Chapitre 1

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 La cloche du Thalis retentit dans un tintement aigu. Il transperça le ciel et se propagea à travers la brume. Le mousse, responsable de la cloche, commença son décompte. Se laissant porter par les flots, le navire voguait tranquillement sur la mer. Le clapotis des vagues chatouillait la coque du trois mâts n'ayant pour unique réponse que le couinement du chêne. Arrivé au compte de soixante, il fit résonnait le signal de nouveau.

 Par une porte laissée négligemment entreouverte, le son traversa la dunette jusqu'à sa cabine et s'immisça dans les coursives du bâtiment. La silhouette d'une femme se redressa sur un lit de fortune. Élancée avec une dense chevelure ondulée et des formes envoûtantes, elle n'était pas une sirène venue des profondeurs pour charmer les marins. Même si, des matelots en débattaient encore.

 Il s'agissait de Samira, une mercenaire. La seule femme à bord du navire pour la traversée transmighri reliant les côtes de Thalis et des îles Ioniennes. Des femmes avaient déjà emprunté la voie maritime en tant qu'invitées - mais en tant que matelot, c'était inédit. Une première sur le navire de commerce, où elle était officière. Elle se mut dans le noir avec aisance comme si la pièce n'avait plus de secrets pour elle, récupérant habilement des vêtements posés çà et là. Deux mois que le navire avait quitté son port d'attache, c'était certainement suffisant pour quiconque de se remémorer ce trou de souris.

 L'alarme, qui n'en était pas vraiment une, continuait d'être émise sur le pont. C'était un signalement que la plupart des navires émettaient lors d'une navigation à l'aveugle pour éviter les collisions. Une utilisation que l'on retrouvait plutôt à proximité des ports et des côtes. La veille, l'éminent capitaine Simmons avait averti l'équipage que selon ses calculs, ils apercevraient la ville de Fragorde, capitale des îles Ioniennes.

 En pleine nuit, elle trouvait le signal insolite. Ou bien peut-être qu'ils avaient pris de l'avance sur leur itinéraire. Un doute s'installa en elle. Alors qu'elle enfilait sa chainse, un grincement dans la coursive l'interpella. Une planche couina longuement dans le couloir. Elle entendit des pas dévaler les escaliers, tout aussi maladroits. D'autres se précipitaient sur le pont. À part le capitaine et quelques gradés, personne n'avait accès à cette partie du navire. Layalong récupéra le poignard sous son coussin. Ça n'était visiblement pas une personne habituée aux lieux ou très éméchée à en juger par les nombreuses collisions. Elle n'écarta pas la possibilité d'une énième tentative de séduction. Ça ne serait pas la première fois qu'un matelots se montrerait trop entrepant.

 Les pas se rapprochèrent d'un endroit spécifique. À hauteur d'homme, une poutre passait en travers du couloir, redoutable pour ceux qui n'y prêtaient pas attention. Le choc fut si violent que la porte vibra, réveillant les quelques poules restantes de la traversée. S'ensuivit immédiatement un râle. Elle aussi avait eu à s'habituer à cet obstacle bon gré mal gré. Cela n'était pas non plus une nouveauté que cette gêne l'avertisse d'un passage irrégulier.

  • Farkitsh! maugréa une voix familière
  • Garby ?

 Il n'y avait que ce gabier d'une quarantaine d'années qui utilisait cette expression, une insulte mêlant le postérieur et les yeux, lui avait confié un autre membre d'équipage. Elle desserra l'arme et continua de s'habiller. Garby Cony était le meilleur gabier de l'équipage, le capitaine lui accordait toute sa confiance. Il était d'un naturel bourru et franc; l'âge n'arrangeait pas les choses. Le fait que le capitaine l'envoie ne signalait rien de bon. Elle se hâta de se préparer lorsque les pas se rapprochèrent derrière la porte.

  • Des galions, m'dame.
  • Elle s'arrêta, accusant une mauvaise compréhension, avant de reprendre le lacement de sa chemise.
  • Un galion?
  • Non, des galions m'dame, répéta-t-il, ayant très bien senti sa surprise. On en a repéré trois. Le capitaine veut tout le monde à son poste.

 Deux galions, c'était commun à l'approche des côtes. À partir de trois, il n'y avait pas de doute possible: il s'agissait d'une flotte. Peu de pays pouvaient en réunir autant au même endroit, parmi lesquels Demacia, Piltover... Comme s'il avait lu dans ses pensées, le gabier les interrompit:

  • C'est Noxus.

