Le Match
Le Match19 mars 2006 — Partie 1
Le moment tant attendu était enfin arrivé, s'imposant comme une évidence inéluctable.
Je croyais sincèrement m'y être préparé mentalement. Je pensais naïvement avoir réussi à construire un mur solide, pierre après pierre, contre la tempête émotionnelle que je sentais approcher inexorablement. Mais non. J'avais beau faire semblant, jouer la comédie de l'assurance, mes tripes, elles, ne mentaient jamais. Elles se tordaient douloureusement comme si elles cherchaient désespérément à s'échapper de mon ventre, à fuir ce corps avant que je ne le fasse moi-même.
Je m'étais changé à la maison, dans le refuge relatif de ma chambre. Évidemment. Les vestiaires du gymnase, c'était un véritable champ de mines émotionnel pour moi. Trop d'yeux scrutateurs, trop de silences lourds de jugements non exprimés, trop de regards qui pesaient sur ma peau comme des brûlures. Là-bas, même les murs carrelés semblaient me dévisager avec insistance, me jauger, me condamner silencieusement. Alors, j'avais préféré me préparer dans l'intimité de ma chambre, dans le calme relatif de ma solitude protectrice. Mieux valait affronter le regard impitoyable du miroir que celui, collectif et cruel, des autres.
Chez moi, ce n'était franchement pas beaucoup mieux non plus. Depuis l'épisode traumatisant des cheveux – cette coupe que j'avais osée et qui avait déclenché un séisme familial – c'était comme si mes parents avaient consciemment décidé d'effacer purement et simplement ma présence de leur quotidien. Une punition insidieuse par le vide. Par le silence glacial. Ils ne criaient même plus contre moi. Ils ignoraient mon existence. Et parfois, paradoxalement, c'est infiniment pire que les cris et les reproches.
Enfin... pas que je m'en sois tiré à si bon compte pour autant. Ma mère possède un regard capable de faire plier le fer le plus résistant. Quand je suis rentré de chez Capucine et Emy après cette nuit d'hospitalité salvatrice, elle ne m'a même pas laissé franchir complètement le seuil de la porte d'entrée avant de me transpercer d'un seul coup d'œil meurtrier. Si le regard pouvait véritablement tuer, je serais mort au moins deux fois, peut-être trois.
Et mon corps en a payé le prix habituel. Comme toujours, malheureusement.
Heureusement que l'excuse pratique des entraînements violents faisait parfaitement le boulot auprès des regards extérieurs. "Blessures du sport." Ça passait crème à chaque fois. Un hématome suspect ici, une entorse opportunément inventée là. Tout ça pour dissimuler soigneusement des vérités beaucoup plus sales et inavouables.
Mais ce matin-là particulier, j'étais sorti de la maison sans prononcer un seul mot, sans même un au revoir poli. Et bizarrement, étrangement, je préférais largement ça. Le vide assourdissant, au moins, ne me lançait pas de couteaux invisibles dans le dos à chaque pas.
Je sortis mon téléphone à clapet légèrement rayé de ma poche et composai le numéro familier d'Aya, mes doigts tremblant imperceptiblement.
Elle répondit quasi instantanément, comme toujours, fidèle au poste.
— T'inquiète absolument pas, je suis déjà en route ! Je viens te chercher immédiatement ! lança-t-elle avec son enthousiasme caractéristique.
Je soupirai longuement, profondément, comme si tout mon stress accumulé pouvait miraculeusement s'échapper par ma bouche entrouverte.
— Aya... Combien de fois exactement je vais devoir te répéter de ne surtout pas utiliser ton téléphone quand t'es à vélo ? la réprimandai-je doucement.
— Oh ça va, le bout de ferraille tient parfaitement le coup ! Trois ans qu'il survit héroïquement à toutes mes cascades, ce vieux machin indestructible, se défendit-elle avec une légèreté qui me fit sourire malgré moi.
— Je parlais pas du téléphone, Aya. Je parlais de toi ! De ta sécurité !
Mais j'eus à peine le temps de terminer correctement ma phrase inquiète qu'elle surgit brusquement d'un virage serré, comme une furie échappée directement d'un rêve fébrile. Sa bicyclette antique grinçait de partout, chaque vis et chaque boulon hurlaient littéralement à la mort imminente, mais l'engin tenait bon miraculeusement. Toujours. Exactement comme elle.
— Allez roule ma poule ! Va chercher ta bécane immédiatement ! Je suis pas encore équipée d'un tandem fonctionnel ! me lança-t-elle joyeusement.
Je m'exécutai sans protester, hilare malgré mon anxiété sous-jacente. Ses pitreries constantes possédaient ce pouvoir étrange et salvateur de défroisser instantanément mon âme froissée.
C'était rien, vraiment pas grand-chose. Mais pour moi, à cet instant précis, c'était déjà énormément.
