Doutes

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- Révélations et Silences

Nathan — Dans la soirée, toujours avec Gabriel

J'étais toujours avec Gabi dans ma chambre d'hôpital impersonnelle. Il m'avait raconté, de but en blanc et sans ménagement, les événements terribles qui s'étaient déroulés durant mon absence forcée.

Et bordel... c'est peut-être horrible à dire, inhumain même, mais j'aurais sincèrement aimé être là-bas.

Parce que, dans absolument tout ce qu'il m'a raconté avec ce tremblement dans la voix... Je ne vois qu'une seule et unique personne qui aurait potentiellement pu commettre cet acte atroce.

Je l'ai ressassé longuement dans ma tête, tournant et retournant chaque détail, j'étais pas complètement sûr de ce que j'avais furtivement entrevu dans l'ombre. Mais cette fois, maintenant, j'en suis presque totalement certain.

Personne d'autre ne savait pour mon hospitalisation, à part eux.

Bref.

Gabriel aurait normalement dû être parti depuis un bon moment déjà, mais à croire que le personnel médical débordé nous a complètement oubliés tous les deux, personne n'est venu me voir ni contrôler quoi que ce soit depuis un bon bout de temps.

C'est pas grave du tout. Je ne dirais certainement pas non à ce qu'il dorme ici cette nuit, à mes côtés. Je m'ennuie à en crever littéralement. Je n'en peux absolument plus de cet environnement stérile et oppressant.

Et puis... je ne me sens pas physiquement pire qu'avant, étrangement. D'après les médecins perplexes, le cancer est étonnamment moins agressif que prévu initialement. Ce qui, en soi, est indéniablement une bonne nouvelle inattendue.

Dire que j'étais censé être interné ici pour une soi-disant "schizophrénie" diagnostiquée à la va-vite...

J'ai l'impression étouffante de croupir ici depuis des siècles interminables. J'ai juste désespérément envie de respirer pour de vrai. Et pas avec l'aide artificielle de canules ou d'un souffle mécanique.

Et puis...

Je ne devrais probablement pas ressentir ça, mais je ne me sens pas du tout en sécurité ici.

— Gabi ? appelai-je doucement.

Il somnolait à moitié sur mon lit d'hôpital inconfortable. Il se redressa péniblement en geignant doucement.

— Hmmmh ? fit-il, la tête complètement dans le pâté.

— Je sais pas si je devrais vraiment te raconter ça, mais j'ai pas du tout envie de garder ça pour moi plus longtemps.

Il arqua un sourcil interrogateur. Je voyais parfaitement bien que ça éveillait instantanément sa curiosité naturelle.

— Tu vois... Il y a quelque chose d'extrêmement étrange qui s'est passé la première fois que tu es venu me voir à l'hôpital avec les autres... mais ça me travaille constamment. Peut-être que je devrais pas t'en parler du tout, mais...

— Nate, accouche, mec. Crache le morceau.

— Bon, OK. Je vais pas y aller par quatre chemins inutiles. Tu vois, tu es resté avec moi un moment quand les autres sont partis ensemble. Mais dès que tu as quitté les lieux toi aussi, j'ai eu cette sensation horrible d'être... menacé. Observé.

Il ne dit rien du tout. Il écoutait avec une attention intense.

— Et le soir venu... j'ai vraiment cru sincèrement que j'allais me faire attaquer physiquement. Et cette personne qui—

Il plaqua brusquement sa main sur ma bouche, me coupant net.

— N'en dis pas plus. Surtout pas.

Surpris et confus, je restai bouche bée, presque incapable de parler ou de comprendre.

— Comment ça ? Pourquoi ?

Il semblait visiblement mal à l'aise, presque terrifié. Et je comprenais absolument pas ce qui se jouait réellement ici.

— Ce n'est vraiment pas contre toi personnellement, Nate... mais il y a certaines choses qu'il vaudrait infiniment mieux que tu gardes strictement pour toi. Des choses... que tu ne devrais surtout pas révéler à voix haute.

— Mais pourquoi exactement ? Qu'est-ce qui se passe ?

