Chapitre 5 - Enfin sur le terrain !
La 403 nous amena de nouveau au domaine de Beaumanoir. J'ai pu enfin contempler ce château, de jour, dans toute sa splendeur. De cette première vision, j'en garderai un souvenir impérissable.
Pour accéder au domaine, il fallait prendre une petite route de campagne bordée d'arbres, puis, franchir la grille et continuer sur une large allée, longue d'une centaine de mètres, bordée de pelouses entourées de tilleuls. Elle menait vers la façade nord du bâtiment, près de la dépendance. Puis, ce chemin contournait l'aile jusqu'à son entrée.
La bâtisse fait partie de ces nombreux manoirs et châteaux, trésors architecturaux nichés dans les boucles de la Seine. Non loin de là, se trouve également celui d'Agnès Sorel, et, à quelques kilomètres seulement, l'abbaye médiévale de Jumièges, dont il reste de magnifiques ruines.
Le château été construit au XVIème siècle, à l'époque où la Normandie, au passé tourmenté et bien après la guerre de cent ans, connaissait un renouveau.
Située légèrement en hauteur, la propriété est délimitée à l'ouest par une forêt qui, en la traversant, conduit à l'abbaye de Jumièges, nichée dans une boucle de la Seine, elle est entourée par le fleuve, dont certaines parties sont marécageuses.
La bâtisse, de style Renaissance, se compose d'un bâtiment principal en pierres taillées, recouvert d'un toit en ardoises et flanqué de deux ailes de chaque côté, formant une sorte de U ouvert vers la Seine, vers l'est. Les pièces sont grandes et vastes, avec de hauts plafonds aux poutres apparentes, et éclairées par de hautes fenêtres à meneaux.
Cependant, près d'une des ailes, des travaux de terrassement, restés inachevés depuis la disparition du maître des lieux, laissaient une grande excavation béante, cassant l’harmonie de l’ensemble.
Devant le bâtiment, une vaste pelouse bien entretenue, bordée de cèdres des deux côtés, se prolonge par un parc à l'anglaise aux arbres centenaires, puis par une zone boisée humide, composée de saules et de peupliers descendant en pente douce vers le fleuve.
Nos pas crissaient au fur et à mesure que nous longions le chemin gravillonné qui nous mena devant la porte du château. Dès que nous fûmes arrivés, Bertier fit le point sur ce que nous avions à faire. Un car de police bondé d'agents en uniforme nous rejoignit aussitôt afin de nous aider dans nos recherches.
— Avant d'émettre toute autre hypothèse, nous allons nous assurer que M. Malandain ne se trouve pas ici. Nous allons nous répartir les tâches : deux agents vont fouiller la maison, et toi, Gilbert, tu vas interroger la châtelaine pour obtenir plus d'informations sur la topographie des lieux. Moi, je vais examiner les lieux tout autour de la maison, avec trois autres agents et les autres vont fouiller tout le jardin.
— D'accord ! je vais lui demander si elle peut nous fournir des plans de sa propriété. Je pense que cela pourrait nous aider pour nous orienter.
—Très bonne idée ! Alors allons-y !
Je trouvai Louise Malandain dans le salon. Lors de notre première entrevue, je ne lui avais pas prêté une attention particulière. D'ailleurs, elle m'avait totalement ignoré et ne s'adressait pratiquement qu'à mon supérieur. Et mon attention avait été plutôt attirée par les objets et les livres disposés sur les étagères et sur le bureau.
Mais cette fois-ci, je prêtai plus d'intérêt à son apparence physique. A cinquante-huit ans, elle apparaissait à première vue dix ans de moins. Elle avait encore beaucoup de charme. Son corps svelte, son visage doux, avec de grands yeux noisette et veloutés, qui parfois se voilaient d'une certaine tristesse, donnaient une idée de la jolie jeune femme quelle avait dû être. Seuls témoins de son âge, quelques petites rides au coin des yeux et des cheveux bruns légèrement grisonnants sur les tempes, qu'elle n'avait apparemment jamais voulu faire teindre. Parée de bijoux discrets, tout comme sa personne, elle portait un tailleur à la fois chic et sobre.
Je la saluai et lui demandai si, par hasard, elle aurait un plan détaillé du domaine. Malgré son anxiété croissante, elle se montra très coopérative.
— En effet, nous avons des plans, ce qui est relativement courant pour les châteaux.
Puis, elle me conduisit à l’intérieur.
— Les fondations communiquaient jadis avec des souterrains, reprit-elle, mais les accès ont été condamnés suite à des remaniements. Mon mari est féru d'histoire et il s'est procuré les plans ainsi que des terrains alentours. Suivez-moi dans son bureau, je pense qu'ils s'y trouvent.
Nous consultâmes alors les bibliothèques et finîmes par repérer ces cartes et je commençai à les examiner sous toutes les coutures.
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