 Il n'y avait pas d'autres explications. Depuis l'invasion des îles Ioniennes, des soulèvements avaient eu lieu sur tous les territoires que comptabilisait l'archipel. C'est ce que racontaient les rumeurs. La nation de Ionia se trouvait en face du continent Valoran et en vis-à-vis de Noxus, à deux mille cinq cents nautiques à l'Est. Ils envoyaient du renfort.

  • Je monte. Les autres ?
  • Franck se charge de les réveiller.

 Les pas s'éloignèrent de la porte pour se diriger vers l'escalier. Un choc retentit une nouvelle fois, suivi de quelques jurons. Lorsqu'elle se redressa, sa main se dirigea machinalement vers le tonneau en bois pour récupérer ses armes.

 La femme nouait la dernière lanière de son plastron en cuir. Elle enroula son abondante coiffure et la fixa avec son pic à cheveux. D'un revers de la main, elle récupéra le pantalon suspendu à sa droite, à côté de son cache-œil. Pour les quarts de nuit glacials, sa cape brune était accrochée sur la porte. Sans doute sa dernière relève. Elle remarqua que le son de cloche ne s'était pas renouvelé pas et elle sortit.

 À l'extérieur, le navire avançait à peine. Il glissait doucement sur la mer, Laya demeura perplexe sur les prévisions du Capitaine. Les voiles étaient rentrées. Sur le gaillard d'avant, elle vit l'autre veilleur qui la salua. Par-dessus son épaule, elle aperçut que le capitaine Arthur Simmons était à la barre. Il portait son chapeau et son manteau négligemment ouvert dans lequel flottait une vieille chemise usée. Comme d'habitude, son attitude droite et fière ne correspondait pas avec son accoutrement négligé. Il manœuvrait avec un œil attentif sur l'horizon et une lueur si inhabituelle dans son regard.

  • Est-ce qu'ils ont envoyé des signaux?
  • Non, répondit-il. Aucun.

 Elle ouvrit sa lanterne, qu'elle avait allumée plus tôt, puis souffla sur la bougie. Arthur la dévisagea. Il comprit l'initiative et hésita un instant, le regard toujours fixé sur les masses sombres d'où aucune lueur n'était émise. Les seuls à se révéler, c'était eux. Il espéra le moindre signal pendant une seconde qui dura une éternité, puis il se décida.

  • On passe en manœuvre de nuit.

 Immédiatement, la saméenne émit un sifflement, plus proche d'un hululement, et les quelques lanternes encore allumées s'éteignirent instantanément. Ils passèrent ainsi leur dernière nuit dans le noir complet. Les masses, bien que difficiles à apercevoir, semblèrent se détourner de leur trajectoire.

 La traversée se déroula dans un silence de mort. Aux premières lueurs du jour, on ne distingua pas la moindre trace des frégates, comme si cela n'avait été qu'un cauchemar. Le capitaine se décida enfin à briser le silence.

  • Avez-vous réfléchi à ma proposition?
  • Sur la poursuite de mon voyage? lui demanda Samira
  • Oui.
  • Je compte bien le poursuivre.
  • D'accord. Sachez cependant que, dès notre arrivée au port jusqu'au lendemain à la même heure, la cabine vous sera réservée si vous changiez d'avis. Au-delà de ce délai, je ne peux garantir sa disponibilité. Il ne restera plus que les places aux côtés des hommes d'équipage, une situation que je préférerais éviter.
  • C'est bien compris. Merci Capitaine.

 Les premiers cris de mouettes se firent entendre et leur vol accompagna le navire de cargaison dans un soulagement collectif. La terre était proche. Quelques instants plus tard...

  • J'lai! brailla longuement la vigie. Phare en vue !

 Les matelots crièrent sur le pont jusqu'à ce qu'un autre rapporte les indications au capitaine. Il ajusta le cap du navire et ordonna la descente de quelques voiles. Après quelques allers et retours du gouvernail, il demanda confirmation sur la direction.

  • Droit devant, Capitaine.
  • Parfait, on va pouvoir souffler un peu, dit-il en tentant vainement de retenir un long bâillement qui accentua davantage ses rides.

 Pourtant, il n'en fit rien. Il resta figé sur son gouvernail, l'œil morne, mais toujours alerte. Les mouettes semblaient s'extasier et leur chant les accueillit pour leur arrivée au port de Fragorde. Une autre caraque Des voiliers, de petites embarcations

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