Il jouait nerveusement avec ses piercings d'oreilles, les faisant tourner machinalement. Ce geste particulier... je le connaissais parfaitement bien. Ça voulait clairement dire : "J'aimerais désespérément te dire un truc, mais je ne peux pas."

Et tiens donc... Ça me rappelait cruellement quelqu'un d'autre qui agissait exactement de la même manière après le match tragique.

Je préférai ne pas pousser plus loin l'interrogatoire. Je me doutais fortement que c'était un sujet tabou. Peut-être même complètement interdit.

Et je savais pertinemment que Gabriel était lié à des histoires sombres dont je ne devais manifestement pas être au courant. Mais je lui en voulais pas du tout. Je suis intimement convaincu qu'une sorte de malédiction ancestrale plane au-dessus de cette foutue ville des Trois Sapins.

Et on est vraiment dans la merde jusqu'au cou.

— Tu sais, Gabi... j'aimerais quand même sincèrement te raconter ce qu'il s'est exactement passé. Je sais pas quelles conséquences terribles ça aura potentiellement, mais si ça peut t'éclairer un minimum, je le ferai volontiers. Pour toi.

Il sembla profondément touché... hésitant. Puis finit par céder avec réticence.

— Très bien. Mais s'il te plaît, à absolument aucun moment tu ne me dis qui c'était précisément. Promets-le-moi solennellement.

J'acquiesçai gravement.

— Croix de bras, croix de fer, si je mens je vais en enfer.

À ce stade avancé, plus rien ne m'effraie vraiment. Je m'inquiète pas pour moi. Je m'inquiète uniquement pour ceux que j'aime.

Et plus particulièrement pour celui que j'aime par-dessus tout.

— Je vais donc t'expliquer méthodiquement de A à Z ce qu'il s'est passé cette nuit-là.

Il hocha la tête, prêt à m'écouter attentivement.

— Bien. Tu vois, quand tu es parti en me laissant seul, la nuit est tombée rapidement. Il y avait le couvre-feu habituel. Rien de particulièrement bizarre jusque-là. Mais tout s'est brusquement passé au beau milieu de la nuit... quand une infirmière est venue faire les vérifications habituelles de routine.

— Jusque-là, tout paraît effectivement normal.

— Oui. Mais trois minutes exactement plus tard, j'ai sincèrement cru que j'allais y passer définitivement.

Son visage perdit immédiatement un ton, devenant blafard. C'était vraiment pas bon signe.

— Le 3 tu dis ?...

— Oui, le 3. Ce foutu chiffre maudit me suit littéralement partout, Gabriel. J'en peux plus du tout. Rien que ma chambre d'hôpital...

— ...La chambre 333...

— Exactement ! Et attends, je parle que d'un simple chiffre là. Mais dis-toi bien que trois minutes chrono après le passage de l'infirmière... une autre personne entre silencieusement. Et tu sais quelle heure il était précisément ?

— Putain... me dis surtout pas qu'il était...

— Si. Trois heures du matin. Pile poil. Et ça, c'est absolument pas un hasard fortuit. Mais le pire dans tout ça, c'est que cette fois-là, j'étais complètement réveillé. Je dis naturellement : "C'est pour quoi ?" Le temps d'allumer la lumière du chevet... ma perfusion de morphine avait été changée trois minutes avant. Et là, elle était changée à nouveau. Mais cette fois, avec une dose... astronomique. Presque mortelle. Et plus personne dans la chambre vide.

Gabriel buvait littéralement mes paroles. Son regard... inquiet. Non. Absolument terrifié.

— Nate... tu n'as quand même pas gardé ça pour toi ? Tu as appelé de l'aide immédiatement ?

— Évidemment que oui. J'ai pas laissé passer ça sans réagir. J'ai arraché la perf' à toute vitesse et j'ai remis l'ancienne moi-même.

— Putain... c'est beaucoup trop à digérer... pourquoi tu me l'as pas dit plus tôt ?! Tu peux absolument pas rester ici, tu es en danger mortel, Nathan. Je dois rester avec toi.

— Je sais parfaitement, Gabi. C'est précisément pour ça que je vais changer de chambre.

— Comment ça ?

