à aller de l'avant et je serai là pour aider.

Malgré l'accablement et le manque de force que je ressentais, je me sentis tout de même plus apaisé à l'idée d'avoir de ne pas être seul, même si la seule présence que je souhaitais était ma femme.

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