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Le cœur plein d’une chaleur inconnue, il dina avec des inconnus qu’il trouva charmants. En se déshabillant, il se souvint du petit coup sur son sexe. Il aurait dû hurler au scandale, faire chasser ce serviteur. Pourtant, cela avait été fait également avec gentillesse, comme un geste de complicité. C’était d’autant plus étrange que sa vie sexuelle avait toujours serpenté entre l’inexistence et le lamentable. Personne ne lui avait jamais parlé du mode d’emploi ou proposé un apprentissage. Il s’était résigné, éteignant cette fonction. Parfois, une envie se réveillait, toujours sur un jeune homme, une admiration fugace. Cependant, la faiblesse de la pulsion la lui faisait confondre avec une simple admiration.

C’est avec le haut débit que les choses s’éclaircirent. À la recherche de sensations, il chercha des films pornographiques. Déçu des premiers visionnages, il fut émoustillé par les films ne montrant que des hommes. Certains acteurs, Kevin, James, Jack, étaient ses favoris et il connaissait toutes leurs prouesses. Il s’étonna de pouvoir les accompagner plusieurs fois dans la même journée. Il acquit ainsi une connaissance approfondie des prémices, des positions possibles et des conditions. Il avait de l’attirance pour celui qui se faisait pénétrer, s’imaginant subir des assauts vigoureux. Il aimait regarder des scènes un peu violentes, où la soumission par des liens noués renforçait la relation. Il répugnait cependant devant certaines scènes. Il acquit ainsi une vie sexuelle active, sans aucun rapport physique, ce qui lui permettait de ne pas se reconnaître comme déviant et de participer aux manifestations contre les droits accordés à ces malades mentaux, qui, eux, souillaient leur corps.

Le petit tapotement sur son sexe avait bousculé toutes ses certitudes. Avoir été reconnu comme sexuellement excité, par un Noir indéfini le plongea dans un trouble qu’il trouvait plaisant. Il s’endormit, l’esprit plein de possibles et de terreurs.

La trouble personnalité de Macodou résonnait avec ces images vues et revues, introduisant une curiosité et une envie. Le lendemain le retrouva donc en pleine forme et décidé à s’inscrire dès l’ouverture au cours de gymnastique : il voulait se présenter sous un jour plus agréable. Heureusement que ces cours suivaient le petit déjeuner, car il put ensuite se diriger vers la piscine, le corps endolori par ces exercices stupides.

À peine étendu sur son matelas, le jeune dieu était près de lui.

— Bonjour, Gilles.

— Bonjour, Codou (il s’était longuement entrainé à la prononciation).

— Aujourd’hui, c’est Codou ? Au féminin ! J’aime bien. Tu peux aussi dire Macodou, au masculin.

Cette dualité du nom, autant que du physique, était trop troublante pour oser une question qui aurait pu blesser son interlocutrice ou interlocuteur. Il changea de sujet.

— Je viens de la gym. Je suis moulu !

— Va faire quelques brasses pour te détendre. Après, je t'enduirai de crème : pas question de rester sans protection, même à l’ombre !

Il n’aimait pas nager, il n’aimait pas se baigner, mais il obéit à son ange, allant jusqu’à faire un aller-retour avant de ressurgir pour cette récompense qu’il n’osait espérer. Macodou le sécha délicatement, puis l’enduisit de crème dans un doux massage de tout son corps.

— Je peux te poser une question ?

— Bien sûr !

— Tu prends soin de tous les clients comme ça ?

— Non, évidemment !

Son petit rire radieux…

— Seulement ceux qui en ont besoin. Et qui l’accepte !

— Mais c’est très intime comme service.

— Justement, tous ne l’acceptent pas ! Moi, j’aime prendre soin d’un corps, quel qu’il soit. Et complètement !

Qu’est-ce qu’il voulait dire ? Encore une fois, la question était impossible. Le tartinage était fini. Comme la veille, ces caresses avaient excité Gilles. Comme la veille, Macodou tapota du doigt cette bosse en riant, sans regarder Gilles qui se sentait complètement deviné. Ce dernier rougit, alors qu’un long glissement de doigt parcourait la protubérance, assorti d’un hochement de tête. Assommé, Gilles ne le vit même pas s’éloigner.

Le même cirque que la veille recommença. Il n’y avait personne d’autre qu’eux. Macodou expliqua que la mer était plus chaude et que les clients étaient tous là-bas. Il s’assit sur le transat à côté les jambes écartées, comme en une invitation, alors que le t-shirt sombre et la couleur de sa peau ouvraient sur une pénombre que Gilles s’empêchait de fixer. Il contemplait alors le plaisant visage à s’en faire mal.

Macodou se taisait, regardant Gilles en souriant. Il attendait que ce dernier l’interroge. Les petites questions sur l’hôtel, le climat, épuisèrent vite l’imagination de Gilles qui n’avait qu’ne seule interrogation.