Léandre — 15h30
Le moment fatidique se rapprochait inexorablement, chaque seconde s'écoulant comme une goutte d'acide brûlant tombant lentement sur ma peau hypersensible.
Dans une demi-heure à peine, j'allais être sur ce terrain de basket, exposé aux regards, face à cette équipe adverse que je ne supportais absolument pas... et je n'avais définitivement plus le moindre choix.
Je ne voulais pas perdre. Pas cette fois-ci. Pas aujourd'hui. Pas contre eux, ces prédateurs arrogants. Pas après tout ce que j'avais traversé, enduré, survécu.
Ce match n'était pas qu'une simple compétition sportive entre lycées. C'était un exutoire vital, un cri de guerre silencieux. Je comptais fermement y déverser absolument tout ce que je n'arrivais plus à exprimer verbalement. Toute cette rage sourde qui me rongeait. Toute cette douleur indicible. Tout ce qui me dévorait impitoyablement de l'intérieur depuis des semaines interminables.
Dans ma tête agitée, j'imaginais déjà avec une satisfaction malsaine la tête stupide de Diego se prenant un ballon de basket en pleine face. L'image mentale était si délicieusement satisfaisante que j'en oubliais presque momentanément l'angoisse qui me tordait les entrailles.
Mais soudainement, une voix familière me tira brutalement de mes pensées vengeresses :
— Léandre ?
Je me retournai instinctivement, le cœur bondissant violemment dans ma poitrine, comme si mon corps entier avait instantanément reconnu avant mon cerveau cette voix particulière parmi des milliers d'autres.
Mes yeux s'écarquillèrent comiquement. Ma mâchoire tomba littéralement. Et si une mouche égarée était passée à ce moment précis devant mon visage, j'aurais été définitivement bon pour l'avaler sans même m'en rendre compte.
C'était Tristan. Mon grand frère adoré. Celui qui brillait davantage par ses absences prolongées que par ses présences réconfortantes. Il était là, matériellement. Devant moi. Comme une apparition presque irréelle.
Et derrière lui, légèrement en retrait mais rayonnante, je vis Aya. Radieuse, euphorique, visiblement fière d'avoir orchestré ce coup de théâtre émotionnel comme une magicienne absolument sûre de son effet spectaculaire.
Je compris immédiatement tout le tableau.
Elle avait usé de son pouvoir légendaire de persuasion — ou plutôt de sa douce insistance obstinée — pour faire revenir Tristan parmi nous, pour ce match crucial. Et ça... ça me donna instantanément envie de pleurer comme un enfant. Mais pas de tristesse déchirante. D'un trop-plein émotionnel. D'un trop-plein de tout ce que je ressentais simultanément.
Je me jetai littéralement dans les bras protecteurs de mon frère, m'accrochant à lui désespérément comme à une bouée de sauvetage dans une mer déchaînée en furie.
— Mon petit frère... je suis là maintenant, souffla-t-il tendrement, une main rassurante et chaude posée sur ma nuque tremblante.
Je retenais mes larmes de justesse, mordant l'intérieur de ma joue. Il était si souvent en Angleterre pour ses études. Toujours ailleurs, toujours absent. Mais aujourd'hui, miraculeusement, il était là. Physiquement présent. Pour moi.
— Mais... comment tu savais pour le match ? soufflai-je, encore incrédule.
Il me répondit dans un anglais volontairement bancal, un sourire complice en coin :
— Your wonderful friends help me come back.
Aya, toujours positionnée dans le coin mais exceptionnellement un peu en retrait pour une fois, leva sa main dans un salut ridicule et théâtral qui me fit sourire malgré l'émotion qui me nouait la gorge.
Autour de nous, dans le gymnase qui se remplissait progressivement, absolument tout le monde l'observait avec curiosité. Tristan, c'était indéniablement le genre de personne à captiver naturellement une pièce entière sans même ouvrir la bouche.
Ses cheveux auburn luxuriants descendant jusqu'aux épaules, son accent british parfaitement maîtrisé à couper le souffle, et cette mâchoire ciselée façon acteur de série hollywoodienne...
Même Emy n'était manifestement pas restée totalement indifférente à son charisme. Elle s'était imperceptiblement rapprochée de lui. Un peu trop proche, peut-être. Au grand dam visible de Capucine qui, fidèle à elle-même et à son rôle de gardienne, la surveillait comme un agent secret prêt à bondir à la moindre alerte.
— Benjamin n'est pas venu avec toi ? demandai-je prudemment, un peu moins sûr de moi soudain.
Je savais déjà parfaitement la réponse avant même de poser la question. Je l'espérais secrètement un peu, mais je connaissais son refus catégorique d'être vu publiquement à mes côtés. Le regard des autres était devenu son obsession paralysante, et moi, j'étais devenu... une menace potentielle pour cette image soigneusement construite qu'il voulait préserver.
— Non, tu le connais bien, darling. Il n'est vraiment pas très open avec ces choses-là, répondit Tristan d'un ton désolé mais sans surprise particulière.
