Chapitre 2 - Disparition inquiétante

3 minutes de lecture

Ce 11 septembre 1964, je me trouvais dans le bureau du commissaire Renouf, avec l'inspecteur Bertier, lorsque le téléphone sonna. Fatigué, celui-ci était allé se servir un remontant à la cafetière du service. Ce ne serait pas de trop pour affronter la suite de cette harassante journée. Celle d'un commissariat débordé et qui se prolongerait tard. Revenant du couloir, il se précipita afin de répondre et renversa une partie de son breuvage sur son sous-main. Epongeant le liquide avec un buvard, il décrocha le combiné, tout en maugréant.

— Allo ! cria-t-il d'une voix irritée. Puis, il se radoucit : Ah ! Bonjour, Monsieur le Préfet ! Que me vaut l'honneur de votre appel ? Il y a longtemps que nous ne nous sommes pas parlé !

Au fil de la conversation, le visage de Renouf devint préoccupé.

— Mais oui, Monsieur le Préfet, conclut le commissaire sur un ton qui se voulait apaisant. Nous allons enquêter et je vous rappelle sans faute ! Au revoir !

Il raccrocha brusquement. Ses yeux bleus se plissèrent et son visage à la Jean Gabin, dont il partageait la stature et l'allure, prit subitement un air soucieux.

— Bon, reprit-il en s'adressant à nous, arrêtez tout, nous avons une affaire de disparition qui vient de nous tomber dessus, au Mesnil-sous-Jumièges !

Bertier, étonné, intervint :

— Mais nous ne traitons jamais les affaires de disparition hors de notre périmètre. Ce coin-là, c'est du ressort de la gendarmerie !

— Oui, c'est vrai, mais cette fois-ci, c'est exceptionnel. Il s'agit d'un ami du préfet. Rendez-vous tous les deux immédiatement chez lui au domaine de Beaumanoir. C'est à environ trente kilomètres d'ici. Je vais vous donner son adresse exacte.

Je vis le visage de Bertier s'assombrir, et l'espoir d'une soirée paisible en pantoufles s'évanouir. Quant à moi, je devrai appeler Sophie, mon épouse, pour la prévenir que je rentrerai tard dans la nuit.

— Ah bon ? répondit ce dernier, haussant légèrement ses sourcils en accent circonflexe. Mais cela ne peut-il pas attendre ? Il est déjà neuf heures et demie du soir.

— Non, cela ne peut pas attendre !

— Bon, si c'est urgent et que c'est un ami du préfet ! De qui s'agit-il ?

— Bernard Malandain !

— Comment ? Bernard Malandain ? Le propriétaire de la chaine de magasins ?

— Lui-même. Sa femme a signalé qu'il n'était pas revenu depuis ce matin et elle a appelé tous les hôpitaux croyant qu'il avait eu un accident.

— Bon sang de bois ! s’exclama-t-il. Bon, on y va, Gilbert, tu conduiras la voiture, mais vas-y mollo, pas comme la dernière fois, elle vient juste d'être réparée !

A ma grande honte, je dois avouer que j'avais récemment pris le volant de la 403 banalisée pour prendre des suspects en filature. J'avais mal négocié un virage, l'auto s’était encastrée dans une charrette de marchande de quatre saisons ! Heureusement, la maraîchère buvait son petit coup de vin blanc au troquet du coin : je n’avais blessé personne, un vrai miracle ! Des bottes de poireaux et des feuilles de salade sur le pare-brise, la calandre enfoncée, j’avais laissé les suspects s’échapper. Ils doivent en rire encore !

Bertier, furieux, m'avait traité à ce moment-là de danger public et de tous les noms d'oiseaux possibles et imaginables. Depuis, je sais qu'il ressent parfois une certaine appréhension quand je prends le volant et que je roule un peu trop vite.

— Gilbeeeeeert ! me crie-t-il souvent, pas si vite ! Tu vas me rendre cardiaque, à la longue !

Alors, ce soir-là, Bertier et moi, après avoir acheté un sandwich au café du coin, prîmes donc la route. Je conduisais prudemment cette fois, car la nuit était tombée et les petites routes pleines de virages étaient parfois piégeuses. Bertier faisait le navigateur, mangeant son sandwich d’une main, la carte sur les genoux, qu'il éclairait avec une lampe de poche de l’autre main.

Le mien, je le mangerai plus tard, quand j’aurai le temps.

— Dis donc, soupira-t-il, c'est au diable vauvert qu'il nous envoie le patron ! Il y en a pour au moins une heure ! Et la nuit est déjà tombée depuis longtemps…

Nous finîmes par arriver devant la grille de la demeure. Une grande bâtisse ressemblant à un château, ses fenêtres toutes éclairées, se dressait devant nous. Emerveillé par cette vision inattendue et émettant un sifflement d'admiration, mon chef s’exclama encore : « mais c’est un véritable manoir ! On se croirait dans un film ! »

Nous sonnâmes à la grille. Un vieux monsieur très digne, déjà prévenu de notre arrivée, vint nous ouvrir et nous dirigea dans une grande allée menant vers la maison. Nous pénétrâmes dans le salon, éclairé de toutes parts et confortablement meublé de canapés capitonnés en cuir, du genre Chesterfield. Un feu de bois brûlait dans la cheminée, donnant une atmosphère chaleureuse à la pièce.


Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Catherine Domin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0