— Je vois que tu as une question qui te brule la bouche.

Sa voix aigue n’était pas déplaisante, car sonnant comme celle d’un enfant.

— C’est quoi prendre soin d’un corps ? se lança Gilles, n’osant pas regarder le questionné.

— Tu ne comprends pas ou tu ne sais pas ? Je couche avec un homme et il me paie.

Gilles ne voulait pas entendre cette réponse. Pas ce magnifique jeune homme ! Il découvrait en même temp que la prostitution concernait également des hommes. Jamais i ne s’était intéressé à ces questions. Il savait pour les femmes, mais avait évité soigneusement leur fréquentation, car elles représentaient la femme qui veut manger l’homme et son sexe.

— Ca te choque ?

L’absence de réponse criait sa révulsion et son dégout pour ceux, ces malades, qui abusaient d’un si joli garçon.

— Tu sais, j’aime ça ! Je suis gay, comme vous dites. Mon plaisir est de coucher avec des hommes. Si en plus, je suis payé, c’est plutôt bien, non ?

Forcément ! Il était homosexuel ! Cela expliquait son comportement. Pourtant, qu’il était beau ! Il était noir, il était homosexuel et, pourtant, il était beau, agréable. Gilles se sentait bien à parler avec lui, ne comprenant pas cette exception.

— Je vois bien que je ne t’intéresse pas ! Pourtant, tu réagis à mes massages et à mes histoires…

Gilles savait que son slip de bain était tendu. Le lui dire renforçait cette tension. Se cacher, mettre une serviette sur son ventre, cela aurait été avoué sa honte, sans doute vexé ce gentil garçon et mettre fin à cet échange. Il ignora la remarque.

— Mais tu fais ça avec n’importe qui ? Cela ne doit pas toujours être facile !

Qu’est-ce qu’il racontait ? Il demandait à un prostitué comment il travaillait ! Il rougit de l’intimité de sa question. Macoudou renchérit :

— Tu t’intéresses à mon travail et à moi ?

— Non ! Jamais je ne te…

— Je sais, je te taquinais ! Souvent, c’est facile, parce que ce sont des vieux qui ne vont pas loin et qui payent bien. Parfois, il y a des hommes dangereux qui font du mal. Normalement, je les reconnais et je les évite. Pas toujours…

Gilles souffrit pour lui. Comment pouvait-on vouloir faire du mal à un aussi joli garçon qu’on avait plutôt envie de cajoler et de respecter ?

Macodou se leva, alla tourner autour de la piscine sans rien faire. Gilles le remercia intérieurement : il avait besoin de ce répit si intense et si perturbant.

Le plagiste revint, s’assit dans la même position, offrant à nouveau le mystère de l’obscurité de son entre jambe, puis raconta des anecdotes qu’il avait vécues, telle celle de l’enterrement d’une vie de garçon par des rugbymans. Ils étaient cinq colosses et avaient engagé le prostitué pour déniaiser le futur mari. Ils avaient fumé et, bientôt, ils étaient tous à se passer les uns sur les autres. Macodou conclut en riant que la mariée n’était pas prête d’avoir un bébé, car ils semblaient habitués à jouer ensemble. Il repartit pour laisser Gilles souffler et décrivit à son retour des sexes qui l’avaient étonné, des bourses énormes, longues, des sexes minuscules ou à moitié de femme. Gilles apprenait des choses, étonné qu’un homme si jeune ait une telle somme d’expériences.

Quand Gilles était tendu, Macodou se levait, soulignant d’un petit geste le résultat de son histoire. Gilles ne savait quoi faire ou répondre. Il ne voulait pas coucher avec ce jeune homme si désirable, à la fois par une sorte de respect pour sa jeunesse et sa beauté, mais également par peur de passer à l’acte physique, de confronter ses phantasmes à la réalité, au risque d’être déçu.

Gilles ne se souvenait pas avoir eu une conversation aussi détendue, facile. Il passait de la complicité, de la tolérance. Cela doublait son bien-être, indifférent totalement à son interlocuteur déviant et coloré. Il éprouvait une sympathie bienveillante pour ce garçon et sentait le retour. Il se surprit à sourire en lui parlant.

Il voulait tout savoir !

— Qu’est-ce qu’il pense de tes activités, le directeur

— Sa seule demande est que cela reste discret et invisible pour ceux qui ne veulent pas voir.

— Tu es bien payé ?

L’éclat de rire lui fit comprendre que sa question était stupide.

— Rien du tout !

— Comment ? Tu fais ce travail de plagiste pour rien ? Mais c’est…

— Ce sont mes autres activités qui me rapportent !

— Oh ! Tu veux que je te paie pour tes… soins ?

Nouvel éclat de rire ! Heureusement qu’ils n’étaient que tous les deux !

— Non ! Cette semaine, je ne travaille pas… C’est cadeau !

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