III. Éclaircir l'inconnu / 3

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 — Elle ne se souvient de rien. Elle ne peut pas nous aider, grommela Béruc après que Caelan leur eut rapporté sa discussion avec Mara.

 — Pas de conclusions hâtives. Elle doit être sous le choc, il y a des cas rares d’amnésie suite à l’utilisation d’une magie extrême, argua Lumia. Les victimes finissent par retrouver leur mémoire.

 — Nous n’avons pas le temps pour les suppositions. Il nous faut des réponses et tout de suite, appuya Tréviane.

 En position d’infériorité Lumia se tourna vers Caelan qui était encore une fois plongé dans ses réflexions.

 — Lumia a raison. Nous devons faire en sorte qu’elle recouvre la mémoire. Cette femme… Mara… nous a sauvé la vie. Elle est apparue d’on ne sait où. On l’emmène à Ilyiée avec nous.

 Devant l’heure tardive et l’état partiellement lucide de Tréviane et Béruc induit par le brebek, le Commandant décida de les envoyer au repos pendant qu’il s’occupait d’éclaircir cette histoire avec Lumia.

 — Lumia, est-ce que je peux te demander de voiler ton apparence ? On va restaurer sa mémoire en y allant à petits pas.

 — Tu veux que je fasse plus humaine ?? s’esclaffa Lumia un brin réfractaire.

 Elle croyait que c’était une plaisanterie.

 — Par mesure de précaution, oui. Tu as bien vu comme elle vous a fixé Béruc et toi.

 Face à la demande sérieuse, Lumia concéda. Aussitôt, sa peau blanche comme une craie se teinta en un rose léger, masquant le principal signe distinctif de sa physionomie eforie. Son uniforme cachait le reste de son corps de toute façon. Elle donna une couleur blonde à sa chevelure. Quant à ses yeux, elle les laissa tels quels, profondément éclatants.

 — Ça suffira ? s’assura-t-elle auprès de Caelan.

 — Parfait !

 Il ouvrit la porte de la chambre, tandis que Lumia espérait ne pas devoir dissimuler sa vraie apparence trop longtemps. Ce n’était pas une mince à faire sur le long terme. Ce subterfuge était permis par un sort d’illusion.

 — Je n’étais plus certaine que vous existiez vraiment, murmura Mara calmement lorsqu’elle vit Caelan entrer.

 Il sourit et se rassit auprès de l’étrangère.

 — Dites-moi quels sont les souvenirs qui vous reviennent.

 Mara soupira essayant de rassembler des morceaux de mémoire, mais elle ne percevait que le néant. Sentant que les regards étaient rivés sur elle, elle se tut et se concentra encore une fois.

 — Un cockpit… Un grondement, de la lumière bleue…, articula-t-elle incertaine. Vous ne pouvez pas comparer ma photo avec les personnes disparues ? ajouta-t-elle réalisant que ses souvenirs n’étaient pas d’une grande utilité.

 — Vous ne semblez pas être répertoriée dans les bases de données auxquels nous avons accès. Cependant, votre ADN nous indique que vous êtes bien humaine, intervint Lumia. Il conviendrait d’analyser en profondeur vos souches.

 Mara fronça les sourcils, circonspect.

 — Évidemment que je suis humaine, que voulez-vous que je sois…

 La requête de Caelan concernant l’apparence de Lumia prenait tout son sens. Décidée à éluder le sujet pour l’instant, Lumia s’assit à côté de Mara.

 — Je peux ?

 Sans vraiment attendre l’autorisation de Mara, Lumia posa sa main sur sa tête.

 Surprise, Mara s’interrogea mentalement, mais se laissa faire. Lumia murmura alors quelques paroles à peine audibles. Une chaleur rassurante enveloppa Mara. Cette dernière tourna brièvement de l’œil et quelques souvenirs flous refirent surface : un arc-en-ciel, Zoé, Anthony, une douleur intense à la tête, des hurlements, une lumière, le néant, des visages inconnus et une lumière aveuglante. Mara revint à elle en sursautant et Lumia retira sa main.

 — Quelque chose ne tourne pas rond, souffla-t-elle paniquée. Dites-moi où est-ce que je suis ?

 Elle bondit du lit et se mit à faire les cent pas dans la pièce. Caelan et Lumia se levèrent, mais ne la retinrent pas.

 Pour tenter de rassurer la jeune femme, Caelan expliqua l’emplacement exact de Tremblane, évoquant superficiellement l’empire d’Alwyn, les planètes Ilyiée et Alkian par rapport au centre de la galaxie de Fairlor, ainsi que la mine où elle avait fait son apparition. Il lui raconta également comment elle avait débarqué au-dessus du pic rouge et comment elle était responsable de leur survie.

 — C’est insensé, je ne comprends rien à ce que vous dites ! vociféra-t-elle d'un air éperdu.

 Mara recula vers la porte. Caelan posa alors sa main sur son épaule pour la calmer, mais au moment où celui-ci entra en contact avec son corps, ce fut l’électrochoc. Il fut propulsé un mètre de là atterrissant sur le sol.

 — C’est moi qui ai fait ça ? hurla-t-elle paniquée

 Cherchant à fuir, elle se retourna et quitta la pièce en courant. Surprise, Lumia hésita à la poursuivre avant de se tourner vers Caelan un peu étourdi. Elle lui tendit la main pour l’aider à se relever. Plus de peur que de mal. Après un rapide regard croisé, les deux venoris sortirent en courant à la poursuite de Mara. Elle ne pouvait de toute façon pas aller bien loin.

 Mara cherchait une sortie à son cauchemar. Elle détala dans les couloirs, croisa quelques soldats trop éméchés pour comprendre et bifurqua à droite, puis à gauche, descendit un escalier, se retrouva dans la salle à manger, les cuisines. Elle renversa quelques plats sur son passage, cela lui valut les railleries du personnel. Elle continua son périple en rejoignant d’autres escaliers qui montaient, montaient pour terminer en haut de la tour nord. Elle trouva une porte de sortie fermée et sans poignée. Elle chercha frénétiquement le mécanisme d’ouverture, puis finit par repérer un interrupteur. La porte lui offrit sa liberté. Pieds nus, elle hésita à sortir. Le sol était gelé, recouvert de neige. Elle serra ses bras contre elle tentant vainement de se réchauffer et franchit le pas, affrontant le froid mordant.

 À cet instant, non seulement, elle se rendit compte qu’elle avait débouché sur une voie sans issue, mais que l’horizon était infini et enneigé. Une nuit sans lune, au sein d’une énorme structure de pierre et de métal, planter dans une scène rocailleuse. Le flanc des montagnes noires se dressait comme un mur infranchissable autour d’elle. Un décor inconnu.

 Contrainte et désespérée, elle se laissa tomber sur le sol gelé en sanglot. Elle vivait le cauchemar le plus réaliste de sa vie.

 Freinant leur course, Caelan et Lumia arrivèrent quelques instants plus tard.

 Le Commandant s’approcha gentiment de Mara et allongea à nouveau son bras pour lui offrir sa main.

 — Est-ce que j’ose ? demanda-t-il craignant se faire renvoyer une nouvelle fois au sol.

— Je ne suis pas chez moi. Suis-je au purgatoire ? bredouilla Mara en pleur.

 Caelan attrapa la main frêle de Mara et l’aida à se relever. Elle faillit glisser, alors il la souleva pour la prendre dans ses bras et la ramener dans la chambre. Abattue, Mara se laissa faire.

 Elle s’endormit aussitôt lorsque Caelan la déposa avec délicatesse sur le lit.

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