— Déjà, je me casse définitivement de la chambre 333. J'en ai ras-le-bol de ce chiffre maudit. Et ensuite, je vais dans une chambre double.

— Ah ouais ? Et on t'a autorisé ?

— Oui. Apparemment, un autre garçon de notre âge a besoin de compagnie. Et je doute fortement que l'agresseur tente quelque chose dans une chambre double, lui qui tient tant à garder son anonymat.

Gabriel avait l'air extrêmement sceptique. Mais je savais exactement comment le rassurer.

— Tu sais... je serai sur mes gardes en permanence, maintenant. Et cette personne ne saura plus où je suis exactement. Je vais même demander aux infirmiers de se signaler clairement à chaque passage.

— Et Léandre ? demanda-t-il soudainement.

— Léandre ?

Il marqua un silence pesant.

— Il va aussi être soigné dans cet hôpital.

C'est vrai. Encore un risque supplémentaire. Mais bon... le risque est partout. Tout autant que la mort. Elle vit littéralement en moi et me ronge petit à petit.

— Ne t'inquiète pas, Gabriel. Il sera en soins intensifs. Bien plus sécurisé que moi.

Il hocha la tête, semblant un peu rassuré.

Puis il vint se coller doucement contre moi, tel un chaton en manque de chaleur. Il me serra fort, comme s'il voulait me garder en vie par la simple force de ses bras.

— De toute façon, que tu sois seul ou pas, attends-toi à voir ma tête tous les jours, lança-t-il avec un sourire fragile.

Je ris doucement.

— J'y compte bien. Que ferais-je sans le meilleur médicament du monde ?

Nathan — Suite de la nuit

La nuit avançait doucement mais sûrement, et malgré les néons blancs du plafond qui grésillaient faiblement au-dessus de nos têtes, j'avais l'impression surréaliste qu'on était seuls au monde, Gabriel et moi.

Dans cette chambre d'hôpital stérile et impersonnelle, entre les murmures lointains du personnel nocturne et le bip régulier et hypnotique des machines, j'avais désespérément besoin d'oublier que j'étais malade. Que j'étais en danger constant. Que chaque heure passée ici était un jeu d'équilibriste précaire entre la vie et la mort.

Mais sa présence à lui... Elle me faisait oublier tout ça, ne serait-ce qu'un instant précieux.

Je le regardai attentivement, toujours lové contre moi. Sa respiration s'était faite progressivement plus lente et régulière. Je ne savais pas s'il dormait vraiment ou s'il essayait simplement de fuir la réalité en silence, mais je ne dis rien. Je voulais préserver cette bulle fragile. Ce moment suspendu qu'on venait de créer ensemble.

Et pourtant... une pensée obsédante s'infiltrait sans cesse dans ma tête, comme un poison qui coule lentement dans les veines.

Lequel d'entre eux ?

Qui pouvait vouloir ma mort ? Qui connaissait mon traitement par cœur, mes horaires, mes soins ? Qui avait pu manipuler ma perfusion à trois heures du matin, sans alerter personne ? Qui avait ce pouvoir-là ?

Il y avait bien un nom. Une ombre que j'ai pu entrevoir. Un souvenir que je tentais de refouler.

Mais si je le disais à voix haute, j'avais peur que les murs eux-mêmes se referment sur moi.

Je sentis Gabriel bouger légèrement.

— T'arrives à dormir, toi ? lui demandai-je doucement.

Il secoua la tête sans dire un mot.

— Moi non plus. Ce lit est aussi inconfortable que ma propre conscience tourmentée.

Il eut un petit rire amer.

— Tu penses... qu'on est vraiment maudits ? demanda-t-il soudain d'une voix tremblante.

La question m'avait transpercé. Je la gardais pour moi depuis trop longtemps.

— Je pense... que cette ville est pourrie de l'intérieur, Gabi. Que des choses s'y passent et qu'on a tous fermé les yeux, jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Je fis une pause, laissant le silence se poser entre nous, pesant et chargé de sens.

— Trois Sapins... ça sonne comme un joli conte de fées. Un village paisible au nom bucolique. Mais tout ici est faux. Lisse en surface, pourri jusqu'à la moelle.

