Chapitre 11 - Une voix dans la tête

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La nuit qui suivit cette journée mouvementée ne fut pas de tout repos. Je dormais profondément lorsque je fus tiré subitement de mon sommeil. J'entendais une voix d’homme me murmurer quelque chose à l’oreille, et s'arrêter immédiatement.

Interloqué, je me retournai vers Sophie. Nous n’avions pas totalement tiré les rideaux et un rayon de lune éclairait partiellement le mur face à la fenêtre, renvoyant une lumière qui baignait la pièce d’une clarté irréelle.

Elle dormait à poing fermés, le dos tourné, indifférente à mon trouble. Ce ne pouvait être sa voix. Et j’avais bien entendu le murmure d’une voix d’homme, pas celui d’une femme.

Décidément, pensai-je, mes oreilles me trahissent, à moins que ce ne soit mon esprit quelque peu surmené.

Je me recouchai et me rendormis qu’au bout d’un long moment.

Je flottais dans les eaux sombres du bras mort où j'avais retrouvé le corps. Une force inconnue me tirait vers le bas. J'avais beau me débattre, ma chute continuait, l'eau envahissait mes poumons, le froid mordant de l'eau me saisissait. Soudain, le cadavre que j'avais trouvé apparut, surgissant des eaux troubles, flottant dans son costume. Il me parlait, ses paroles s'échappant de sa bouche entre les bulles, comme un murmure indistinct, sans que je n'en comprenne le sens...

Terrorisé, je me mis à crier, mon cœur battant la chamade. Je me redressai sur les oreillers et m’assis dans le lit. Mon épouse, réveillée en sursaut, se retourna vers moi et me demanda ce qu'il se passait.

Je lui racontai mon cauchemar.

— C'est horrible, en effet ! C'est sûrement la découverte de ce corps qui t'a traumatisé de manière inconsciente.

— Pourtant, lorsque je l'ai trouvé, je n'avais pas vraiment eu peur de lui. Des corps, j'en ai vu des tas dans ma profession !

Enfin, il me faut être honnête. Pas tant que ça, en vérité.

— Oui, mais jamais dans des conditions pareilles. Tu as sûrement eu peur de ne pas sortir de ce marais. Mais alors, comment faisait-il pour te parler puisqu’il était sous l’eau ?

— J’en sais rien ! Tu sais, les rêves… Ce n’est pas toujours logique ! En tout cas, j’ai bien entendu sa voix. Une voix douce et grave à la fois… Mais, comme il murmurait, je n’ai pas compris ce qu’il me disait.

— T’aurais pu lui demander de répéter ou de parler un peu plus fort !

— Ah ! Très drôle ! Moque-toi donc de moi ! Dialoguer pendant un cauchemar qui se passe sous l’eau, avec un type assassiné… Pfff ! Et puis, plus tôt dans la nuit, j’avais déjà été réveillé par cette même voix me murmurant quelque chose à l’oreille.

D’ailleurs, pensai-je, avais-je seulement rêvé ce premier murmure ?

— Une voix ! Voilà autre chose, maintenant ! Mon mari entend des voix !

Elle soupira et se retourna de l’autre côté.

— En tout cas, bravo ! grogna-t-elle. Merci d’avoir gâché ma nuit ! Maintenant, je vais mettre un temps fou à me rendormir !

— Désolé, ma chérie !

Je restai assis, dans le noir, adossé à mon oreiller que j’avais redressé. Je craignais de retomber dans mon rêve et je me sentais oppressé. Je tâtai mon front. Il était en sueur. J’avais sûrement dû attraper froid, à me balader tout mouillé dans la nature en plein mois de septembre.

Ce doit être la fièvre. C’est ça, la fièvre. J’ai dû attraper un rhume carabiné et la fièvre me fait entendre des choses qui n'existent pas.

Sophie s’était quand même rendormie. Je percevais sa respiration régulière. Et moi, j’étais maintenu en éveil par une sourde et inexplicable inquiétude. Soudain, je me mis à grelotter. De fière ou de peur ?

Mon esprit était en ébullition et les pensées tourbillonnaient, alternant l'enquête et ma future paternité. Un grand changement dans ma vie s'annonçait.

Finalement, je me levai et enfilai ma robe de chambre pour aller dans la cuisine me faire un bon grog. J'irai sûrement mieux.

Je réfléchissais en sirotant ma réconfortante boisson qui me réchauffait et me tournait un peu la tête. Tout ceci me paraissait bien étrange et mystérieux. Le corps du disparu, retrouvé dans un marais, attaché par une corde, le château, la propriété, la branche coupée dans le massif de fleurs…

Tout me revenait à l'esprit mais en vrac. C’était comme un puzzle insolite, aux pièces éparpillées. J'étais incapable de réfléchir.

Et puis, cette voix qui me hantait maintenant. Je ne dirai rien à quiconque à son sujet, sinon, on me ferait envoyer tout droit chez le psychologue de la PJ...

Et puis ce rêve, que voulait-il dire ? Un homme qui murmure sous l’eau. Ça n'a aucun sens ! Et cette voix, j'avais l'impression de l'avoir déjà entendue. Je fis un effort surhumain pour me rappeler… Mais rien ne me venait à l’esprit.

La fatigue m’envahissait peu à peu et mon esprit se brouillait.


Je me réveillai au petit matin, la tête sur la table de la cuisine où je m’étais assoupi à côté de mes plans et de mon bol de grog. Les spirales de mon carnet s’étaient imprimés sur ma joue, y créant de curieux dessins. Je massai mon cou ankylosé, puis me levai pour préparer mon petit déjeuner. Je me sentais fatigué, la gorge brûlante et le nez bouché. J’avais attrapé un sacré rhume !

Un peu plus tard, Sophie déboula dans la cuisine, alors que je finissais mon bol de café. Elle avait sa tête des mauvais jours. Un peu en rogne et des valises sous les yeux. Pas étonnant, dans son état ! Et si en plus je perturbe son sommeil… Et ma mine ne devait pas être meilleure que la sienne.

— Alors, Jeanne d’Arc ? Ça va mieux ? me lança-t-elle.

— Si on veut !

— En tout cas, tu a attrapé un sacré rhume ! Tu parles comme un canard. Tu sais quoi ? Cette nuit, tu as dû avoir des acouphènes, des bourdonnements d’oreilles.

— Des acouphènes ? C’est bien la première fois que j’entends ce mot. Mais, tu as raison ! Ça doit être cela ! Je préfère, car j’ai cru que je devenais timbré.

Et je me mis à tousser. Une toux caverneuse.

— Est-ce bien raisonnable de retourner travailler dans ton état ? Tu devrais rester au lit. Je m’occuperai bien de toi, mon chéri ! se radoucit-elle en me caressant le dos.

Me voyant ainsi mal en point, elle était redevenue gentille.

— Je vais appeler ton commissaire et lui dire que tu es malade, continua-t-elle. Au besoin, je te ferai un mot d’excuse… Et si ça empire, j’appellerai le docteur.

— Non, ça va aller ! Je vais aller au commissariat. Ce n’est pas un simple rhume qui va m’empêcher d’aller bosser.

— Comme tu voudras ! En tout cas, tu auras perdu l’occasion de fainéanter un peu au lit ! conclut-elle.

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