2.5) Volodia

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Cela faisait une éternité que nous fendions les dunes, et je sentais comme une présence à nos trousses ; ma volonté criblée d’une angoisse grandissante. L’anxiété avait eu raison de mon appétit, pour mon plus grand soulagement, car je ne me nourrissais alors que de lézards grillés, pris en traîtres par la chaleur, d’écorces desséchées et de médule crayeuse arrachée aux carcaces qui jonchaient notre route.

Je ne buvais presque pas : seuls les organes suintants de quelques unes de mes rares prises, et quelques gouttes qu’en désespoir m’accorda Sakineh. Je détestais la boire, elle que je tâchais d’épargner, mais je devais survivre pour la secourir et ne pus refuser ce qu’elle m’offrit de plein gré. Aussi je m’hydratai à son cou, sous son sourire ondulant. Je voulais la presser contre mon cœur engourdi en signe de gratitude, mais je craignis l’éclatement des ballons transis par le soleil.

Le Ciel était mauvais : perpétuellement sombre, désespérément sec ; et l’œil d’un cyclone précieusement contenu, nous narguant, érodait de son mépris acerbe.


J’arrêtai la bécane aux abords d’un mystérieux tétraèdre dont seule la pointe en miroir émergeait des sables ondoyants. La sécheresse du désert et les brûlures d’en-haut, que la grisaille voilait sans toutefois les retenir, m’obligeaient à m’abriter. Aussi montai-je la toile dont les capteurs, peut-être, prendraient quelques gouttelettes, et me glissai-je dessous pour m’assoupir un temps.

Les mêmes rêves torturés agitèrent mon sommeil, sans que le contact glacial de la bonbonne rigide mît un terme à la fournaise qui, de l’intérieur, m’incendiait sans relâche. Je baignais dans ma sueur au réveil, et je pris soin d’en recueillir chaque goutte afin d’alimenter le réservoir désolé qui pilait, inutile, mon dos courbaturé.

Je repris la bonbonne puis repliai ma tente. La nuit nous gratifiait de sa tiédeur clémente et la marée de sable avait rampé plus loin, découvrant l’étroit passage creusé au soubassement de l’étrange pyramide.

Je ne saurais dire – et ma mémoire s'est ensablée – si c'est la curiosité qui alors me poussa, ou bien mes instincts les plus lâches qui, envers et contre ma résolution, me suppliaient de fuir l'œil dormant du cyclone. Il résultat que je m'engouffrai, sceptique, dans l'obscur corridor qui se dévoilait à moi.

— Tu es là, Sakineh ? murmurai-je sans attendre toutefois aucune réponse de la part du réceptacle muet qui préservait son fant'eaume. Je ne sais où nous allons, mais nous devons nous y rendre.

À l’embouchure de l’artère, la clarté opaline d’un coucher de soleil me surprit. Là, dans une vaste antichambre aux parois sang-de-sucre, flottaient les dépouilles embrumées de cumulus aux allures de barbapapa ; bleu poudré, cuisse de nymphe, coquille d’œuf. Un cimetière de nuages, antique tombeau céleste.

Des plantes grasses, colorées jonchaient le sol fécond, le sable alourdi par l’humidité, et je creusais mes méninges pour déterrer les souvenirs des lectures de Mireille sur le monde d’autrefois. Pas de feuille, nulle écorce. Pressée par le spectacle, dont je redoutais qu’il ne fût qu’éphémère, je me dépêchai toutefois de gonfler la combinaison et d’y verser la fille d’eau pour qu’elle vit de ses yeux, coulants et salés. Elle fut comme moi émerveillée. Puis, l’improbable se produisit : elle articula.

Asteroidea. Cerastoderma. Chrysophycées. Corallium. Echinoidea. Porifera. Rhodophyta.

Une vraie lycéenne ! Elle savait réciter par ordre alphabétique.

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