Je hochai simplement la tête en silence. Je ne leur en voulais même plus vraiment. Pas sincèrement. Juste un peu encore. Assez pour que ça pique douloureusement mon cœur, mais pas suffisamment pour les haïr définitivement.
Voir Tristan ici aujourd'hui, c'était déjà une victoire inespérée. Une vraie et belle victoire personnelle. Alors je le laissai prendre place confortablement dans les gradins bondés avec les autres supporters. Il méritait amplement de voir ce que j'avais à donner sur ce terrain.
Je me dirigeai ensuite vers le terrain avec Aya qui trottinait à mes côtés, mais une main ferme me retint soudainement par la manche de mon maillot.
C'était Mathieu, avec cette expression caractéristique mi-inquiète, mi-embarrassée.
— Léandre... tu trouves pas qu'il agit un peu chelou ton frère, là ? murmura-t-il discrètement.
Je levai un sourcil interrogateur, intrigué, avant de suivre attentivement son regard pointé.
Tristan avait déjà accroché le bras d'Emy avec une familiarité déconcertante. Elle riait aux éclats. Beaucoup trop fort. Et lui, il arborait ce regard de prédateur tranquille et confiant, comme s'il savait déjà parfaitement comment cette interaction allait se terminer.
— Oh, t'inquiète vraiment pas pour ça. C'est un dragueur professionnel de première catégorie. J'ai largement l'habitude de ses manœuvres, le rassurai-je avec un sourire entendu.
Mathieu ne semblait toujours pas vraiment convaincu par mes paroles. Je lui tapai amicalement l'épaule pour le détendre :
— Mais t'inquiète sérieusement pas pour elle. Il touchera jamais à Capu. Regarde-la attentivement, elle reste stratégiquement à trois mètres de distance minimale. On dirait qu'elle va sortir le spray au poivre au moindre faux pas suspect.
Il esquissa finalement un sourire, un vrai sourire soulagé. Puis, dans un geste spontané, il m'enlaça chaleureusement. Un câlin franc. Brut. Profondément fraternel.
— On croit tous en toi, mon pote. Vas-y, déchire tout.
Et il s'éloigna ensuite, récupérant tendrement Cerise, la pauvre petite sœur momentanément délaissée par Capucine trop occupée à surveiller Emy.
Je soufflai un bon coup, gonflant mes poumons d'air.
Et enfin, je rejoignis Aya qui m'attendait patiemment.
Elle me prit spontanément par le cou, comme toujours, sans jamais prévenir.
— Alors ? Pas trop stressé quand même ? chuchota-t-elle doucement à mon oreille.
Je souris, me sentant soudainement plus apaisé malgré la tension.
— Pas tant que je suis avec toi à mes côtés.
Je déposai alors une bise légère et tendre sur sa joue, comme une promesse muette et intime.
Et pour la toute première fois depuis que je la connaissais, je vis Aya complètement désemparée, déstabilisée. Ses grands yeux expressifs semblaient perdus dans un rêve éveillé, ou peut-être un doute troublant. Mais ce regard-là particulier, je ne voulais surtout pas l'oublier. Jamais de toute ma vie.
Elle était là, présente. Avec moi. Pas en face comme adversaire. Pas en retrait comme spectatrice. Juste là, à mes côtés.
Le coup de sifflet strident de l'arbitre se fit soudainement entendre, perçant le brouhaha ambiant.
Je pris ma place désignée sur le terrain, sentant l'adrénaline commencer à circuler.
Et au loin, dans la pénombre relative d'une entrée discrète du gymnase... Je repérai Gabriel, immobile.
Quelque chose en moi se figea instantanément à sa vue. Ses mains bandées étaient encore plus abîmées que la dernière fois à l'hôpital où j'avais rendu visite à Nathan. Ses bandages avaient considérablement épaissi, presque inquiétants. Ses traits étaient visiblement tirés par la fatigue ou l'inquiétude. Et ses yeux... ses yeux habituellement vifs semblaient étrangement éteints, absents.
Mais je n'eus absolument pas le temps de réfléchir davantage à cette observation troublante. Un second coup de sifflet autoritaire résonna dans tout le gymnase.
Et le match tant attendu commença enfin.
Léandre — Première mi-temps
Le ballon orange est officiellement en jeu, et tout ce que j'ai actuellement dans la tête surchauffée, c'est ce vacarme assourdissant dans mes tempes pulsantes. Pas le bruit encourageant du public massé dans les gradins. Pas les encouragements enthousiastes de mes coéquipiers. Pas même la voix familière d'Aya ou celle, plus lointaine, de mon frère Tristan.
Non, rien de tout ça. C'est uniquement ce foutu cœur qui cogne violemment à s'en faire littéralement éclater la cage thoracique.
Je me poste stratégiquement en défense, jambes légèrement fléchies. Mon regard scanne méthodiquement le terrain comme un radar hypersensible. Je ne suis objectivement pas un joueur exceptionnel, pas un as technique du ballon. Mais aujourd'hui, à cet instant précis... je suis un mur infranchissable. Un putain de mur de béton armé.