— Comme une pomme trop brillante, murmura-t-il.

— Exactement. Et nous, on croque dedans tous les jours en se demandant naïvement pourquoi on tombe malades.

Je soupirai profondément.

— Tu sais, j'en ai parlé à un médecin ici. Je lui ai dit que j'avais vu quelqu'un dans ma chambre, que c'était pas un délire, que c'était réel. Tu sais ce qu'il m'a répondu ?

— Je crains le pire...

— Il m'a souri. Avec cette pitié condescendante dans les yeux. Et il m'a dit : "Vous êtes encore dans une phase de confusion due au traitement. Ce genre d'hallucination est fréquente, Nathan. Ne vous en faites pas. Vous êtes en sécurité ici."

Je levai les yeux au plafond.

— En sécurité... Mon cul, ouais.

Gabriel me serra un peu plus fort.

— Je te crois, Nate. Je te croirai toujours.

Et ce simple mot — "toujours" — m'a fait plus de bien que n'importe quelle injection de morphine.

Aya — Le lendemain, 16h15

Putain de merde, ça va faire maintenant trois nuits complètes que je ne dors pas une seule minute. Trois nuits blanches. Et tu sais quoi ? Contrairement à ce que tout le monde pourrait croire, ne pas dormir ne me fatigue pas du tout. Au contraire, c'est comme si mon corps carburait à une énergie bizarre, presque trop intense, presque flippante. Je sens que je pourrais courir un marathon sans m'arrêter, mais dans le fond, je sais que ce n'est pas normal du tout.

J'étais chez Capucine et Emy, à traîner dans leur salon, un peu comme d'habitude. Sauf que cette fois, une nouvelle tête est là, un certain individu mystérieux invité à se joindre à nous, à discuter un peu, à faire semblant d'être normal.

Je sais pas pourquoi, mais tant que je n'aurai pas compris ce qui se trame entre Emy et Tristan, je ne me sentirai jamais tranquille, jamais vraiment sereine. Il y a un truc qui cloche, un truc qui me ronge. Un truc que je sens, comme une ombre qui plane au-dessus de nous.

Et Emy et Tristan ne sont pas les seuls à m'angoisser.

Gabriel.

Je ne sais pas où il est. Je ne l'ai pas revu depuis ce fameux jour, ce jour qui me hante encore. Et j'ai peur. Putain, j'ai tellement peur de découvrir que mes amis, ceux en qui j'avais confiance, sont en fait mes ennemis.

C'est horrible à dire, mais j'ai cette certitude indéfinie, cette impression que quelqu'un dans mon cercle proche n'est pas celui qu'il prétend être. Quelqu'un joue un rôle, quelqu'un ment, quelqu'un trahit.

Emy était alitée depuis plusieurs jours. Elle ne sortait plus, ne voyait personne. Elle passait tout son temps avec Cerise, la petite sœur de Mathieu.

Je me souviens qu'elle nous avait dit un jour, d'une voix douce mais fatiguée, que les enfants sont les seuls à pouvoir la rassurer quand tout va mal, parce qu'ils gardent toujours espoir, même quand la lumière semble s'éteindre dans nos cœurs.

Moi, je veux bien la croire, parce que j'ai toujours pensé comme ça. Mais aujourd'hui, je refuse de me raccrocher à ces sourires innocents et ces âmes pures, parce que ça me rappelle trop Léandre, ce bonheur qu'on espérait tous dans le futur.

À propos de lui, on l'a enfin vu à l'hôpital ce matin, pour la première fois depuis l'accident. Je n'ai pas supporté. Le voir allongé là, connecté à toutes ces machines, son corps immobile et froid... C'était comme voir la mort elle-même devant moi.

Je n'ai pas pu rester longtemps. J'ai dû sortir, parce que je voulais juste voir mon ami, mon vrai ami qui me parle encore parfois dans mes rêves.

Mais Capucine m'a dit que dans le cas de Léandre, il pourrait peut-être m'entendre si je lui parlais à l'oreille. Alors je me suis approchée, je lui ai murmuré tout ce que j'avais sur le cœur, jusqu'à 15h.

