Chapitre 3 - Beaumanoir

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Les fils Malandain, Pierre et André, leur mère, Louise, et sa belle-fille, Marie, nous y attendaient, assis sur des fauteuils. La maitresse de maison se leva immédiatement et vint à notre rencontre.

— Mon mari a disparu depuis ce matin, Monsieur l'inspecteur, dit-elle en se dirigeant vers Bertier, le regardant avidement comme un sauveur potentiel.

Malgré ma grande taille, j'apparais souvent comme inexistant, voire inconsistant. Mais j'en ai l'habitude, et cela me permet de jeter un oeil un peu partout, sans me faire remarquer. Mon estomac gargouillant, je pensais à mon sandwich resté dans ma poche et que je n'osais pas grignoter, par correction. Tant pis, j'attendrai.

— Quand l'avez-vous vu la dernière fois ?

— Je ne l'ai vu qu'au petit déjeuner. Il était censé déjeuner avec nous ce midi, et il n'a pas réapparu. Finalement, au bout d'une heure, nous avons décidé de manger sans lui, pensant qu'il avait été retardé.

— Avait-il des rendez-vous prévus aujourd'hui ?

— Non, pas que je sache, mais il souhaitait voir prochainement Maître Durieux, notre notaire, pour des affaires qu'il voulait régler avec lui. Je l'ai appelé pour lui demander s'il était venu le voir, mais il m'a confirmé qu'il ne l'avait pas vu de la journée.

— Pardonnez-moi de me montrer indiscret, mais pour quelle genre d'affaire devait-il consulter ce notaire ? demanda Bertier, mettant ainsi en œuvre tout le tact dont il disposait lorsqu’il s’adressait à une personne de rang social supérieur au sien.

Louise Malandain parut soudain très gênée :

— Oh, euh ! Mon mari souhaitait simplement des conseils concernant notre patrimoine.

L'hésitation que nous percevions dans sa réponse nous avait alors interloqués, Bertier et moi, et nous nous regardâmes sans rien dire.

— Pourrions-nous consulter son agenda ? demandai-je alors, n'ayant rien dit jusqu'à maintenant.

— Oui, bien sûr, suivez-moi dans son bureau .

Elle nous conduisit dans une salle située au premier étage : une très belle pièce, avec un magnifique bureau en palissandre au milieu, une fenêtre encadrée par de lourds rideaux, et des bibliothèques bien garnies au fond, contenant des livres anciens. Elle tendit l'agenda à Bertier qui le consulta attentivement, pendant que je regardais partout, comme je le fais d'habitude, lisant les dos des livres et regardant les photos sur les étagères, d'une manière anodine, du moins… en apparence.

Mon attention fut ensuite attirée par une photographie fanée, dans un cadre posé sur le bureau. Je la regardai attentivement : l’allure de l’homme y apparaissant me sembla vaguement familière, ce qui m'intrigua, mais, pris de loin, son visage était assez flou.

— C'est votre mari ? demandai-je.

— Oui, répondit-elle, la photo est assez ancienne, elle a été prise il y a une vingtaine d'années, lorsque mes fils étaient petits.

Celle-ci montrait Malandain, souriant avec deux enfants devant lui, certainement ses fils, devant un paysage montagneux.

— Je vois des montagnes derrière, au loin.

— Oui, elle a été prise en Suisse.

Bertier reposa l'agenda sur le bureau après l'aoir feuilleté.

— Tiens, c'est curieux ! observa-t-il. Un prénom revient souvent sur les pages précédentes, et pratiquement toutes les semaines : Pierrette. Cela vous dit-il quelque chose ?

La maîtresse de maison parut soudain surprise

— Pierrette ? Non, pas vraiment ! Euh ! Oui ! se ravisa-t-elle. J'en connais une, c'est une ancienne petite amie de mon fils André, mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'elle, car je ne vois pas le rapport qu'elle aurait avec mon mari et ce que son nom fait sur son agenda.

— Connaissez-vous son nom de famille ? demanda Bertier,

— Je crois qu'elle s'appelle Pierrette Lefebvre.

— Et savez-vous où elle habite ?

— Non, il faudrait le demander à mon fils, André.

— A-t-on cherché votre mari dans tout le parc ? demandai-je.

— Oui, bien sûr. Nous avons d'abord fouillé la maison de la cave au grenier, puis nous avons parcouru tout le parc en l'appelant. Nous sommes même sortis de la propriété et avons continué à l'appeler tout au long du chemin qui rejoint la route, mais sans obtenir de réponse, hélas ! Puis, nous nous sommes rendus au village en voiture et ne l'y avons pas trouvé non plus.

— Mme Malandain, il est onze heures du soir et il fait nuit depuis bien longtemps, déclara Bertier. Il est bien trop tard pour procéder à une fouille de votre domaine. Nous allons prévenir le parquet et reviendrons dès que possible avec nos hommes pour examiner votre propriété et les environs. On ne sait jamais ! Mais gardez espoir, il a peut-être été retenu par un contretemps et n'a pu vous prévenir. Au pire, si on ne le retrouve pas, on lancera un avis de recherche.

Nous prîmes congé. Une fois dans la voiture, nous échangeâmes quelques idées pendant que je croquais enfin dans mon casse-croute, exhumé de ma poche et à moitié écrasé.

— Tu ne crois pas que notre homme aurait pu fuguer avec ladite Pierrette qui figure en bonne place dans son agenda ? suggéra Bertier.

— Oui, c'est possible, surtout s'il s'agit de la Pierrette qui est l'ancienne amie de son fils André. Qui sait ? Le démon de midi aurait pu le pousser à partir avec cette jeune fille. Et as-tu remarqué comment Mme Malandain a réagi en entendant ce prénom ? Y aurait-il anguille sous roche ? Et son air gêné quand elle a parlé du rendez-vous prévu avec le notaire ? C’est bizarre quand même ! Je pense également que l'hypothèse d'un accident est plausible. Il aurait pu chuter accidentellement quelque part.

— Oh la-la Gilbert, t'emballe pas. Nous reprendrons tout ceci point par point demain. Il faudra aussi interroger cette fameuse Pierrette et que nous demandions son adresse à André Malandain. Bon, maintenant, on va rentrer se coucher. Demain est un autre jour.

Sages paroles. Nous étions fatigués de cette journée à rallonge ! Parfois, la vie de policier est loin d'être une sinécure.

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