Dès les toutes premières minutes frénétiques, j'esquive un adversaire agressif avec suffisamment de détermination farouche pour qu'il tombe lourdement à la renverse, surpris par ma virulence. Je l'aide courtoisement à se relever ensuite avec un sourire carnassier volontairement provocateur.
— Bienvenue dans MON équipe, mec, je murmure assez fort pour qu'il entende.
Chaque fois que j'avance sur le parquet, j'ai obsessionnellement en tête les mots durs que je n'ai jamais pu dire à ma mère. Chaque fois que je cours à perdre haleine, je revois avec précision le regard blessé de Gabriel à l'hôpital. Et chaque fois que je lance la balle vers le panier, je sens douloureusement l'absence criante de Benjamin. Elle est constamment là, cette absence. Tapie dans l'ombre. Comme une présence fantôme qui me suit partout.
Mais j'avance quand même, inexorablement. Parce que je suis là, bien présent. Et qu'ils doivent absolument tous le voir clairement.
Tristan crie soudainement depuis les gradins supérieurs, sa voix perçant le tumulte : — Go on, Léandre! Show them who you really are!
Et mon cœur se serre douloureusement dans ma poitrine. Ça fait des mois interminables que je n'ai plus entendu mon prénom complet prononcé dans sa bouche affectueuse.
Je joue désormais comme si ma vie entière en dépendait absolument. Peut-être parce que... quelque part au fond de moi, c'est exactement vrai.
L'équipe adverse commence progressivement à perdre patience face à notre résistance. Ils ne s'attendaient manifestement pas à ça, à cette version de moi. À un Léandre complètement transformé, méconnaissable. À cette défense agressive, presque animale dans son intensité.
Le coach hurle des consignes techniques depuis la ligne de touche. Aya tape énergiquement dans ses mains, même si elle est frustrée d'être confinée sur le banc de touche. Capucine filme consciencieusement avec la vieille caméra familiale. Cerise saute d'excitation dans les bras protecteurs de Mathieu à chaque action spectaculaire.
Mais moi, je reste intensément concentré sur mon objectif. Laser mental. Chaque action compte, chaque passe est cruciale, chaque saut déterminant, chaque coup stratégique.
À la quinzième minute exactement, on marque le premier but salvateur. Un cri collectif déchire l'air épais du gymnase, et c'est moi qui hurle probablement le plus fort de tous. Je lève triomphalement le poing vers le ciel. Je cherche immédiatement Aya du regard. Et je cours spontanément vers elle.
Je m'arrête net devant le banc des remplaçants, essoufflé. Je ne dis absolument rien. Je la regarde simplement, intensément. Et elle comprend instantanément. Tout ce que je ne peux pas dire.
Elle me tend sa main ouverte. Je la frappe doucement avec la mienne. Un petit "check" complice qui signifie mille choses inexprimables.
— T'es littéralement un monstre aujourd'hui, souffle-t-elle avec admiration.
Je souris sincèrement. Un sourire authentique et spontané. Un de ceux qui n'existent que dans les moments rares où le monde hostile s'ouvre miraculeusement un peu.
Il reste exactement cinq minutes cruciales avant la mi-temps réglementaire.
Et c'est précisément là que tout commence à légèrement déraper.
Un des gars massifs d'en face — un colosse intimidant prénommé Hugo, je crois — me fonce délibérément dessus avec violence. Épaule contre épaule dans un choc brutal. Un duel physique. Intense. Je glisse dangereusement, mais je me relève aussitôt comme un diable décidé sorti de sa boîte.
Je ne sens littéralement plus rien. Ni la douleur physique. Ni la fatigue accumulée. Juste ce feu dévorant. Celui qu'on m'a foutu dans le ventre depuis des semaines d'humiliation.
Je récupère la balle orange rebondissante, la passe avec précision à Mathieu qui démarque intelligemment, et en trois mouvements fluides et coordonnés, on atteint la surface de tir.
Un deuxième but spectaculaire. 2-0 pour nous, incroyablement.
Le public compact exulte bruyamment. Mon cœur menace sérieusement d'exploser dans ma poitrine.
Puis l'arbitre siffle finalement. Mi-temps réparatrice.
Mi-temps — Point de vue de Léandre
Le coup de sifflet long retentit dans tout le gymnase. Mi-temps officielle.
Je souffle péniblement, les mains fermement posées sur mes genoux tremblants, les poumons en feu, le cœur prêt à littéralement imploser.
Je marche lentement vers la ligne de touche, le regard encore flou, complètement pris dans le tourbillon grisant du jeu. Mes coéquipiers enthousiastes m'entourent immédiatement, certains me tapent vigoureusement dans le dos, d'autres me lancent des "Putain, t'es en feu aujourd'hui" admiratifs comme si j'étais soudainement devenu quelqu'un d'autre. Comme si j'étais miraculeusement devenu un vrai joueur respecté, un vrai pilier solide de l'équipe.
