Chapitre 9 - Retour au château
Honorine était une brave et forte femme, qui m'intimidait un peu par son autorité. Elle me rappelait ma grand-mère. J'avais l'impression, face à elle, d'être un gamin fautif.
— Ah ! Je vois, vous êtes allé vers le marécage et vous êtes tombé dedans ! Vous n'êtes pas le premier, vous savez, et c'est pour ça que nous n'y allons jamais. Je vais aller vous chercher des vêtements de M. André, vous semblez avoir la même taille.
Je la remerciai et Honorine revint quelques minutes plus tard avec une grande serviette de bain, des vêtements et une paire de chaussures. Par chance, ils correspondaient à ma taille, même les souliers. Etonnant d'ailleurs car la pointure 45, qui est la mienne, n'est pas monnaie courante. Cependant, j'avais remarqué que l'un des fils de la maison était quasiment aussi grand que moi.
— Je vais vous conduire dans la salle de bains où vous pourrez prendre une douche et vous changer.
Un long moment sous l'eau chaude me permit de me réchauffer et de décrasser la vase incrustée sur ma peau. Ayant repris figure humaine et me sentant mieux, je redescendis pour remercier la cuisinière.
— Ce n'est rien ! Vous n'êtes pas le seul à qui cela est arrivé, M. André et M. Pierre sont déjà tombés plusieurs fois dedans quand ils étaient gamins et à chaque fois, ils rentraient dans un drôle d'état !
Puis, elle proposa d'emballer mes vêtements sales dans du papier journal.
A ma demande, elle me rendit les objets que je lui avais confiés : ma carte de police, soigneusement rangée dans un tiroir et mon pistolet, qu'elle sortit en le tenant du bout des doigts par le bout de la crosse avec un air dégoûté.
Puiis, je pénétrai dans le salon. Apparemment, tout le monde était au courant de mon infortune et en riait plus ou moins ouvertement, mais personne ne savait encore ce que j'avais découvert, et je me gardai bien d'en parler, sachant que mon supérieur allait s'en charger lui-même le moment venu. Pendant ce temps, Bertier avait appelé discrètement la police scientifique en utilisant le téléphone situé dans le bureau.
André Malandain s'approcha gentiment de moi pour me demander comment j'allais. Il m'invita à boire un cognac pour me remettre. Je le remerciai chaleureusement pour le prêt des vêtements et lui promis de les lui rapporter le lendemain.
Nous nous tenions tous les deux côte-à-côte, un verre à la main, lorsque je vis soudainement Bertier s'arrêter net à la porte de la grande salle, et me fixer du regard. Etonné, je le regardai un instant et repris ma conversation avec André.
Je me demande bien ce qu'il a à me dévisager comme ça ! pensai-je. Il a dû me trouver élégant ! je lui ai fait de l'effet !
Je repris ma conversation et lui montrai la clef que j'avais trouvée, posée dans un mouchoir propre pour ne pas laisser mes empreintes dessus. Celui-ci la regarda attentivement.
—Je ne l'ai jamais vue auparavant, déclara-t-il. On dirait la clef d'un tiroir de bureau ou d'un coffret. On va aller dans celui de mon père et voir si cela correspond à quelque chose.
Il me conduisit dans la pièce et j'entrepris d'essayer celle-ci dans toutes les serrures bureau. Elle n'entrait dans aucune serrure. Je lui demandai s'il y avait un autre bureau, ou un secrétaire.
— Pas que je sache ! Par contre, mon père a un petit coffre, mais il est fermé par une combinaison.
Nous regardâmes tous deux dans la pièce et ne vîmes pas d'autres tiroirs à ouvrir.
Bon ! pensai-je. Eh bien elle va être enregistrée sous scellés dans les pièces à conviction du dossier, si toutefois c'en est une. Et j'espère qu'un jour on trouvera à quoi elle sert !
— A propos, puisque je suis là, cela vous ennuierait si je jetais un coup d'oeil dans les tiroirs ? Au cas où nous trouverions des indices importants concernant sa disparition ?
— Non, bien sûr, allez-y.
Je regardai dans les tiroirs. Il y avait des factures à régler, quelques papiers et correspondances diverses, et une enveloppe à l'en-tête d'un hôpital. Je l'ouvris et la lus rapidement. Je compris alors qu'il s'agissait du résultat d'un examen, qui diagnostiquait une tumeur au pancréas.
Merde ! C'est sérieux ! Il était peut-être condamné.
Profitant que le fils Malandain ne regardait pas dans ma direction, je ne la lui montrai pas et la fourrai discrètement dans ma poche. Je sais, c'est un peu hors procédure, mais par ce biais, je gagnais du temps. Cela pourrait être un indice, on ne sait jamais.
— Votre père avait-il des problèmes de santé ? demandai-je innocemment.
— Non, pas que je sache, à part ses maux d'estomac. D'ailleurs, notre médecin de famille lui avait trouvé une gastrite chronique. Toutefois, depuis quelques temps, ma mère avait remarqué que ses douleurs s'aggravaient et devenaient de plus en plus fréquentes.
Nous redescendîmes dans le salon. L'équipe scientifique, appelée par Bertier déboula au château. Je dus retourner à ce maudit endroit avec l'Inspecteur, et, grâce des lampes puissantes, celle-ci récupéra le corps. Arrivé en dernier, j'eus à peine le temps d'apercevoir la victime, identifiée grâce à la carte d'identité retrouvée et emballée aussitôt dans la housse mortuaire.
Puis, retourné au château, l'Inspecteur se fit un devoir de prévenir la famille qui fut en émoi. Je fus témoin de la scène et en fus sincèrement peiné. Ce fut un moment très poignant. Je ne savais que dire, et que dire dans ce cas-là ?
Annotations
Versions