Je lui ai confié tous mes secrets, des plus anodins aux plus honteux, je lui ai dit à quel point je l'aimais, à quel point il comptait pour moi.

J'ai attendu, espérant voir ses yeux s'ouvrir. Mais il n'y a eu aucun signe.

Ce n'est pas grave.

Au moins, j'ai pu me vider l'âme.

Puis je suis sortie, le cœur lourd et un peu soulagé à la fois.

Nathan est arrivé pile au moment où je partais.

Je me suis dit que je ne l'avais pas laissé seul, et ça m'a un peu réconfortée. Il doit être en bonne compagnie avec lui maintenant. C'est horrible à dire, mais ils partagent ensemble ce malheur.

Nathan a officiellement perdu ses cheveux. Ça m'a fait bizarre de le voir sans sa coupe au bol qui était devenue sa marque de fabrique. On dirait que la maladie lui a volé une partie de sa personnalité.

Pourtant, malgré tout ça, je le trouve presque plus vif qu'avant. Cette énergie, ce feu dans ses yeux me donne un mince espoir. Peut-être qu'ils s'en sortiront tous les deux, peut-être qu'il y a encore une lumière quelque part.

— Aya, y a l'autre abruti à la porte, lance Capucine sèchement.

Capucine me tire brusquement par le bras, me sortant de ma torpeur où j'avais enfoui ma tête dans les coussins du canapé.

— Regarde-moi ça... t'es toute ébouriffée.

Je passe une main dans mes cheveux en bataille.

— Je ferais mieux de les couper...

— Ah ça non, s'exclame-t-elle, à qui je pourrais faire des coiffures sans toi et ta chevelure de rêve ?

Elle remet en place mes mèches folles, éparpillées dans tous les sens. Puis, elle me pince fort les joues.

— T'es plus mignonne quand t'as bonne mine. Bon, je vais aller ouvrir à l'autre affreux.

Elle se lève, ouvre la porte d'entrée avec un claquement sec.

— Entre, lâche-t-elle sans un mot supplémentaire.

Tristan avance dans l'entrée, à tâtons, comme un enfant qui ne voudrait pas réveiller ses parents.

Il est habillé beaucoup plus simplement que la dernière fois : un vieux sweat-shirt usé, un jogging trop grand, et ses cheveux longs attachés en un chignon négligé. Sa barbe n'a sûrement pas été rasée depuis l'événement.

Emy se retourne, laissant Cerise seule contre le mur. Contre toute attente, à la grande surprise de sa petite sœur, elle se jette dans les bras de Tristan.

— Oh Tristan !

Elle pleure à chaudes larmes, tandis que le pauvre garçon manque de tomber à la renverse.

— Nan mais, Emy, t'es malade ?! s'égosille Capucine en s'arrachant presque les cheveux.

Tristan ne prête aucune attention aux cris de Capucine. Il caresse doucement les cheveux d'Emy.

— Oh sweetie, comme tu m'as manqué...

Emy enfouit son visage dans son pull en reniflant bruyamment.

— Quelqu'un peut m'expliquer ? Je crie, un peu perdue, Tristan n'était pas censé être le méchant de l'histoire ??

Tous les regards se braquent sur moi.

Tristan devient rouge de colère.

— Mais qui te permet ? Je ne ferais jamais de mal à Léandre, c'est mon frère ! se défend-il.

Emy approuve.

— C'est vrai, je peux vous jurer que Tristan n'a rien fait de mal.

Cette fois, c'est Capucine qui prend une douche froide.

Elle fonce sur sa sœur et, avant que quelqu'un n'ait pu réagir, la gifle violemment.

— Mais t'es tarée, ma pauvre fille ! hurle-t-elle. Tu te rends compte du souci que tu me fais ?! Ce mec, tu le connais à peine. J'ai eu peur, j'ai cru qu'il avait tenté de t'agresser ! Puis merde alors, c'était quoi tes caprices à deux balles ?! Tu restais muette comme une carpe, et là ça y est, ton bel étalon revient, et c'est comme si rien ne s'était passé.