Mais dans ma tête surchargée, c'est encore le bordel absolu.
Aya me fixe intensément depuis le banc des remplaçants. Elle ne sourit pas vraiment. Pas complètement. Elle me regarde avec ce mélange troublant de fierté évidente... et d'inquiétude palpable.
Elle sait parfaitement que quelque chose de sombre me dévore intérieurement. Et pourtant, elle ne dit rien, respectant mon silence.
Je passe devant elle sans m'arrêter volontairement. Mais nos yeux se croisent une seconde suspendue. Juste une. Et tout est dit silencieusement.
Elle aurait tellement voulu être sur le terrain, je le sais avec certitude. Elle aurait voulu jouer activement, vivre ce moment intense avec moi. Mais elle reste assise, droite, concentrée, comme si elle se forçait douloureusement à ne pas exister trop fort, à s'effacer.
Et je sais profondément que pour elle c'est un acte véritablement dévoué d'amour pur.
Car Aya ne tient jamais naturellement en place.
Et je crois sincèrement que c'est précisément pour ça que je l'aime tant.
Je m'assois lourdement sur le banc en bois, une bouteille d'eau rafraîchissante dans la main, les jambes tremblantes de fatigue. Le coach nous parle, donne des instructions tactiques complexes. Je l'écoute à moitié seulement, distrait.
Mon regard se perd à nouveau involontairement dans les gradins bondés.
Et là... il est toujours là, immobile. Gabriel, tel un fantôme.
Il n'a absolument pas bougé d'un millimètre. Toujours figé dans la même position, comme une ombre perdue parmi les vivants. Je serre convulsivement la bouteille entre mes doigts moites. Je me sens terriblement mal pour lui... lui qui aurait sûrement voulu partager ce moment avec Nathan hospitalisé...
Tristan me parle depuis son siège. Je réponds par un simple hochement de tête machinal. Mais je suis mentalement ailleurs, complètement.
Je pense obsessionnellement à Benjamin. À ce qu'il aurait dit en me voyant jouer comme ça aujourd'hui. Lui qui passait son temps à me répéter que j'étais "trop soft". Trop...
Efféminé.
Tu vois Ben ? Là je suis pas soft du tout. Là je joue exactement comme tu voulais que je joue. Comme si c'était la dernière fois de ma vie.
J'entends vaguement la voix du coach qui donne des directives : — Léandre, tu continues à tenir solidement le centre, on les étouffe littéralement là. Reste bien en place, et garde absolument ton calme.
Je réponds d'un simple : — Ouais, t'inquiète coach.
Mais en vérité, je suis à la limite de craquer. Entre la rage sourde, l'angoisse paralysante, l'envie de pleurer comme un enfant et celle de hurler ma douleur.
Aya me tend silencieusement une serviette propre. Je la prends sans un mot. Nos doigts se frôlent imperceptiblement. Elle me sourit enfin, un tout petit sourire fragile. Un "tiens bon" muet et éloquent.
Je souffle longuement et profondément. Ferme les yeux quelques secondes. Puis je me relève, seul et déterminé.
Le match reprend dans deux minutes à peine.
Je regarde les gars autour de moi avec attention. Tous ont l'air motivés et concentrés, mais moi... je suis autre chose. Je suis une bombe à retardement prête à exploser.
Et je sens viscéralement que la deuxième mi-temps va tout faire exploser brutalement.
Deuxième mi-temps — Point de vue de Léandre
Le coup de sifflet claque à nouveau sèchement dans l'air. Deuxième mi-temps décisive.
Je rentre sur le terrain avec l'impression d'être un champ de ruines ambulant. Chaque muscle de mon corps brûle intensément. Mes jambes sont du béton durci. Mon crâne, une cocotte-minute sous pression.
Mais j'avance quand même. Je suis là, présent.
Ballon remis en jeu. Pression immédiate et directe. Je récupère agressivement, relance rapidement, découpe presque un adversaire sur une interception virulente. Le coach hurle depuis la touche "BIEN JOUÉ LÉANDRE", mais sa voix me parvient lointaine. Comme dans une brume épaisse. Je suis mentalement ailleurs, déconnecté.
Je suis dans le vide absolu.
Chaque passe est un combat personnel. Chaque duel, une guerre privée.
J'entends à peine les crampons qui crissent sur le parquet, les cris des gars, les "DANS L'AXE !", "REVIENS !" Je fonce sans réfléchir, je frappe, je tombe. Je me relève immédiatement. Encore. Et encore. Et encore.
À la 65e minute exactement, je prends un carton jaune. Tacle beaucoup trop appuyé. Trop nerveux. L'arbitre me regarde de travers avec sévérité. Je ne m'excuse même pas. Je serre les dents à s'en faire mal. J'ai l'impression d'être littéralement en feu.
