le conseil des cieux (nouvelle)
L’univers toussait.
Ses galaxies tremblaient, ses étoiles s’éteignaient plus vite que prévu, et ses planètes semblaient fatiguées. Dieu, inquiet, convoqua un Conseil céleste. Autour de lui, les plus grands spécialistes de la Création : l’Ange de la Vie, le Gardien des Équilibres, l’Architecte des Mondes, et le Médecin de l’Environnement.
Ils examinèrent les constellations, auscultèrent les planètes, analysèrent les flux d’énergie. Le verdict tomba, sans appel.
— C’est l’Homme, dit le Médecin de l’Environnement, le regard sombre. Il est le virus. Il consomme sans conscience, détruit sans remords. Il empoisonne les eaux, étouffe les cieux, et tue les espèces que nous avons façonnées avec amour.
Le Médecin, austère et précis, parlait en chiffres et en courbes. Il avait vu les océans s’acidifier, les forêts disparaître, les espèces s’éteindre. Pour lui, l’Homme était une anomalie biologique, un déséquilibre statistique.
L’Ange de la Vie baissa les yeux, mais sa voix était douce et vibrante.
— Mais l’Homme est aussi capable de beauté. Il peint les étoiles, il chante à la lune, il rêve d’explorer sans fin. Il pleure ses erreurs, parfois. Il aime.
L’Ange, gardien des naissances et des renaissances, voyait les enfants qui plantaient des arbres, les poètes qui pleuraient la Terre, les mains tendues vers les autres. Il croyait en la lumière cachée dans les ténèbres.
Le Gardien des Équilibres intervint, sa voix tranchante comme une lame.
— Son rêve est devenu pillage. Il ne cherche plus à comprendre, mais à posséder. Même Mars tremble à l’idée de sa venue. L’équilibre est rompu. Il faut le restaurer.
Le Gardien, impartial et rigide, ne jugeait pas. Il pesait. Et le poids de l’humanité penchait dangereusement vers le chaos. Il avait vu des civilisations s’effondrer, des mondes sombrer. Il ne voulait pas que la Terre soit la suivante.
L’Architecte des Mondes, pensif, caressa la sphère bleue suspendue devant lui.
— Nous avons vu d’autres peuples s’éteindre. Certains ont choisi la sagesse, d’autres la guerre. L’Homme est à la croisée des chemins. Peut-être mérite-t-il une dernière chance.
L’Architecte, créateur de formes et de lois, aimait les paradoxes. Il voyait dans l’Homme une complexité fascinante, une promesse inachevée. Il croyait aux bifurcations, aux sursauts de conscience.
Le Médecin répliqua, les yeux brûlants :
— Une chance ? Il en a eu des milliers. Chaque siècle, chaque génération. Et pourtant, il recommence. Il croit que le monde lui appartient.
L’Ange murmura :
— Il ne sait pas. Il a oublié. Il est jeune, encore. Il faut lui rappeler.
Le Gardien se tourna vers Dieu :
— Si nous attendons encore, l’univers pourrait ne plus se relever. Le temps est compté.
Dieu, jusque-là silencieux, se leva. Son regard embrassa les galaxies mourantes, les planètes épuisées, les étoiles éteintes. Puis il parla :
— Et si nous retirions l’Homme ?
Un frisson parcourut le Conseil. Même les comètes semblèrent ralentir leur course.
Mais l’Architecte s’avança :
— Offrons-lui une vision. Qu’il voie l’univers malade, qu’il entende notre diagnostic. S’il change, il pourra guérir ce qu’il a blessé. Sinon…
Dieu acquiesça. Une étoile fut chargée d’un rêve, un message codé dans la lumière, et envoyée vers la Terre.
Elle traversa les nébuleuses, frôla Saturne, et s’écrasa doucement dans un champ désert, au cœur d’une nuit silencieuse.
C’est là qu’Élias la trouva.
Élias n’était pas un homme puissant. Ni savant, ni prophète. Juste un rêveur fatigué, qui passait ses nuits à observer le ciel, espérant y lire un sens. Quand il toucha l’étoile, elle s’ouvrit comme une fleur, et le rêve s’infiltra en lui.
Il vit l’univers malade. Les planètes pleuraient, les océans suffoquaient, les animaux fuyaient des terres devenues stériles. Il vit le Conseil des Cieux, et entendit le verdict : L’Homme est le virus.
Mais il vit aussi les souvenirs. Des enfants qui plantent des arbres. Des poètes qui chantent la beauté du monde. Des scientifiques qui cherchent à réparer ce qu’ils ont brisé. Et il comprit : l’Homme est aussi le remède.
Quand Élias se réveilla, il n’était plus le même. Il avait vu la fin, mais aussi la possibilité d’un recommencement.
Il écrivit. Il parla. Il marcha dans les rues, les yeux pleins d’étoiles, le cœur brûlant d’un feu ancien. Certains le traitèrent de fou. D’autres l’écoutèrent.
Son message était simple :
“Nous sommes la maladie, mais nous pouvons être la guérison.
L’univers ne nous déteste pas — il nous attend.
Il nous supplie d’apprendre, de respecter, de réparer.
Si nous ne changeons pas, il nous effacera.
Mais si nous changeons… il nous embrassera.”
Et quelque part, dans une galaxie lointaine, une étoile recommença à briller.
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