Je crois bien que Tristan allait riposter, mais par mesure de sécurité, je m'interpose entre eux deux.

— C'est fini un peu tout ce boucan ?! Vous faites peur à Cerise, la pauvre s'est cachée.

En effet, Cerise s'est réfugiée derrière l'encadrement de la porte de la cuisine, tremblante.

Je la prends doucement dans mes bras.

— Viens là, ma poupée.

Elle tremble... pauvre petite fille de neuf ans prise dans ce chaos. Elle fait semblant que ça va, mais je sens bien que ça l'atteint.

Tout le monde se tait.

Capucine semble calmée, sûrement attendrie et désolée par Cerise. Tristan tient fermement Emy contre lui.

Je m'assois tranquillement sur le canapé avec la petite et décide de poser les choses à plat.

— Bon, maintenant que le discours est possible, je dis doucement, racontez-moi votre version des faits, s'il vous plaît.

Les deux restent muets, gênés, mal à l'aise sous le poids du silence qui remplit la pièce.

Capucine, les bras croisés et affalée dans son fauteuil, lance des regards assassins.

— Je les ai vus s'embrasser, moi, dit innocemment Cerise, rompant le silence.

Tristan rougit violemment, tandis qu'Emy ouvre grand les yeux, choquée.

Je me tourne vers la petite, choquée aussi.

— Tu as dit qu'ils s'embrassaient ?

Elle rit, sans honte.

— Oui ! C'était trop dégueu, j'ai tout vu, ils avaient de la bave partout.

Emy jette un regard noir à Cerise, la fixant intensément.

— Qu'est-ce que tu faisais là à nous espionner, toi ? répond-elle sèchement.

Je suis surprise par ce ton froid, dur, qu'elle n'a pas l'habitude d'avoir.

Tristan, lui, semble vouloir disparaître, honteux.

— Bah, Mathieu était trop fou, il hurlait pour Léandre et me cassait les oreilles. Je vous ai vus partir tous les deux, alors je vous ai suivis.

Emy semble sur le point de piquer une crise, mais au lieu de ça, elle s'approche de Cerise, lui prend le visage en coupe.

— Écoute, Cerise, dit-elle, ce n'est pas bien d'espionner comme ça. Tu as désobéi à ton frère et au règlement. Les petites filles qui font ça sont malpolies et désobéissantes.

— Toi, tu n'as pas suivi le règlement.

— My God, souffle Tristan, elle a du répondant, celle-là !

Capucine arrache Cerise d'Emy pour la prendre dans ses bras.

— Écoute, Emy, dit-elle, j'en ai assez de tes histoires derrière mon dos. Tu es la seule fautive avec cet idiot, et tu dois nous expliquer tout de suite ce qu'il s'est passé.

— On a juste flirté ensemble... minaudait Tristan, complètement paumé.

— Oui, je les ai juste vus faire des bisous, puis je suis partie, approuve Cerise, toujours dans les bras de Capucine.

Cette dernière semble se fier uniquement aux dires de la petite.

— C'est vrai ce que tu dis, ma chérie ?

— Oui ! Mais c'était trop dégueu, je suis partie. Mais Emy et Tristan sont revenus pas longtemps après, Emy était bizarre.

— Tu vois, lance Capucine à sa sœur, je ne suis pas la seule à penser ça.

— We are staying together all the time, I swear it ! tente de prouver Tristan.

Emy prend un air malheureux.

— Il a raison. Elle trifouille ses doigts. Je ne voulais que personne ne le sache. Elle pleure, une larme coule sur sa joue.

— Je m'en veux d'avoir ignoré Léandre.

Tristan fait la moue.

— Me too... balbutie-t-il.

Je les regarde tous les deux, émus, fatigués, pris au piège dans ce maelström d'émotions.

Cerise sourit un peu, rassurée par la douceur qui s'installe enfin dans la pièce.

— Je crois que si on se cache pas la vérité, elle dit, on pourra guérir.

Capucine l'embrasse tendrement sur le front.

— C'est ça, ma chérie.

Je sens que tout vient de basculer. Le fin mot de l'histoire n'est pas prêt d'être dévoilé...

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