Sur le banc de touche, je sens Aya qui me fixe intensément. Je ne la regarde pas directement. Pas encore, pas maintenant.
Il faut absolument que je tienne bon. Je me parle tout bas, entre mes dents serrées. "Encore un quart d'heure." "Tu lâches rien." "Tu tombes pas."
Mais je suis objectivement à bout de forces.
Et soudain, le ballon remonte rapidement. Contre-attaque fulgurante. Je sprinte dans l'axe central à perdre haleine. Passe en retrait intelligente. Je contrôle fermement. Je frappe de toutes mes forces.
BUT !
Silence assourdissant pendant une seconde. Puis les cris explosent.
Les gars m'encerclent immédiatement, me sautent littéralement dessus, me hurlent dans les oreilles. "GOOOOOOOOO !" "PUTAIN LÉANDRE C'EST QUOI CE BUT INCROYABLE ?!" Je me laisse porter par leur euphorie, mais je ne ressens étrangement rien.
Je cherche désespérément Aya du regard dans la foule euphorique.
Elle est debout, figée. Elle a bondi du banc. Elle ne crie pas comme les autres. Elle a les deux mains pressées sur sa bouche, les yeux brillants d'une émotion intense que je ne peux pas déchiffrer à cette distance. Et là, quelque chose craque définitivement en moi.
Je quitte brusquement le terrain en courant, ignorant les protocoles. Vers la ligne de touche. Je m'en fous royalement du règlement et des conventions. Je fonce droit vers elle, mu par une force irrépressible.
Elle comprend instantanément mon intention. Elle fait un pas hésitant vers moi. Je la prends fermement par la taille sans réfléchir aux conséquences. Et sans un mot, sans hésiter une seule seconde, je l'embrasse.
Un baiser brutal. Étranglé par l'émotion brute. Mais terriblement vrai. Tout ce que j'ai pas dit depuis des jours interminables. Tout ce que j'ai gardé enfermé en moi comme un secret trop lourd.
Quand je me détache finalement, à bout de souffle, elle a les joues écarlates, le souffle court et saccadé. Elle murmure juste d'une voix tremblante : — Eh bah toi alors... je m'y attendais pas.
Je baisse légèrement les yeux, soudain vulnérable. Je murmure d'une voix rauque : — Bah alors, on a perdu sa langue maintenant ?
Mais elle secoue doucement la tête, un sourire fragile naissant sur ses lèvres. — Non. J'suis là. Je serai toujours là. Vas-y. Termine ce match pour nous.
Et là, revigoré, je repars en courant.
Je retourne sur le terrain, le cœur en vrac mais infiniment plus léger qu'avant.
Ce match, c'est pour moi. Pour Aya qui croit en moi. Pour Benjamin qui me rejette. Pour tout ce que je dois recoller en moi, pièce par pièce.
Je serre les poings avec détermination.
Il reste exactement 10 minutes. Et je vais leur faire comprendre qui je suis vraiment.
88e minute — Le basculement
Je retourne en place sur le terrain, jambes flageolantes. Le cœur encore haletant violemment. Les lèvres d'Aya sur les miennes me hantent comme une chaleur douce ancrée profondément dans mes os. Je veux tenir bon jusqu'au bout. Pour elle qui m'a embrassé en retour. Pour l'équipe qui compte sur moi. Pour ce match qui signifie tout.
Mais à peine le jeu a repris...
88e minute exactement. Je cours. Je presse l'adversaire. Je donne tout ce qui me reste. Mes jambes brûlent atrocement, mes mollets crient leur agonie, mais je m'en fous complètement.
Et là... je le vois venir. Leur défenseur massif. Grand comme une armoire. Visiblement frustré par notre avance. Il arrive en travers, l'intention claire dans ses yeux.
Et bam. Croche-pied brutal. Pas une faute anodine ou accidentelle.
Un coup net, violent, délibéré derrière ma cheville droite.
Je décolle littéralement du sol. Mon pied ne touche plus rien. Je tombe mal. Très, très mal. Le sol me fauche brutalement le souffle. Je m'écrase lourdement sur le flanc gauche, mon genou plie dans un angle anormal et inquiétant, ma tête tape le sol dur dans un bruit sourd, et mes lunettes volent en éclats, leurs morceaux dispersés sur le parquet.
Tout devient immédiatement flou et trouble.
Je n'arrive pas à me relever. Mon corps refuse catégoriquement d'obéir.
Plus un seul bruit cohérent dans ma tête sonnée. Juste cette douleur sourde, lancinante, qui irradie absolument partout.
Autour de moi, ça commence à crier de toutes parts. Les crampons claquent frénétiquement. L'arbitre siffle avec insistance. Les insultes fusent de partout.
Mais moi, je suis complètement figé. Couché sur le flanc, totalement incapable de bouger le moindre membre. Ma jambe me lance atrocement. Ma poitrine se soulève à peine, laborieusement.
Je tente désespérément de respirer, mais mon souffle est haché, insuffisant. Je sens mon cœur battre beaucoup trop fort dans mes tempes pulsantes.
Une main me frôle doucement l'épaule. Quelqu'un crie mon prénom avec panique. Mais je suis ailleurs, déconnecté.
Et là... Aya.
Je la vois enfin. Elle a violemment quitté le banc, elle court vers moi à perdre haleine. Ses yeux sont remplis d'une panique brute et viscérale.
— LÉANDRE !!! hurle-t-elle, sa voix déchirée par l'angoisse.
Les soigneurs de l'équipe tentent de la retenir fermement. Elle veut absolument me rejoindre. Elle se débat avec force contre leurs bras.
Elle se penche, se jette presque à genoux près de moi, alors qu'un membre du staff la repousse doucement mais fermement.
Je cligne péniblement des yeux. Tout tourne vertigineusement. Mais je vois ses larmes couler librement sur ses joues. Je sens sa main serrer désespérément la mienne.
Elle est là, présente.
Et même si mon corps me trahit cruellement, je sais avec certitude qu'elle m'aime sincèrement.
La descente — Point de vue de Léandre
Je ne sens plus rien de rationnel, à part la douleur déchirante qui explose dans mon ventre et me brûle tout entier comme un brasier.
Le monde autour de moi devient progressivement une masse confuse, floue, les visages se transforment en masques cruels et déformés.
Des mots se perdent dans l'air épais, durs, venimeux, des moqueries qui cognent sans répit sur mon crâne : — Mauviette pathétique. — Sale lesbienne de merde. — Fifille fragile. — Tu n'aurais jamais dû naître, monstre.
Ils rient, leurs voix se mêlent en un vacarme sourd, étouffant, assourdissant, et je n'arrive plus à distinguer clairement le réel du cauchemar éveillé.
Je tente de me relever courageusement, mais mon corps refuse obstinément d'obéir à ma volonté.
Des mains invisibles me soutiennent maladroitement, cherchent à me retenir, à m'apaiser avec des mots doux.
Mais c'est pire, infiniment pire, ça m'enserre comme un piège mortel.
Alors je me dégage violemment.
Je cours sans réfléchir.
Je ne sais pas où exactement.
Je fuis désespérément.
Mes jambes me portent sans que je comprenne vraiment comment, entraînées par une force aveugle, un instinct animal de survie.
Je traverse en trébuchant les couloirs sombres du gymnase, leurs murs résonnent de pas lointains, de voix paniquées qui m'appellent, mais je suis ailleurs mentalement.
Je vois des silhouettes étendues, figées, noires comme l'encre, mortes.
Ou peut-être ce sont simplement mes peurs matérialisées.
Je ne sais plus. Je ne sais plus rien.
J'ouvre une porte à la volée et me glisse précipitamment à l'intérieur.
Les vestiaires.
Le sanctuaire où je me suis toujours senti enfermé, différent, à part.
Là où personne ne me voit vraiment pour ce que je suis.
Mais avant que je puisse faire le moindre geste, reprendre mon souffle...
Une ombre surgit brusquement de derrière moi.
Une main glacée m'attrape violemment par le bras.
Je n'ai même pas le temps de crier, de lutter efficacement.
Une paume étouffe brutalement ma bouche, m'empêchant de respirer.
Une lame tranche ma peau.
Un éclair de douleur insoutenable déchire mon ventre.
Je m'effondre lourdement au sol carrelé froid, la lumière danse follement devant mes yeux qui se ferment, des étoiles se répandent comme des éclats de verre brisé.
Ce ne sont pas celles qui brillent habituellement quand je regarde Aya.
Je veux crier. Alerter quelqu'un. Mais ma voix me trahit complètement.
Je ne sais plus où je suis exactement.
Je ne sais plus qui je suis vraiment.
Mes yeux se ferment doucement, inexorablement, dans un dernier souffle, une ultime pensée.
Sur le porte-manteau rouillé en face de moi, un nom s'affiche, cruel et lourd de sens symbolique.
Léanne.
Je suis dans les vestiaires des filles.
Aya — La découverte
Putain de merde... Je ne sais plus où j'en suis. Mon cœur bat à une vitesse complètement folle, mon souffle est court et saccadé, j'ai l'impression terrifiante que le sol se dérobe sous mes pieds.
Je panique totalement, je perds pied.
Ils m'ont forcée à retourner sur le terrain, à jouer comme si de rien n'était. Mais moi, je n'ai qu'une seule envie obsédante : retrouver Léandre. Le retrouver immédiatement, le voir vivant, le toucher pour m'assurer qu'il va bien.
Je sens la peur me ronger de l'intérieur, une boule énorme dans mon ventre qui grandit à chaque seconde, me serre la gorge jusqu'à m'étouffer.
On m'a répété que les gendarmes assureraient sa protection, que rien ne pourrait lui arriver sous leur surveillance rapprochée. Mais comment croire ça aveuglément ? Comment rester là, à ne rien faire d'utile, pendant qu'il est seul, blessé, perdu quelque part dans ce gymnase ?
Alors la colère monte brutalement, violente, incontrôlable. J'attrape le ballon de basket qui rebondit près de moi, et d'un geste sauvage et impulsif, je le lance de toutes mes forces en plein dans la tête de Diego.
Le craquement sinistre et horrible de son nez qui se brise me déchire le cœur, mais paradoxalement, cela me fait un bien fou. Une décharge d'adrénaline pure qui réveille mes sens engourdis par la peur.
Pas le temps de réfléchir aux conséquences, pas le temps de souffler, je bondis immédiatement hors du terrain, comme une tornade incontrôlable.
Je bouscule violemment tout sur mon passage, gendarmes stupéfaits, joueurs médusés, spectateurs choqués, rien ni personne ne peut m'arrêter maintenant.
Je crie son nom, encore et encore, dans l'espoir désespéré qu'il m'entende quelque part, qu'il réponde.
— LÉANDRE ! LÉANDRE !
Après ce qui me semble être une éternité angoissante, mes yeux accrochent soudain une trace rouge vif au sol.
Du sang.
Fraîchement répandu.
Je suis glacée par la peur qui me serre le cœur comme un étau.
Cette piste macabre de douleur me mène inexorablement aux vestiaires des filles, la porte entrouverte comme une invitation sinistre.
Je pousse la porte d'un coup sec, violent.
Et là...
Léandre est là, allongé, immobile.
Le souffle coupé, le corps déchiré, une lame plantée profondément dans son ventre.
Je m'effondre à ses côtés, mes mains tremblantes cherchent à le réconforter maladroitement.
Mais je sais qu'il ne faut surtout pas retirer cette foutue lame.
Alors, avec toute la force que je peux rassembler, j'appuie fermement sur sa plaie, mon cœur battant à tout rompre.
Il émet un faible gémissement, un son fragile qui me serre la poitrine.
— Urgh...
— Léandre... tu es vivant, putain... tu es là... reste avec moi, reste avec moi ! je supplie.
Les larmes coulent sans retenue, brouillent ma vue, mélangent la peur à la douleur.
— Appelle... appelle les... articule-t-il difficilement.
— Non, ne parle pas, ne gaspille pas tes forces, reste avec moi, s'il te plaît... je t'en supplie.
Ma voix est un cri déchirant, un appel à l'aide désespéré lancé dans le vide.
Et puis, comme surgis de nulle part, des silhouettes se pressent autour de nous.
Les gendarmes ordonnent fermement à tout le monde de reculer, de faire place aux secours.
Mathieu déboule en trombe, téléphone en main, déjà en train de donner l'alerte aux urgences.
Je ne sais plus comment respirer correctement, mon corps est secoué de sanglots incontrôlables.
Je hurle encore, incapable de contenir ma douleur.
— SI SEULEMENT ON L'AVAIT RETENU ! SI SEULEMENT ON AVAIT ÉTÉ PLUS VIGILANTS ! TOUT ÇA N'AURAIT JAMAIS ARRIVÉ !
On m'isole doucement, m'éloigne de la scène, tentant de calmer ma tempête intérieure.
Je suis complètement perdue, fracassée, un naufrage dans un océan de peur.
Puis, au milieu de ce chaos assourdissant, je reconnais quelqu'un.
Gabriel.
Il s'approche doucement, sa voix est douce, apaisante.
— Chuuut... calme-toi, Aya, calme-toi... il va s'en sortir.
— Me calmer ?! Tu rigoles ?! Comment je pourrais me calmer ?! je hurle.
Mais il ne se laisse pas déstabiliser par ma colère.
Il attrape fermement mes épaules, m'oblige à le regarder droit dans les yeux, malgré les marques violacées sur son visage tuméfié.
— Aya... écoute-moi bien. Il est vivant. Son pronostic vital n'est pas engagé. Tu m'entends ? Il va s'en sortir.
Je ferme les yeux un instant, cherchant désespérément à trouver un souffle, un peu d'espoir dans cette nuit noire.
Je serre les poings jusqu'à ce que mes ongles s'enfoncent dans mes paumes.
Je veux juste que ce cauchemar cesse.
Je veux qu'il ouvre les yeux.
Je veux qu'il me regarde.
Je veux qu'il soit là, vivant, avec moi.
Les sirènes des ambulances résonnent au loin, se rapprochant rapidement.
Gabriel reste à mes côtés, une présence rassurante dans le chaos.
— Il va s'en sortir, Aya. J'en suis certain. Il est fort. Plus fort que tu ne le crois.
Je hoche la tête faiblement, incapable de parler.
Les larmes continuent de couler, silencieuses maintenant.
Et dans ma tête, une seule pensée tourne en boucle :
"Tiens bon, Léandre. Tiens bon pour nous."

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